Petit contre-dictionnaire Heidegger – HOMME HABITE EN POETE – Détail de traduction qui justifie de considérer la conférence de 1951, « L’homme habite en poète », comme un texte nazi

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J’ai soutenu dans une note antérieure que la célèbre conférence de 1951 de Heidegger publiée sous le titre de L’homme habite en poète était un texte nazi. La démonstration reposait sur le fait que, si l’on suit Heidegger, il fallait entendre que seul le Dasein habitant en poète, notamment en se tenant loin de tout rapport de mesure géométrique de la Terre, était véritablement homme. Plus exactement il y a un Dasein, et un seul Dasein qui, parce qu’il parle la langue de l’être après le grec – et il s’agit de l’allemand notamment de l’allemand « ré-aryanisé » – peut prétendre à habiter véritablement en poète et donc peut prétendre à incarner la seule et vraie authentique humanité. Tel est par ailleurs le centre de gravité de la conception nazie du monde. Heidegger lui-même n’est pas un « philosophe », ce qu’il a maintes fois récusé, mais un penseur et un penseur de l’être en tant que guide spirituel des allemands/aryens. La langue de Heidegger elle-même se veut un allemand « ré-approprié » au sens d’un allemand aryanisé ou ré-aryanisé.

La langue allemande ouverte à la philosophie était un « commun » aryen contaminé, amoindri, dilapidé. Cette décomposition était le résultat de ce que Heidegger dénonçait en hitlérien comme constituant la menace essentielle, ontologique et existentielle, qu’étaient censés faire peser les juifs sur le peuple en étant incrustés sur sa racine intérieure. Le programme heideggérien de la déconstruction – Deconstruktion ou Afbau – n’était en ce sens qu’un programme de ré-aryanisation.

Or, dans la traduction d’André Préau, une phrase semble pouvoir être opposée à mon interprétation. « Mais, se demande Heidegger, comment « l’homme » – ce qui veut dire : tout homme et d’une façon permanente – pourrait-il habiter en poète? »

La formulation de cette question rendrait ridicule mon invraisemblable et diffamatoire interprétation accusatrice. Je partais du principe, jusqu’ici, qu’il ne fallait jamais s’en laisser compter par le semblant d’universalité du discours heideggerien. Le principe est toujours valable : le discours nazi sophistiqué de Heidegger doit être analysé en fonction de son adresse. Et l’adresse, et c’est toujours là même : directement ou indirectement, le penseur antiphilosophique Heidegger s’adresse de manière entendue et privilégiée aux « aryens ».

Cela dit le texte allemand correspondant à la phrase est le suivant : « Wie soll jedoch « der Mensch », dies meint : jeder Mensch als Mensch und ständig dichterisch wohnen? »

Préau a traduit « jeder Mensch als Mensch » simplement par « homme ». Pourquoi une telle économie? Faudrait-il de même simplifier le « être en tant qu’être » d’Aristote? Effectivement l’expression se traduit ainsi aisément : « l’homme en tant qu’homme » ou « chaque homme en tant qu’homme ».

Reconnaissons que l’expression peut m’être également opposée : Heidegger – ce brave humaniste! – précisément se réfère à l’homme en tant qu’il est humain. Et c’est en tant qu’il est humain qu’il habite en poète.

Toutefois si l’on accepte que de nombreux aspects du discours heideggerien s’éclairent à être rapportés au contexte de la « pensée hitlérienne » l’expression « homme en tant qu’homme » vaudrait précisément comme précision restrictive. L’expression est conditionnelle car, pour les nazis, n’était pas homme qui voulait. Ils avaient la certitude absolue qu’il y avait des « simulacres d’homme », sous-hommes corrompant l’humanité supérieure et authentique.

L’ontopoétique nazie à l’oeuvre. Nécessaire pour habiter en poète!

 

En ce sens « jeder Mensch als Mensch » signifie : l’homme en tant qu’il est authentiquement homme et donc à la différence des « infra-humains ». Toutes les déclarations antisémites de Heidegger, dont celle à propos de son maître Husserl – sa race l’empêchait d’aborder les questions essentielles! – vont dans ce sens.

Hors du contexte de la sémantique nazie l’expression pourra toujours m’être opposée. Je soutiens qu’elle a une valeur restrictive et formule une conditionnalité d’essence raciste et antisémite.

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1 commentaire

  1. Entièrement d’accord. De plus ces tournures pseudo-universalistes, et toujours ambigües, sont si rares chez Heildegger que cela ne peut que conforter votre interprétation. Et voir des heildegerriens désespérés se jeter dessus comme des morts-de-faim me fait toujours bien rire.

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