Heidegger – Sens nazi de la « question de l’Etre »

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Dans son séminaire Heidegger L’être 3  Alain Badiou compare et oppose un substantialisme français et un questionnement allemand. Les Français savent, croient savoir ce qu’est être français. Ils ont une conception substantialiste de l’identité. Comme il le dit avec humour et justesse : être français « c’est être ne pas être français ».

Pour les Allemands, au contraire, l’identité – qu’est-ce qu’être allemand? – demeure une interrogation. Faisant échapper l’ontologie heideggerienne à la littéralité académique Badiou suggère que « être », chez Heidegger, est aussi le nom de l’identité et de sa quête. Réfléchissant au sens de la question de l’être chez Heidegger il y voit surtout une manière d’opposer à l’évidence cartésienne du cogito en tant que point de départ, en tant que « fondement », le trouble et l’opacité – je dirais romantique – d’une problématique en l’espèce de la « question de l’être ». Badiou reconnaît par ailleurs les possibles implications nazies de l’approche heideggerienne. Il rappelle à quelle horreur cela a conduit. Dans ses commentaires sur L’introduction à la métaphysique, laquelle développe précisément ce qu’il en est de la question de l’être, Badiou reconnaît le caractère abject de certaines déclarations. (Il s’agit notamment du passage où Heidegger célèbre la vérité et la grandeur interne du mouvement).

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Mais l’abjection ne s’arrête pas à des propositions plus explicites que d’autres. Je soutiens que l’abjection s’attache aussi à la question de l’être. Si les Français sont substantialistes, pour parler comme Badiou, les Allemands, pour autant qu’ils parlent par Heidegger, ne sont pas moins inquiétants par leur questionnement. « Pourquoi y-a-t’il quelque chose et non pas plutôt rien? » C’est une question grave, certes, et décisive mais, dira-t-on, innocente politiquement. Tout le problème est là : dans le contexte heideggerien cette question perd  toute son innocence.

Car cette question appelle en réalité une réponse. Mieux, la réponse est connue depuis longtemps et Heidegger, dans et pour l’université du III°Reich, produit sa question en tant que question inaugurale d’une légitimation philosophique d’un III° Reich criminel. La réponse je la donne dans sa sécheresse : l’extermination des juifs permettra aux Allemands de recouvrer la pleine jouissance de leur identité.

Dans la question  » pourquoi y-a-t-il quelque chose et non pas plutôt rien » l’opposition entre la chose et le rien est essentielle. Le rien c’est le nihilisme et le nihilisme dans sa puissance corrosive. La chose ce sera l’Allemagne, le III° Reich, la communauté allemande de sang et de sol. Mais, à l’époque de l’Introduction à la métaphysique, le grand oeuvre reste à faire : l’extermination. Le caractère métaphysique de la question sert de voile à l’horreur. L’aspect lancinant de la question constitue une frappe rythmique destinée à mettre en valeur et à solenniser la nécessité et l’importance historiales de ce qui doit être entrepris.

Etre est transitif chez Heidegger. L’être est... comme la foudre foudroie. Et, qui plus est, l’être n’est pas l’étant. « L’être n’est pas l’étant » comme « l’être exterminera l’étant ». La sémantique qui suit n’est pas de moi mais bien de Heidegger : les juifs sont du côté de l’étant et non pas accès à l’être. Quelle admirable quincaillerie linguistique pour justifier l’assassinat de masse de toute une population! « Mademoiselle vous êtes vouée à l’étant, non à l’être. Vous devez disparaître ».

A la fin de l’Introduction à la métaphysique Heidegger dit explicitement, et cela n’a pratiquement jamais été relevé, qu’ Etre et Temps n’était pas un livre mais une tâche.

Contre toute attente Etre et Temps est le lieu où le fleuron philosophique de l’université allemande, bientôt université du III° Reich, a « monumenté » sa décision d’exterminer les juifs. Au reste, et je l’ai exposé dans d’autres notes, le titre Etre et Temps est comme tel une traduction de la symbolique de la croix gammée.

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