Petit contre-dictionnaire Heidegger : ETRE-JETE

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« …L’être-jeté, écrit Heidegger dans Etre et temps,  est le genre d’être d’un étant qui est chaque fois lui-même ses possibilités de telle sorte qu’il s’entend en elles et à partir d’elles (qu’il se projette sur elles) ». (Etre et temps, Gallimard 1986, page 229)

Cette notion d’ « être-jeté » est essentielle à l’élucidation du nazisme heideggérien. Comment en établir la signification ?

En première approche

L’hypothèse que nous faisons est tout d’abord que sa clarification ne doit pas négliger cette entente selon laquelle, si l’homme est appréhendé en tant qu’être jeté-dans-le-monde, c’est d’abord et avant tout pour rompre avec le dogme créationniste chrétien (et même « judéo-chrétien »).

Si l’homme est créé par Dieu, et cela sur un plan aussi bien spirituel qu’ « historique » – et peut-être même davantage sur le plan spirituel – il s’ensuit que « les hommes sont frères ». Dans cette perspective l’homme n’est pas « jeté-dans-le-monde ». Il a été créé  et s’il lui vient à expérimenter la souffrance c’est en vertu d’une faute dont il peut atténuer l’effet « héréditaire » en pratiquant l’amour du prochain. Il y aurait lieu d’étudier les attendus des révoltes philosophiques contre cette conception de la condition humaine. Elles mettent en jeu une diversité de perspectives. Mais il est clair que si Heidegger croyait en la hiérarchie naturelle des peuples – ce qui se révèle comme « vérité de l’être » – il lui était impossible de reprendre à son compte la philosophie de l’anthropologie chrétienne.

Heidegger, l’ami d’Eugen Fischer – le docteur Mengelé des Héréros de Namibie – avait bien compris que si le christianisme s’était mis en contradiction avec lui-même en « génocidant » les indiens d’Amérique, puis en pratiquant à grande échelle la traite des Noirs, il n’a pas manqué de grandes consciences chrétiennes, souvent issues du monde marrane, pour œuvrer à la reconnaissance du lien de fraternité. Etre-jeté-dans-le-monde ce n’est pas seulement faire l’épreuve de la contingence du non-choix que représente, par exemple, le fait d’être né au XXème siècle et non en Grèce à l’époque d’Héraclite, c’est aussi et surtout ne pas dépendre, même « librement », d’une autorité divine paternelle au regard de laquelle les êtres humains peuvent se déclarer frères et donc se sentir unis par certaines obligations mutuelles.

Ce qui est nommé « péché » n’est alors rien d’autre que le fait pour l’être humain d’être, par opposition à la divinité de Dieu,  fini. Il peut perpétrer jusqu’à la mort de son frère de sang. Mais il sera hanté par le remord, la faute, la réparation, le pardon. Ce en quoi, de cette manière, il exprime qu’il est à l’image de Dieu, et seulement à l’image.

En seconde approche

Mais revenons au texte de Heidegger.

« …L’être-jeté, écrit Heidegger dans Etre et temps,  est le genre d’être d’un étant qui est chaque fois lui-même ses possibilités de telle sorte qu’il s’entend en elles et à partir d’elles (qu’il se projette sur elles) ». (Etre et temps, Gallimard 1986, § 39,page 229)

L’être-jeté est le genre d’être d’un étant…/ Cet étant est le Dasein, l’être-là. Le « là » c’est le lieu, une sorte de « concret-d’esprit » irréductible à un fragment d’une universalité métaphysique. Le « là » du Dasein détruit ainsi par avance la métaphysique de la « fraternité ». Lorsque Heidegger dit « notre Dasein » il ne parle absolument pas au nom de cette fraternité – une chimère métaphysique – mais pour le peuple, le Volk, le peuple allemand. Son « là » est par exemple d’être appelé à l’être par la seconde « langue de l’être » après le grec.

…qui est chaque fois lui-même ses possibilités…/ Le Dasein n’a pas telle ou telle possibilité, et surtout pas la possibilité de commettre ou de s’abstenir de pécher. Il est « ses possibilités » y compris, selon notre interprétation, celle de tuer. Tels, par exemple, ces SA liquidant un syndiqué ou molestant des juifs. Dès lors que, malgré la superbe du verbe heideggérien, aucun principe de distinction n’est formulé quant aux possibilités, le déploiement de celles-ci doit être envisagé de manière absolument amorale. On comprend bien qu’il fallait une certaine cohérence « anthropologique » à une œuvre qui contient la recommandation de l’anéantissement total, du génocide. On comprend également de quelle manière Heidegger se fait ainsi le champion d’un état d’esprit pour lequel, par exemple, des tueurs d’enfants seront pleinement ces possibilités tout en étant aussi de bons pères de famille.

… de telle sorte qu’il s’entend en elles et à partir d’elles…/ Le Dasein, c’est en tant qu’il y va de son être, qu’il s’entend dans ces possibilités mêmes et « à partir d’elles ». Incréé, non enfant de Dieu, non frère de l’homme, le Dasein se comprend en tant qu’appelé à être en « étant » ces possibilités.

… il se projette sur elles. / Il se met comme en avant de la factivité  en faisant sien l’être des possibilités. La notion de possibilité vient ici reprendre quelque chose de la différence ontologique. Si le Dasein est un étant pour lequel il y va de son être, cet être ne saurait être confondu avec l’étant, avec un étant. Les possibilités du Dasein sont, et en un sens transitif. Le Dasein, pourrait-on dire, les « est ».

Cependant l’essentiel est bien, selon nous, que les possibilités « étiques » du Dasein s’expérimentent existentiellement selon l’être-jeté.

Il n’y aurait donc pas lieu, par exemple, d’accorder de l’importance au fait que le Dasein a une enfance et qu’en tant qu’enfant désiré, attendu et aimé il n’est surtout pas d’abord « jeté dans le monde ».

La notion d’être-jeté a ceci de terrifiant qu’elle semble précisément avoir le pouvoir de briser les liens les plus forts. L’enfant des « jeunesses hitlériennes » pourra ainsi, puisque jeté dans le monde comme avec toutes ses possibilités, dénoncer ses parents. Si tel lui apparaît, même de manière confuse et juvénile, l’appel de l’être.

Ces vues relèvent-elles d’une mésinterprétation ?

On aura d’abord entrevu tout d’abord la possibilité d’une lecture sartrienne des paragraphes 38 et 39 d’Etre et temps. L’expérience de l’être-jeté est celle de la liberté. C’est l’épreuve de l’être même des possibilités au sens où elle s’oppose au factif, à l’étant. C’est la découverte, en termes sartriens, de la différence entre « pour-soi » et « en-soi ».

De la même manière on peut prendre appui sur l’interprétation sartrienne pour justifier le fait que l’être-jeté se confond avec l’expérience de la liberté. En ce sens elle est l’expérience constitutive de « l’âge de raison ». L’être humain a  beau être attendu et accueilli au sein de la famille il se découvre libre comme « jeté » au sens où il se révèle, avec angoisse,  n’être plus que l’être même des possibilités.

(L’approche freudienne prendra au plus haut point compte du fait que notre manière d’être ces possibilités reste plus ou moins redevable à la manière même avec laquelle nous avons été accueilli et socialisé dans la famille).

Mais, précisément, Heidegger a tenu à prendre ses distances avec cette conception sartrienne selon laquelle, par être-jeté, il faut entendre ceci que rien ne préexiste au projet en tant qu’il est l’expression du « choix du sujet individuel par lui-même ».

Mais où serait alors le nazisme de Heidegger ?

Nous retrouvons, hélas, le fil noir du nazisme heideggérien par le truchement du Dasein, véritable plaque tournante entre l’universalisme apparent de Heidegger et son particularisme absolu.

Le «vrai dictionnaire » Heidegger est ici utile tant il est vrai qu’en pratiquant une forme de négationnisme académique il se fait le porte-parole du nazi Heidegger.

Voilà comment se termine l’article ETRE-JETE du « vrai dictionnaire » :

« … Le du Dasein n’est pas le fruit d’un choix subjectif mais le rapport extatique au lieu, qui est aussi un milieu, où s’entrouve un passage, ainsi qu’une lueur légère : la déclosion de l’estre – die Lichtung des Seyns. » (Le Dictionnaire Martin Heidegger, Cerf 2013, page 453).

L’être-jeté heideggérien est un décrochage de la métaphysique et notamment de la métaphysique des droits de l’homme. L’être des possibilités qui se dévoile alors par ce « jet » s’accorde nécessairement, non à des préférences subjectives – le « sujet » est métaphysique – mais à la « vérité de l’être ». Et cette dernière, pour traduire en termes nazis connus, se confond avec la génialité même d’un peuple qui, parlant la seconde langue de l’être après le grec, est fondé à mettre en esclavage et à exterminer.

Pour comprendre Heidegger il faut imaginer ce « penseur » en tant qu’il s’est fixé pour tâche de fonder l’Université d’un Etat esclavagiste et génocidaire.

C’est le IIIème Reich qui fut la lumière de l’être, die Lichtung des Seyns.

Beaucoup furent jetés dans cette lumière. Ils ne le choisirent pas.

vlcsnap-2014-04-01-10h13m57s188 

Albert Speer, architecte du Führer – Cathédrale de lumière.

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