Coulibaly : « Je n’ai rien contre les juifs » ou l’esclave imparfait

 

Un otage survivant de la prise d’otages de l’Hypercacher de la porte de Vincennes rapporte qu’Amédy Coulibaly aurait dit qu’il n’avait « rien contre les juifs ». Le même témoin fait état de son propre étonnement du fait que Coulibaly n’a pas cherché à abattre les otages alors que se sont écoulées plusieurs dizaines de secondes entre le début de l’assaut, très bruyant, et sa mort.

Le premier cliché, qui correspond au début de l’assaut proprement dit, porte l’indice chronométrique 00:03.

bandicam 2015-01-18 15-00-28-865Il est 00:03.

Le second cliché, qui correspond à la mort du terroriste, porte l’indice chronométrique 00:45.

bandicam 2015-01-18 15-00-54-830Il est 00:45.

 

Que s’est-il passé ?

Disons tout de suite que les forces de l’ordre ont été exemplaires. En partant du principe qu’il y aurait probablement de nouvelles victimes il fallait entrer en forces et agir le plus vite possible pour neutraliser le terroriste quitte à prendre le risque de faire quelque dommage « collatéral ».

On ne peut donc pas exclure que Coulibaly, sachant l’heure de sa mort venue, ait perdu la maîtrise de ses actes et se soit contenté, si on peut le dire ainsi, de mourir en martyr.

De ce point de vue l’exécution du plan par Coulibaly est très imparfaite. Les commanditaires peuvent à bon droit se plaindre du fait qu’il n’a pas opté pour fondre sur les otages et en tuer le plus possible tout en s’en servant, pour autant que faire se pouvait, comme d’un bouclier.

Il a pu donc être surpris, son « logiciel » dérapant au moment fatidique.

On peut faire cependant une autre hypothèse. Et ce n’est qu’une hypothèse. Il faudrait alors prendre au sérieux sa déclaration : « Je n’ai rien contre les juifs ».  Ce n’est pas seulement qu’une petite folie hypocrite de la part de quelqu’un qui vient de tuer 4 personnes juives dans une épicerie choisie parce que casher.

Coulibaly était peut-être ce qu’appellerai un « esclave imparfait ».

Que son personnage apparaisse abject et monstrueux est normal et justifié. Mais le seul cadrage sur lui laisse dans l’ombre le fait qu’il existe une bureaucratie djihadiste, partagée entre Al Quaïda et l’Etat Islamique, bureaucratie qui commandite, choisit les cibles, finance et aide à la médiatisation des résultats. Ces bureaucrates de la mort vivent dans la sécurité et le confort. Ils recrutent par des intermédiaires des personnes fragiles en grande difficulté sociale ou psychologique. Ces personnes acquièrent de l’importance. Elles voyagent, vont s’entraîner. On leur fait miroiter l’héroïsme et une forme de sanctification. Elles vont devenir célèbres. Elles vont marquer l’histoire.

Coulibaly a donc été embarqué. Il serait intéressant de comprendre quels étaient au juste ses rapports avec les frères Kouachi.  Ces derniers, en se réfugiant dans un local quasiment désert, ont aussi perdu la dernière manche. Ils prirent l’initiative de l’ultime scène, celle de leur mort héroïque en martyr. Coulibaly avait une bonne dizaine d’otages à abattre et il rate l’épisode final, se laissant littéralement téléguidé par le RAID vers la sortie et sa mort.

Coulibaly parlait avec amabilité. Il a aidé une mère dont le petit enfant manifestait par trop d’angoisse. Je veux dire qu’il est possible que Coulibaly n’avait pas perdu toute son humanité. Certes il a fait le choix du djihad terroriste et a accepté de s’attaquer à des juifs. Mais sa part d’humanité, non entièrement détruite, lui aurait soufflé qu’il n’avait rien à avoir contre les juifs.

De ce point de vue Coulibaly était un esclave imparfait. J’appelle esclave, dans ce contexte, ces hommes et ces femmes dupées métaphysiquement pour mourir dans une guerre supposée sacrée et voulue par le prophète contre la mécréance judéo-croisée. Les commanditaires, quant à eux, sont probablement dépourvus de toute croyance naïve et exploite cette dernière pour parvenir à des fins politiques, à des positions de pouvoir.

Les provocations, au reste, font plutôt mention d’un Je suis Kouachi que d’un Je suis Coulibaly. Les premiers, sauf dans la dernière phase, ont remarquablement fait leur job. Coulibaly, quant à lui, aura laissé la vie sauve à beaucoup trop de juifs. Il aurait même raté, la veille, un assaut contre une école juive.

Coulibaly n’aura peut-être pas été assez bien entraîné. Il était au fond sympathique et au lieu de fondre sur les otages dès le début de l’assaut il s’est précipité pour mourir les armes à la main et face à l’ennemi armé. Si l’hypothèse est juste cela ne rachète en rien l’horreur de ses actes mais montre les limites de cette sorte d’esclavagisme, de cette programmation idéologique des tueurs. Coulibaly a peut-être, dans ses dernières heures, été victime d’une sorte de syndrome de Stockholm inversé. Sympathisant secrètement avec ses victimes il aurait finalement été dans l’incapacité de les massacrer. Entre le moment où il a tué Yohav après que celui-ci ai tenté de s’emparer d’une de ses armes, malheureusement enrayée, et sa propre mort il s’est écoulé un temps pendant lequel il a fait connaissance avec des personnes. Elles n’étaient plus des cibles abstraites, de ces cibles qu’on indique à des êtres humains transformés en machine de guerre implacable.

Nous avons donc tout à craindre de ces djihadistes qui, quant à eux, reviennent de lieux où ils ont été dument entraînés et endurcis. Dès lors qu’on a égorgé-décapité un homme on est mieux à même d’agir sans aucune pitié.

 

 

 

 

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