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Le mot déconstruction traduit l’allemand der Abbau.
Les dictionnaires courant proposent cette série d’équivalents français possibles : décomposition, élimination, détérioration, diminution, réduction, exploitation, raréfaction, suppression, dégénérescence, disgrâce, filtrage.
C’est Derrida qui proposa déconstruction et d’abord dans le but d’éviter d’entendre Abbau dans le sens, violent, de destruction.
Heidegger emploie parfois le terme, transposé du français, de destruktion.
Il n’est pas certain que l’Abbau-Destruktion ait été pratiquée par Heidegger toujours sans violence. Ne fut-ce pas extrêmement violent, de sa part, d’accuser la judéité de Husserl d’avoir empêché ce dernier, en étant de ce fait incapable d’entendre la question de l’être, de permettre à la phénoménologie d’avoir toute sa portée?
Nous nous référons, pour cet article, essentiellement au paragraphe 15 de Ontologie – Herméneutique de la factivité.
On y trouve effectivement, dans le texte allemand, l’emploi du terme Abbau :
« Der Abbau nimmt seinen Ausgang bei der Vergegenwärtigung der heutigen Lage. »
(Heidegger, Ontologie – Hermeutik der Faktizität – Gesamtausgabe, Band 63, Klostermann 1988, page 75).
Alain Boutot traduit : « La déconstruction prend son point de départ dans la situation d’aujourd’hui qu’elle se rend présente ».
Nous reviendrons sur le concept. Mais il convient tout d’abord de préciser quelques-unes des circonstances de son élaboration.
Ontologie est le texte d’un cours de 1924, cours précédant et préparant Etre et temps (1927).
Etre et temps est un putsch völkisch, pro-hitlérien, dirigé contre la phénoménologie husserlienne.
Dans Ontologie Heidegger explique en quoi il se prépare à être le « maître putschiste » d’Etre et temps.
En ce sens Ontologie complète l’Introduction à la recherche phénoménologique, cours immédiatement antérieur et où il récuse fermement le cartésianisme de Husserl. Il reproche à celui-ci, avec violence, de défigurer par-là la phénoménologie elle-même.
Dans Ontologie Heidegger est surtout intéressé à remettre de l’ordre dans la phénoménologie. Son motif principal n’est absolument pas d’ordre spéculatif ou universitaire. Il s’agira, par l’ontologisation de la phénoménologie, de reprendre à Husserl une méthode susceptible, à la condition d’une telle « purification ethnique », de contribuer à fonder une conception du peuple et du pouvoir en accord avec les principes hitlériens. Et tel sera effectivement Etre et temps.
Pour l’heure, dans Ontologie, Heidegger précise sa « phénoménologie mode d’emploi ».
« La phénoménologie n’est donc d’abord rien d’autre qu’un mode de recherche, à savoir : il s’agit d’aborder discursivement quelque chose tel qu’il se montre et uniquement pour autant qu’il se montre. » (Heidegger, Ontologie – Herméneutique de la factivité, Gallimard 2012, page 102).
Pour Heidegger il s’agit en réalité de quelque chose qui va de soi mais qui aurait dégénéré en « philosophie » depuis Aristote. Notons que, de cette manière, Heidegger fait l’économie d’en passer par les innovations parfois très fines de Husserl. Le « déconstructeur » Heidegger ne fait pas toujours des petits pas. Il réitère qui plus est son rejet de l’absolutisation de la rigueur mathématique par Husserl. « Les sciences de l’esprit présupposent une existence beaucoup plus scientifique que celle à laquelle un mathématicien peut jamais prétendre » (Op. cité, page 102) dira-t-il simplement. C’est au reste pourquoi Ontologie se présente comme une herméneutique. Le terme vient dire l’abandon du modèle de la rigueur mathématique en phénoménologie, c’est-à-dire en philosophie véritable.
Or, dans les faits, la phénoménologie qui se fait – sans doute dans un rapport de très grande tension, sinon d’hostilité pure et simple à la perspective husserlienne – est indigne aux yeux de Heidegger. « La recherche phénoménologique, qui aurait dû former le socle du travail scientifique, a sombré dans le vague, le frivole et le hâtif, dans la cacophonie philosophique du jour pour devenir un scandale public de la philosophie. L’agitation des chapelles a obstrué les voies qui auraient pu permettre de se saisir effectivement d’elle. Le cercle de Stefan George, Keyserling, l’anthroposophie, Steiner etc. – il n’y a rien qui ne soit marqué par la phénoménologie. (…) Voilà où l’on en est plutôt que d’aller se saisir de la phénoménologie dans sa possibilité. (…) Il est impossible d’établir quoi que ce soit sur la phénoménologie ni d’en donner une définition. (…) L’affaire est désespérée ! ». (Op. cité, page 105).
L’enjeu est ainsi tout autant de contrer les insuffisances de Husserl – il défigure la phénoménologie – que de mettre de l’ordre dans une maison phénoménologique qui ne sait pas vraiment comment faire pour se dégager d’un « husserlianisme » souvent honni.
Etre et temps sera le coup de maître, en grande partie circonstanciel – et voué en ce sens à demeurer inachevé – permettant à Heidegger de prendre la main au sein d’une université déjà influencée par le mouvement völkisch et l’hitlérisme. Heidegger dira de cette manière qui est le chef.
Mais alors pourquoi la déconstruction ?
Heidegger va dire deux choses apparemment contradictoires en même temps.
Tout d’abord il clarifie, mais en le simplifiant, le concept de la phénoménologie : « La phénoménologie est donc un mode de recherche tout à fait éminent. Les objets y sont déterminés tels qu’ils se donnent eux-mêmes. La recherche est donc tenue de faire en sorte que la chose en cause soit rendue présente en elle-même. Nous allons donner ici un chemin qui est celui que tente d’emprunter l’herméneutique de la factivité. » (Op. cité, page 105).
Puis, presque aussitôt, il met en garde contre un usage hâtif et inconsidéré de la méthode, cela même qui rendra nécessaire la déconstruction : […Les choses] peuvent se montrer sous un aspect qui a été fixé par la tradition de telle sorte que ce qu’il comporte d’impropre n’est plus du tout reconnu comme tel mais passe au contraire pour leur appartenir véritablement. Et c’est pourquoi ce qui se montre purement et simplement en lui-même n’est pas encore de ce seul fait la chose en cause elle-même. Si l’on s’en tient à qui se montre de cette façon, on fait passer, dès l’instauration du sol, une détermination contingente pour l’en soi. On prend un recouvrement de la chose pour la chose elle-même. (Nous soulignons) Le fait d’accueillir purement et simplement ce qui se montre n’apporte donc en lui-même aucune garantie ». (Op. cité, page 106)
La déconstruction s’impose donc comme ce qui est à même d’opérer le découvrement du phénomène en tant qu’apparition de la chose elle-même. « Die Tradition muß abgebaut werden » dit Heidegger. « Il faut déconstruire la tradition (…) Cela n’est possible aujourd’hui qu’au prix d’une critique historique fondamentale. Cette dernière n’a pas simplement pour objet de nous fournir des exemples historiques commodes, mais constitue une tâche fondamentale de la philosophie elle-même ». (Op. cité, page 106).
Et Heidegger de critiquer la phénoménologie « naïve » : « L’absence de perspective historique en phénoménologie montre à quel point on en prend ici à son aise : on s’imagine que ce qui est en cause peut être atteint de n’importe quel point de vue dans une évidence naïve ». (Op.cité, page 107).
Ce que ne dira pas ici Heidegger, et qu’il ne dira jamais vraiment clairement c’est que, y compris quand il va s’agir de la question de l’être, la « chose même » la plus essentielle est l’inégalité constitutive des peuples. C’est cela qui sera « phénoménologiquement » non « métaphysique » : les peuples sont absolument inégaux en aptitudes, en manières d’être-le-là. Le peuple (allemand) parle la langue de l’être. Et est légitimé de ce fait à faire valoir une souveraineté « d’exception ».
La déconstruction heideggérienne est implicitement le découvrement de cette chose même qu’est précisément la géniale souveraineté, parmi les peuples, du peuple allemand. Heidegger, déjà, fait à l’université tandem avec Hitler.
Heidegger pour la chaire ; Hitler pour la rue.
L’extrait suivant peut se lire dans cette perspective éminemment idéologico-politique.
« Déconstruire critiquement la tradition interdit d’aller se disperser dans des pseudo-problèmes soit-disent importants. Déconstruire, cela signifie dans le cas présent : faire retour à la philosophie grecque, à Aristote, pour voir comment quelque chose d’originaire y a été mis au rebut pour être ensuite recouvert, et pour voir que nous avons nous-mêmes notre site dans ce rebut. Compte tenu de la position qui est la nôtre, il nous faut reconfigurer la position originaire à nouveaux frais, ce qui veut dire que cette position originaire est quelque chose d’autre parce que la situation historique a changé, mais c’est pourtant bien la même ». (Op. cité, page 107).
La déconstruction – Abbau – comme « retour à la philosophie grecque »!
Ce retour, clairement assumé comme tel, est riche de sous-entendus. La Grèce est notamment érigée en modèle d’une civilisation pensante, guerrière et esclavagiste. Les allemands seront les grecs d’une Europe contemporaine à la latinité soumise.
La phénoménologie husserlienne était défigurée car juive. La phénoménologie véritable – mais s’agit-il encore véritablement de phénoménologie? – passera par les grecs et se fera allemande comme « herméneutique ».
Toujours est-il qu’avec Aristote nous avons une indication. Le cours s’intitule Ontologie. On pressent la connexion qui va se faire entre le thème aristotélicien de « l’être en tant qu’être » et le projet idéologico-politique de constitution de la « chose même » d’une sorte de souverainisme identitaire légitimé à s’exercer sur les peuples.
L’extermination, « tout naturellement », s’imposera quand les peuples seront des peuples du néant et identifiés comme des menaces existentielles majeures.
La problématique de la déconstruction est une préparation au putsch völkisch que Heidegger va brillamment réussir en phénoménologie en recyclant ce « rebut » qu’est la question de l’être, laquelle est fondamentalement la question de la souveraineté absolue de « notre Dasein », du peuple allemand ainsi dégagé de la « métaphysique » de l’égale dignité des cultures et des civilisations.
Le principe du meurtre de masse y obtiendra sa licence.
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