Telle est l’exceptionnalité de Heidegger : sa moustache est un cas de facticité à haute valeur symbolique. On n’imagine pas un dictionnaire consacré à Aristote ou à Kant donner de l’importance à un tel détail pileux, ne serait-ce que pour méditer sur son absence. Signe des temps, et en des temps troublés, Heidegger a tenu à apparaître à l’époque hitlérienne bien équipé en la matière. Cette note serait donc autant ridicule que « calomniatrice » si Heidegger lui-même n’avait pas mis un point d’honneur à soigner son apparence dans un sens favorable à Hitler. Heidegger s’est ainsi situé dans un rapport aux mass-médias. C’est un « détail de l’histoire » heideggérienne qui n’a jamais fait l’objet, à ma connaissance, de développements conséquents. Il faut pourtant prendre la mesure de ce qu’elle dit : « moi, philosophe le plus célèbre de l’Allemagne, le génie montant, j’affiche publiquement, par quelques poils, mon adhésion à Hitler et au parti national-socialiste ». Cet article du petit-contre dictionnaire est donc consacré à l’esquisse d’une évaluation de la manière dont, en faveur de l’appel de l’être, Heidegger s’est rasé.
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Le jeune Heidegger, s’il n’est pas encore imberbe, se rase intégralement. La photographie, prise en 1909 et au cours de ce qui semble être une cérémonie à caractère religieux Martin Heidegger se montre, sans doute involontairement, en compagnie d’une étoile de David. « Si loin, si proche… » comme disait l’ami Steph.
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Un peu plus tard Heidegger, admirateur de Nietzsche, semble porter une moustache en conséquence. Elle fait un peu, de manière anachronique, « à la Brassens ».
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C’est un véritable masque que Heidegger ici façonne. Signe des temps la moustache a changé d’étoile et regarde explicitement vers Hitler. Elle évoquerait cette fois quelque chose comme un aigle. Tout de même on a envie de penser qu’avec un tel masque des populations entières n’avaient pas à attendre beaucoup de compassion de la part du grand penseur de l’être.
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Heidegger, ici, esquisse un très léger sourire.
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Voilà enfin le duo attendu et tant désiré par Heidegger lui-même. La parité parfaite entre le grand penseur et le dictateur séducteur de foules.
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Jamais, absolument jamais, Heidegger ne rasera cette moustache. Il ne fera, comme il l’a fait pour son œuvre à propos du nazisme, que la dissimuler dans une moustache un peu plus grande.
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On pourrait être ici rassuré. La moustache fait presque bon papy. Attention, la moustache hitlérienne y reste en embuscade. Exactement comme l’étoile à 8 branches de sa tombe n’est qu’une croix gammée en embuscade. Mais Heidegger rigole…
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Heidegger s’en tient à son léger sourire. Il peut être comblé. Il est célébré dans le monde entier. Et à travers lui ce cher Adolf. La moustache hitlérienne est en effet toujours en place quoiqu’à l’abri dans une moustache plus grande et plus spacieuse. C’est le symbole parfait de la duplicité de Heidegger. « Le langage est l’abri de l’être » disait-il. Juste au-dessus de la bouche parlante la moustache heideggérienne veille sur la moustache hitlérienne. Le langage d’Hitler a mis à l’abri l’être allemand en l’arrachant de la griffe du « juif » ; celui de Heidegger, également corporel, met à l’abri l’être hitlérien. Voilà comment on écrase un peuple tenté un moment par l’universel !
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L’invité surprise >
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Julius Streicher fut aussi un adepte de la « moustache qui tue ». Propagandiste et éditeur antisémite furieux il fut condamné à mort à Nuremberg.
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