Ce n’est assurément pas une ultime défense même si, avec intelligence, Peter Trawny reconnaît pleinement, semble-t-il, la face sombre de Heidegger. Mais il n’est pas seulement un « spécialiste de Heidegger », comme l’écrit la revue Esprit de Aout-Septembre 2014, il est aussi le directeur d’un Institut Heidegger. Il n’y aurait apparemment aucun problème puisque, de toute façon, Heidegger est un grand philosophe du XX° siècle.
Je m’interroge dans cette note sur un passage de l’article intitulé Heidegger et les cahiers noirs, article publié dans le numéro cité de la revue Esprit.
Page 135 l’auteur écrit : « … Nous ne pouvons pas être certains que Heidegger savait quelque chose des camps d’extermination. La terrible dissimulation d’Auschwitz n’est pas un mythe, même si des bruits couraient – intentionnellement lancés ou non ». En pure logique nous ne pourrions pas non plus être certains qu’il ne savait rien sur l’extermination. Et l’auteur de convoquer des témoignages pour montrer qu’elle était l’ignorance, même en Allemagne, de cette horreur. « Cela était passé sous silence et dissimulé. Ce n’est qu’avec la diffusion de la série télévisée américaine Holocauste. L’histoire de la famille Weiss en 1978 que commença une véritable confrontation publique avec les événements ». Comme Heidegger est mort en 1976 il n’aurait pas pu bénéficier des lumières de cette série.
Je n’ai pas envie d’apporter beaucoup de crédit à cette démonstration de l’ignorance de Heidegger. Une page plus loin l’auteur de l’article fait un saut quelque peu périlleux : « Nous ne pouvons pas non plus ignorer la Shoah après avoir appris que Heidegger ne savait rien d’elle ». Bref, si nous ne pouvons pas être certain que Heidegger savait quelque chose de la Shoah nous pouvons cependant être sûr qu’il l’ignorait. Le saut est prodigieux, le grand Heidegger était noyé dans le « on » de l’ignorance – « on ne savait pas » – et quelque peu victime d’une diffusion tardive d’une série télévisée américaine !
Je fais la proposition suivante : ce que savait ou non Heidegger à propos de la Shoah est relativement secondaire par rapport au fait qu’il avait conçu le « concept » même d’extermination.
Quitte à lasser certains visiteurs je rappelle que dans le séminaire sur Héraclite, en 1934, et donc un an après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Heidegger formulait très clairement ce « concept » :
« L’ennemi est celui-là, est tout un chacun qui fait planer une menace essentielle contre l’existence du peuple et de ses membres. L’ennemi n’est pas nécessairement l’ennemi extérieur, et l’ennemi extérieur n’est pas nécessairement le plus dangereux. (…) L’ennemi peut s’être enté sur la racine la plus intérieure de l’existence d’un peuple, et s’opposer à l’essence propre de celui-ci, agir contre lui. D’autant plus acéré, et dur, et difficile est alors le combat, car seule une partie infime de celui-ci consiste en frappe réciproque; il est souvent bien plus difficile et laborieux de repérer l’ennemi en tant que tel, de le conduire à se démasquer, de ne pas se faire d’illusions sur son compte, de se tenir prêt à l’attaque, de cultiver et d’accroître la disponibilité constante et d’initier l’attaque depuis le long terme, avec pour but l’extermination totale. »
in Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie, Emmanuel Faye, Albin Michel 2005, page 276.(GA 36/37, 90-91).
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« Je m’interroge, écrit Skildy, dans cette note, sur un passage de l’article intitulé Heidegger et les cahiers noirs, article publié dans le numéro Aout-Septembre 2014 de la revue Esprit.
Page 135 l’auteur écrit : « … Nous ne pouvons pas être certains que Heidegger savait quelque chose des camps d’extermination. La terrible dissimulation d’Auschwitz n’est pas un mythe, même si des bruits couraient – intentionnellement lancés ou non ». En pure logique nous ne pourrions pas non plus être certains qu’il ne savait rien sur l’extermination. Et l’auteur de convoquer des témoignages pour montrer quelle était l’ignorance, même en Allemagne, de cette horreur. « Cela était passé sous silence et dissimulé. Ce n’est qu’avec la diffusion de la série télévisée américaine Holocauste. L’histoire de la famille Weiss en 1978 que commença une véritable confrontation publique avec les événements ». Comme Heidegger est mort en 1976 il n’aurait pas pu bénéficier des lumières de cette série ».
Je ne peux pas laisser passer cette note sans réagir. L’auteur de l’article cité par Skildy montre à l’évidence qu’on peut écrire dans la revue Esprit et être totalement dénué d’esprit. Comment peut-on, aujourd’hui, sachant ce que nous savons des liaisons intimes d’Heidegger avec l’armée allemande, avec Hitler et avec la SS, oser écrire qu’Heidegger ne savait pas ? Il y a déjà quarante ans que j’essaie de faire comprendre, textes à l’appui, qu’Heidegger est le fondateur du nazisme et son dirigeant suprême, mais comme il a caché son rôle dans l’histoire – et comme on le comprend ! – en dissimulant son action de président du Reich sous une peau de mouton philosophique, et de surcroît, derrière le paravent d’Hitler qui fut l’instrument privilégié de la réalisation de son règne, en tant que nouveau dieu, personne ne veut le voir.
Bien sûr il a utilisé un langage symbolique pour ne pas se faire repérer – pas folle la guêpe ! – mais son action génocidaire est bien réelle. Le commanditaire c’est lui. Oh pardon ! Ce n’est pas lui qui a prononcé les ordres criminels ; il a donné pour cela la parole à Nietzsche et à Hölderlin tout comme les alliés lors du débarquement en Normandie avaient donné la parole à Verlaine. Jusqu’à quand va-t-on se laisser prendre à ce piège ridicule comme l’ont déjà fait Char, Lacan, Granel ou encore Lacoue-Labarthe ? Celui qui veut lire en parallèle l’œuvre intégrale d’Heidegger dans son déroulement chronologique et la pensée militaire allemande de Frédéric II à Ludendorff a vite compris ce qu’il en était de la doctrine et de la pratique de l’anéantissement dans les hautes sphères militaires et philosophiques allemandes. Mais les philosophes français dans leur ensemble sont trop fainéants pour se lancer dans ce travail et les historiens, pour la plupart trop aveuglés par un souci absurde d’objectivité « positiviste » qui les prive de capacités de compréhension. Quelques rares auteurs cependant ont commencé à ouvrir les yeux, je pense à Benoît Lemay et à Eugène Carrias dans le domaine de la pensée et de l’histoire militaire ; je pense à Jean-Pierre Faye, à Victor Farias et à Emmanuel Faye dans le domaine de la philosophie. Mais que de critiques n’ont-ils pas eu à subir de la part de leurs collègues « instruits » et de la plèbe des plumitifs pseudo éclairés.
Heidegger avait bien dit que rien de son action épuratrice et libératrice ne passerait dans les livres d’histoire. Il avait lu Machiavel et il connaissait le jugement du secrétaire florentin sur la très très faible capacité des hommes à accéder à la lucidité. Quand vos yeux vont-ils donc s’ouvrir ?, disait le Christ à ses disciples. Galilée dit la même chose au pape et aux inquisiteurs. Sans prétendre être le Christ ou Galilée, je dis la même chose à mes contemporains. Je le dis maintenant depuis quarante ans en étant repoussé de partout. C’est fatigant à la longue. Mais lisez donc Heidegger comme j’invite à le lire, bon dieu ! et apprenez à décoder son langage symbolique ! Renseignez vous pour savoir ce qu’est une loge aryenne et vous comprendrez la raison de la dissimulation et du secret ! Maintenant si vous voulez mourir idiot c’est votre droit. Mais comme je l’ai toujours enseigné à mes élèves : « être con c’est un droit, ce n’est pas une obligation. ». Je vous laisse à vos réflexions. A vous de choisir.
Michel, Samedi 16 août 2014.
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