La biographie qu’il faut lire en attendant mieux :
Le national-socialisme est un principe barbare « , écrit Martin Heidegger dans ses Cahiers noirs, ajoutant : » C’est ce qui lui est essentiel et sa possible grandeur. » Révolutionnaire radical, ayant vu et approuvé le caractère destructeur du nazisme, le recteur de Fribourg a réservé d’autres surprises dans ses journaux philosophiques, dans lesquels il évoque par exemple l' »auto-anéantissement du « juifˮ « . Alors que le philosophe est devenu un objet d’incompréhension et d’horreur, nombre de spécialistes en appellent désormais à l’histoire. C’est cette ré historicisation que l’auteur a entreprise dans ce livre. Refusant la polémique, l’adoration et la détestation, il s’emploie à comprendre l’homme et le penseur, de l’intérieur et en son temps, par le biais de toutes les sources disponibles : cours, lettres, textes de circonstance, de même que les Cahiers noirs qui suscitent tant d’émoi. Excédant largement le III e Reich, le cheminement de Heidegger fut heurté : il commença par un catholicisme intransigeant, qui laissa la place, après la Première Guerre mondiale, à une volonté farouche de révolution philosophique, terreau dans lequel son nazisme vint jeter de profondes racines qui survécurent à l’effondrement du régime d’Adolf Hitler. De cette biographie se dégage un portrait fait d’ombres et de lumières : grand philosophe, maître, ami ou amant de juifs ou d’étrangers, Heidegger fut aussi un nationaliste antisémite, inquiet de l' »enjuivement » de son peuple et soucieux de son rôle historique prééminent. (4eme de couverture).
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Les bras m’en tombent. Voulez-vous rendre le nazisme adorable? Vous n’avez qu’à lire ce livre. Une biographie? Oui, mais une biographie-fiction. « La » biographie? Non. Un roman. Du mauvais Stephan Zweig à prétention scientifique. L’hagiographie de Bled qui sert de présentation: un dithyrambe inacceptable. Le volume est un gros livre et non pas un « grand livre ». Une thèse de doctorat boiteuse, vieille de dix ans, adaptée au goût du jour après les révélations de 2014 sur les cahiers noirs. Un bricolage ingénieux qui se boit comme du petit lait, d’où le danger qui en découle. Guillaume Payen n’a rien compris à Heidegger. Il a fait un succès de librairie, un best seller qui va se vendre à des millions d’exemplaires parce que c’est un roman d’apparence scientifique et que les lecteurs à demi-instruits aiment ça. Mais au bout du compte qu’a-t-on appris sur le véritable Heidegger? Rien. Pas plus qu’on n’avait appris quelque chose sur le véritable Hitler dans l’ouvrage de Ian Kershaw. Quand les historiens s’adonnent à la biographie ils devraient mobiliser davantage l’esprit critique au lieu de le laisser au placard pour laisser place à l’imagination et au déni, ces deux écueils tragiques de la graphie. Le Goff nous avait appris autre chose, malheureusement sa leçon n’a pas été écoutée. Trop dur le médiéviste et pourtant tellement instructif. Il en avait compris des choses en travaillant sur Saint Louis. Quand on veut écrire une biographie, il ne faut pas être pressé. Et surtout il ne faut pas vouloir faire des affaires. Dans la compilation mi raisonnée , mi-imaginaire de Monsieur Payen, le massacre de Victor Farias, qui a pourtant été pillé, et celui d’Emmanuel Faye, qui n’a pas été lu avec la rigueur souhaitée mais qui a pourtant été vilipendé, sont des autodafés irrecevables. On comprend mal qu’un historien comme Jean-Paul Bled ait pu accepter cela. Guillaume Payen ce n’est pas le juste milieu entre deux extrêmes, c’est le juste mielleux de l’incompétence réjouie et auto satisfaite. La thèse de Farias reprise et incorporée dans un magma de sables mouvants anecdotiques aux appels croustillants alléchants pour le lecteur libidineux à prétention culturelle. Après avoir lu les pages 578 et 579 de la conclusion qui vous feraient fondre dans le larmoiement pour celui qui fut en réalité le fondateur et le dirigeant permanent affreusement ignoble du nazisme, on n’a plus qu’un seul mot à dire comme le personnage le plus stupide de Molière: « le pauvre homme ». En une page et demie Payen a résumé sa carrière et malgré cet aveu monstrueux, six millions de Juifs envoyés à l’abattoir pour purifier le sol européen et des millions de morts de famine ou tués sur les champs de bataille, le dirigeant du nazisme ce n’était pas lui. De qui se moque-t-on? L’Antichrist aurait parait-il retrouvé la foi et se serait assagi? Pourquoi aurait-il donc écrit la Gesamtausgabe, ces « échafaudages » de sa « cathédrale » qui ne sont que les nouveaux chemins vers le nazisme si ce n’était pour les faire prendre aux nouvelle générations ? Que dis-je des chemins? Des « boulevards du crime », les autoroutes de l’enfer. Heidegger assagi? Plutôt le diable derrière le masque de Zarathoustra faisant prendre la fausse lueur du « soleil noir » de sa « nostalgie » de l’aletheia pour la lumière de l’étoile solaire de l’absolu.
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Pourquoi ne pas vouloir reconnaître la vérité et supprimer mes textes? Cette pseudo biographie est la pire des choses qui pouvait exister. Elle fait de Heidegger un grand philosophe nazi et ouvre la voie à de nombreux disciples qui voudraient l’imiter. La campagne de recrutement pour un nouvel embrigadement nazi est réussie; Heidegger reste un Mitläufer au lieu d’être vu pour ce qu’il est: le véritable fondateur et le dirigeant suprême du nazisme. La relation à Groeber a été complètement ratée. C’est du juste mielleux irrecevable qui ouvre la voie à un nouveau nazisme pour militants enthousiastes avides de ressembler au maître. N’ayant rien compris à la relation Heidegger-Groeber, Payen, en historien positiviste aveugle, n’a rien compris aux conséquences qui en ont découlé. Bien qu’il se présente comme un positiviste rigoureux il se permet de porter des jugements irrecevables sur Victor Farias et sur Emmanuel Faye, chercheurs universitaires beaucoup plus fins que lui et qu’il n’a cessé de piller pour construire sa bouillie prétentieuse. Qu’est-ce qu’un « philosophe nazi »? « du fer en bois » comme disait Heidegger. On ne s’improvise pas lecteur de Heidegger. Or Payen est un apprenti prétentieux qui a encore besoin d’aller à l’école bien qu’il prétende donner des leçons à ses maîtres et se croie supérieur à eux. C’est un nouveau Polos qui flatte son Gorgias. Mauvais disciple, Monsieur Jean-Paul Bled. Pas de quoi s’en réjouir dans la présentation du livre. Péché de jeunesse, dira-t-on. Non, c’est beaucoup plus grave. Un péché d’incompétence encensé par son directeur de thèse qui, ici, montre son insuffisance critique. Quand on se réclame du positivisme et qu’on veut donner des leçons de positivisme aux autres, on ne peut se permettre de porter des jugements d’opinion à l’emporte pièce. On dit « peut-être… » ou on se tait. Or Monsieur Payen dans ses formules de dépréciation, arbitraires, se croit au-dessus du peut-être, ce qui fait que sa biographie est ratée et que, de surcroît, elle oriente le lecteur dans un sens extrêmement dangereux. Son Heidegger, plus subtil que celui de Fédier qui n’était qu’un ectoplasme de pseudo sainteté, est un appel à la transgression philosophique car il montre, certes sophistiquement, qu’on peut être un très grand philosophe nazi. Alors pourquoi ne pas le suivre? Payen , contrairement à ce qu’il croit être, se révèle, dans ce livre, n’être ni un philosophe ni un historien mais un idéologue de bas niveau, promoteur d’une idéologie désastreuse, un romancier « influenceur » au style brillant certes, ce qui accroît d’autant plus le danger de son livre. Car que lira-t-on? Six cent cinquante pages? Non! Par paresse mentale, c’est bien connu on lira surtout la conclusion. Or c’est justement là que se condense tout le venin puisé chez Fédier et chez ses acolytes. Tout ce venin vient gâcher les éléments de vérité que contenait ce livre. Pourquoi ce dénigrement de Faye et de Farias? Quand on dénigre le vrai on n’en sort pas grandi, on en ressort pourri. C’est ce qui est arrivé à Heidegger, au véritable Heidegger, propulseur d’Hitler sur la scène de l’histoire après avoir été son formateur et l’avoir tiré hors de la caverne où il était prétendument prisonnier de sa « conscience morale ». Et ce pauvre orphelin désemparé est devenu son Faust obéissant au doigt et à l’œil à son Méphisto, marchant comme un funambule sur la voie que lui traçait sa nouvelle Providence. Mais ça Monsieur Payen ne l’a pas vu, pas plus qu’il n’a compris pourquoi Martin, enfant acolyte de Messkirch , était devenu un nouveau Méphisto. C’était un tapis de fleurs trop subtil pour de grosses galoches positivistes. Monsieur Emmanuel Faye protégez-nous encore de tels ensorceleurs qui comme des tourbillons de sottise populacière risquent de nous emporter dans leur éblouissement aveuglant.
Michel
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Cette biographie révélerait, nous dit son préfacier, un « vrai talent d’écrivain ». Elle témoigne surtout, à ce point de vue, du triste état de certaines maisons d’édition, pourtant réputées, où personne ne semble lire et corriger les textes publiés.
Non seulement l’écriture est souvent d’une maladresse insigne mais les tours incorrects, les fautes de grammaire et de syntaxe sont si nombreux qu’on a peine à y croire.
Voici un petit échantillon sur une quinzaine de pages seulement:
— « H. (…) prenait désormais conscience du devoir spirituel qu’il lui incombait à l’égard d’une jeunesse (…) » (p. 122) : il faudrait bien sûr « qui lui incombait » (la confusion entre la conjonction suivi du pronom et le pronom est très fréquente tout au long du livre).
— « H. développa une forme d’antisémitisme dont Elfride était pour une part au moins redevable. » (p. 122) : il faudrait évidemment « responsable » au lieu de « redevable » (à moins que l’auteur n’ait voulu dire « une forme d’antisémitisme dont H. était pour une part au moins redevable à Elfride » (mais il ne connaît manifestement pas la construction correcte de « redevable » et ignore également que le terme s’emploie en bonne part : « on est redevable » de qq. ch. de positif).
— « (…) de même que la crainte prise par les Juifs dans la culture du temps (…) » (p.123) : ce membre de phrase ne veut, à la lettre, rien dire (on devine qu’il a voulu dire qq ch. comme « (…) de même que la place prise par la crainte des Juifs/ la haine des Juifs dans la culture du temps (…) ».
— « Les relations qu’il entretenait au-delà d’Elfride, et en part croissante par elle (…) » (p.124) : c’est au minimum maladroit sinon incorrect grammaticalement.
— même remarque pour la phrase suivante (p.125) : « Le conflit qui se poursuivait demandait d’autres hommes, plus encore que ne les apportait la nouvelle classe de recrues (…) »
— « Pour lui, celle-ci [la critique de l’université] était le pivot de tout, de cette régénération spirituelle qui s’emparer [sic] du peuple allemand (…) » (p.128) : lapsus pour « s’emparerait » ou « devait s’emparer » ?
— « À l’inconscience du sort réel des armes, qui condamnait désormais l’Allemagne à une défaite certaine comme seul le haut état-major en avait conscience, s’ajoutait (…) » (p. 137) : il faudrait « dont seul le haut état-major avait conscience » (mais ça ne résout pas le tête-à-queue « inconscience »/ »conscience »…)
— « (…) il se savait gré à Elfride de son influence salutaire » (p.139) : au lieu de « il savait gré » (l’auteur semble affectionner le « se » pronominal et en sème à tout vent et contre toute raison au fil des pages ).
— « l’enjoignant de se déterminer » (p. 139) : au lieu de « lui enjoignant » (ceci à la suite d’un : « La mort probable accule l’homme à lui-même (…) » qui n’est peut-êtrepas franchement incorrect mais pour le moins malheureux).
Ce n’est qu’un échantillon sur quelques pages, les fautes ou les amphigouris se comptent par centaines au long du livre.
Sur le fond, la biographie n’est pas tout à fait sans mérites mais tient fort mal sa promesse de croiser la dimension proprement historique et l’analyse philosophique (d’une grande faiblesse).
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