Eichmann et l’absence de remords – Hannah Arendt n’a rien compris à ce qu’est la pensée pour Heidegger et ses potes nazis

Isabelle Delpla, dans l’entretien avec Rony Brauman publié par le numéro spécial Hannah Arendt de Philosophie Magazine s’exprime ainsi à propos du portrait d’Adolph Eichmann d’Hannah Arendt :  » Un élément sur lequel s’appuie Arendt pour dire qu’Eichmann ne pense pas, c’est qu’il n’exprime aucun remords ».

C’est mettre le doigt sur une erreur majeure d’Arendt. Rappelons tout d’abord l’étrange syllogisme qui peut se déduire de la thèse arendtienne selon laquelle Eichmann, sans être stupide, ne pensait pas.

Eichmann ne pense pas.

Eichmann est nazi.

Donc Heidegger – qui pense – n’est pas nazi.

Certes Arendt aurait demandé à son amant philosophe, en vain par ailleurs, de s’expliquer sur son attitude pendant la guerre. Mais il n’aurait pu être question de reconnaître le nazisme de Heidegger. (Certains disent que, nazi radical, Heidegger n’était pas antisémite! D’autres disent que Heidegger, nationaliste et antisémite, n’était pas nazi! Le phiblogZophe dit que Heidegger était un nazi radical, antisémite et nationaliste).

Mais revenons à la « pensée ».

Heidegger ne se voulait pas philosophe mais penseur. La philosophie pousse toujours du côté de l’universel. Le penseur Heidegger se voulait allemand, enraciné dans un paysage et héritier d’une langue qui est la seule langue vivante de l’être (après le grec des présocratiques). Heidegger a une conception raciste et antisémite de la pensée. Il faut penser, en effet, contre l’ « enjuivement » celui-ci promouvant la raison, le calcul, la métaphysique des droits de l’homme, la philosophie des Lumières et ses suites par exemple cassiriennes et néo-kantiennes.

Penser, pour Heidegger et ses acolytes nazis – l’horrible Eugen Fischer fut un de ses proches jusqu’à la mort – c’est penser résolument non seulement hors des « tables de la loi », hors de l’interdit de meurtre – qui est en l’occurrence et pour la cause sur-judéisé – mais aussi contre la « Loi ». Autrement dit éprouver du remord pour avoir envoyé à la mort le peuple de Moïse aurait été tout le contraire de la pensée!

En ne manifestant aucun remord Eichmann, qui est fait comme un rat dans sa cage de verre à Jerusalem, envoie ainsi un signe remarquablement bien pensé aux nazis du monde entier : « les Tables, c’est de la m… Viva la muerte »!

Bien entendu il y a des pensées beaucoup plus amples que celles d’Eichmann, par exemple celles de Heidegger. Mais, hélas, il y a une « école de pensée » nazie pour laquelle, précisément, il faut oeuvrer hors la Loi. En faisant de l’absence de remord un critère de non pensée Arendt a par trop simplifié la question du nazisme et de la responsabilité d’une partie du monde intellectuel d’Allemagne. Elle a répondu à l’infantilisme de la représentation des nazis comme étant des monstres par un autre infantilisme à savoir que les nazis ne pensaient pas et que, pour cette raison, ils ne faisaient plus le partage entre bien et mal. Hélas ils ont au contraire appris à penser « par-delà le bien et le mal ». Tel est le sens, à mon avis, de la question heideggerienne de l’être et du programme ontologique heideggerien.

Je ne nie pas qu’il y ait eu des exécutants banaux et ne faisant qu’obéir aux ordres. Mais ce n’est pas là l’essentiel. Il a existé, et existe encore, un chaudron nazi fait de haine raciste et de justifications mythologiques virtuoses et qui furent hautement séduisantes. Si on veut avoir une idée d’un nazi de pensée il suffit de lire Heidegger, ce penseur qui ne voulait surtout pas être philosophe. C’est pourquoi, au reste, je trouve légitime que certains philosophes refusent d’inclure dans leur rang Heidegger. Celui-ci s’est exclu lui-même.  Pour avoir participé à la fondation et au fonctionnement d’un Etat raciste, antisémite et génocidaire. Reconnaître le nazisme de Heidegger dans toutes ses dimensions donne plus exactement une idée de la complexité de la tâche qui attend les « résistants ».

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1 commentaire

  1. Bonjour;

    Je suis en plein accord avec vous, sur presque tout votre article-

    Une seule phrase me gêne, c’est ce propos ( de Nietzsche….. «  » par delà le bien et le mal «  »

    Nietzsche n’est pas Heidegger, <>

    Heidegger lui l’était, c’est sûr.

    Cordialement,

    claude Orengo

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