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(…) Lorsque Le Pen dit « les Français, les Français… », de quoi parle-t-il au juste ? Eh bien, les Français, pour Pétain ou Le Pen, ou pour beaucoup trop d’autres, ce sont ceux dont on peut dire qu’ils ne sont pas « pas français ».
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[L’essence du substantialisme est toujours qu’on peut en répondre par la pure et simple double négation. C’est une tautologie première, et si on la pousse un peu plus loin on aura : « les Français, ce sont tous ceux qui ne sont pas immigrés », et si on demande pourquoi, ce n’est nullement évident. Eh bien, la réponse c’est, ils ne sont pas français [les immigrés] parce qu’ils ne sont pas substantiellement français. On voit bien que la logique substantialiste de l’identité vide et tautologique à soi-même est nécessaire pour fonder que, immémorialement, le Français est français. C’est pour ça que les objections sont sans prise. Le problème, c’est que l’être français n’est pas originairement formulable comme question. Il est originairement une réponse. La forme propre du nationalisme français est indifférente aux circonstances. C’est le côté Pétain de la chose].
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Alain Badiou, Le Séminaire, Heidegger – L’être 3 – Figure du retrait, Fayard 2015, page 72.
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