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Lors du colloque organisé par la Règle du Jeu intitulé Heidegger et les « juifs » un auditeur a demandé, et dont la voix pourrait être celle de Jean-Pierre Faye, si ce n’était pas minimiser l’antisémitisme de Heidegger que de le comparer à celui d’autres philosophes ou écrivains : Hegel, Kant, Marx, Voltaire, Spinoza, Baudelaire. A cela Gérard Bensoussan a répondu que Heidegger avait une circonstance aggravante son antisémitisme étant contemporain d’une persécution des juifs.
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La réponse est insuffisante et d’autant plus frustrante que le conférencier avait admis avant que Heidegger était nazi. Il ne pourrait ainsi être, selon moi, uniquement question d’une simple circonstance aggravante.
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Gérard Bensoussan a dit aussi toute sa souffrance et sa tristesse. Heidegger, ce grand penseur, nazi et antisémite déclaré ! Le conférencier a dit par ailleurs qu’il refusait le concept d’Emmanuel Faye d’une introduction, par Heidegger, du nazisme dans la philosophie. Bien plutôt il faudrait reprocher à Heidegger une tentative d’introduire la philosophie dans le nazisme !
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A l’évidence le conférencier est un admirateur de Heidegger. Soyons un peu cartésien et, quand bien même il semble reprendre à Heidegger plus que de la défiance à l’égard de Descartes, souvenons-nous que, pour celui-ci, si l’admiration est une passion nécessaire et noble elle peut aussi, par excès, aliéner notre liberté de jugement.
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Heideggériens, soyez un peu cartésiens pour retrouver votre distance critique !
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En l’occurrence, et même si cela est difficile et les résistances parfaitement compréhensibles d’un point de vue intellectuel, il s’impose de faire un deuil encore plus profond et douloureux.
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Etre et Temps, le grand classique, est le livre qui constitue le peuple, le Volk, comme peuple de l’Etre et, à ce titre, comme destiné à conduire le combat décisif contre le peuple de la Loi, les juifs.
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Dans les formes académiques Heidegger fait exactement ce qu’il faut, notamment avec le paragraphe 44, pour produire la certification du Mein Kampf d’Hitler. Cette certification insidieuse est le fait d’une université purement allemande quoique encore virtuelle. La restitution de la phénoménologie, en l’arrachant des mains comploteuses de Husserl, à la race allemande est le premier acte majeur de la nouvelle université. Etre et Temps est une « petite shoah ».Quelques années plus tard Heidegger prendra le rectorat, lui le génie philosophique, de l’université hitlérienne de Fribourg.
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Heidegger n’est absolument pas un grand penseur doublé d’un croyant dans le nazisme. Etre et Temps, comme tel, est une introduction du nazisme dans la philosophie. Cela est si bien fait qu’elle reste encore de nos jours largement inaperçue. La conception heideggérienne de l’histoire de l’être comprend l’époque de l’enjuivement – la modernité – époque rendant nécessaire un « nouveau commencement », événement dont le programme nazi d’extermination sera la traduction historiale. Heidegger s’est fait le complice actif de Hitler, personnage en lequel il avait, pour « l’histoire de l’être », une totale confiance.
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