Petit contre-dictionnaire Heidegger : ETRE ET TEMPS

Etre et temps, Sein und Zeit, est encore considéré de nos jours comme un des grands classiques de la philosophie occidentale. Heidegger a terminé sa rédaction en 1926. Il sera publié en 1927.

De nombreux auteurs, même parmi ceux qui rejettent l’auteur nazi que serait devenu Heidegger à partir de 1933 (et seulement à partir de cette date), considère que Etre et temps est indemne, absolument indemne de national-socialisme.

C’est vrai et faux !

C’est vrai si on ne retient qu’une formulation qui, en l’occurrence, convainc par un universalisme d’adresse et une proximité encore patente avec la phénoménologie.

Cela commence à devenir faux si, sous cette pellicule, on fait apparaitre l’ambiguïté de certains paragraphes comme, par exemple, le fameux paragraphe 27, paragraphe intitulé L’être-soi-même quotidien et le on.

Si nous prenons en compte l’obsession heideggérienne de « l’enjuivement » il devient plausible que ce grand traité de philosophie contemporaine recèlerait des formulations à caractère antisémite. L’analyse du « On » est de manière biaise une « analyse » de l’ »enjuivement ».

Lisons cet extrait. «Les caractères d’être affectant le Dasein quotidien sitôt qu’il se mêle aux autres sont maintenant dégagés : distantialité, être-dans-la-moyenne, nivellement, publicité, dispense d’être et prévenance ; c’est en eux que le Dasein trouve sa « constance » immédiate ». (Etre et temps, Gallimard 1986, page 171).

Un certain nombre de caractères « affectent », ou pourrait presque dire « infectent », le Dasein. Ici Dasein signifie subrepticement « l’allemand pur », son « être-le-là », en tant qu’il se disperse dans un monde enjuivé. La « distantialité », par exemple, signifie que l’allemand pur a perdu le sens de la communauté (de terre et de sang). Dans Mein Kampf Hitler souligne cet aspect à savoir que le peuple allemand a précisément un grand sens de la communauté. Le « on » de l’enjuivement aurait ainsi dissout ces liens communautaires. Et alors que le même Hitler opposera l’allemand en tant qu’il est capable de grandeur dans ses œuvres, aux juifs en tant qu’ils sont voués à la médiocrité Heidegger décrit l’empire du « on » comme étant celui de la « moyenne ». De ce fait le Dasein, pour son malheur, est dispensé d’être !

Nous pourrions à la limite persister à penser que le « on » est précisément sans assignation et sans cause. Mais le nazisme « ultérieur » de Heidegger montre que, et précisément en ne s’arrêtant pas à une conception biologisante du racisme nazi, le recteur de Fribourg a su donner une figure, en l’espèce de « l’enjuivé », à ce qui « affecte » (infecte) le Dasein. 

« En étant dans les modes ainsi énumérés, le soi-même du Dasein qui m’est propre ainsi que le soi-même de l’autre  a beau faire, ou bien il ne s’est pas encore trouvé, ou bien il s’est perdu. On est à la manière de la constance dans le n’être-pas-soi-même et de l’impropriété. » (Ouvrage cité, page 171).

Notons au passage que si Ereignis signifie « événement appropriant » alors est « Ereignis » tout ce qui va permettre au Dasein de se libérer de « l’impropriété ». Resterait donc, en 1927, de savoir comment faire advenir l’Ereignis ! (Mais, bien sûr, Heidegger faisait déjà confiance en Hitler pour trouver la solution.)

Affligeante confirmation : « Le soi-même du Dasein quotidien est le nous-on [Man-selbst], que nous distinguons du soi-même propre, c’est-à-dire du soi-même qui s’est proprement pris en main. En tant que nous-on, le Dasein est chaque fois dispersé dans le on et doit commencer par se trouver. Cette dispersion caractérise le « sujet » dont le genre d’être nous est connu comme immersion préoccupée dans le monde qui se rencontre au plus près ». (Ouvrage cité, page 172)

Nous hésiterions à interpréter ce passage dans le sens d’une soumission à l’antisémitisme s’il n’y avait pas d’autres passages d’une grande violence comme celui, dans Sein und Warheit, qui énonce clairement le principe de la nécessité de « l’anéantissement total ».  La communauté purement allemande, comme communauté d’origine et de destin,  se reconstituera en conséquence tout d’abord par la simple discrimination des membres, juifs pour l’essentiel, constitués en ennemi intérieur du peuple.

Le paragraphe 27 porte en lui le procédé, repris au Moyen-Age ainsi qu’à certaines périodes d’application de la charia dans certains pays musulmans, de l’affichage de l’exclusion en l’espèce, dans l’Europe du XXème siècle, de l’étoile jaune.

De manière générale Etre et temps est pour l’essentiel un détournement de la phénoménologie en direction de positions inspirées par la doctrine Völkisch : racisme, enracinement, antisémitisme, haine du cosmopolitisme.

Dans Etre et temps, la notion d’Etre comprend de manière en partie cachée la notion d’un génie singulier de « l’allemand » en tant qu’il est appelé historialement à se réapproprier lui-même et, conséquemment, d’être à même de supporter pleinement la « vérité de l’être ». C’est cela même qui trouvera son horrible conséquence en l’espèce de la solution finale.

Il a été remarqué, avec quelque accent critique, que Etre et temps est resté inachevé. Pouvait-il en être autrement ? L’essentiel était, pour Heidegger, d’en finir avec l’« husserlianisme ».

Nous oserons cette hypothèse : Etre et temps (1927) est captif de Mein Kampf (1925) de Hitler.

SZMeinKampf20050214Etre et temps (1927) s’est aliéné dans Mein Kampf (1925).

 

 

 

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De manière générale Heidegger a aliéné sa pensée dans l’hitlérisme. Et cela même est une catastrophe sinon pour la pensée – on peut penser sans Heidegger – mais pour la philosophie institutionnelle.

La dédicace à Husserl est en ce sens un cadeau empoisonné. C’est le cadeau d’un ancien étudiant « völkischisé » à l’extrême à un « juif » incapable d’entendre la question de l’être.

« L’ontologie n’est possible que comme phénoménologie » (Ouvrage cité, page 63). Mais cette ontologie est déjà sous la dépendance d’une pré-compréhension sous influence völkisch et, déjà, hitlérienne. Autrement dit, par ce geste, Heidegger monte à l’assaut de cette phénoménologie husserlienne par trop, quant à elle, sous influence du cartésianisme (même « transcendantalisé »). 

En renversant la proposition on comprend mieux la signification du projet heideggerien : « La phénoménologie n’est possible que comme ontologie », et où ontologie est le titre d’importation des notions « hitléro-völkisch ».

Il est possible d’apprécier ce qui  alors survient. « L’être véritablement soi-même, dit Heidegger, ne repose pas sur un état d’exception où le sujet et le on seraient dissociés, au contraire c’est une modification existentielle du on en tant qu’existential essentiel » (Ouvrage cité, page 173) » . Bref on ne peut compter sur une discrimination entre le « je » et le « on ». Il ne suffit pas d’en passer par Husserl et encore moins par Descartes. Il est vrai que, par ce dernier, pourrait apparaître l’irrationalité des préjugés qui structurent la pré-compréhension ontologique. Penser ne doit pas être un déracinement ce dernier motif étant compris de manière radicalement völkisch par Heidegger.

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Je pense donc je ne suis pas.

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Si le on est aliénant ce n’est pas par une subjectivation qu’on peut s’en émanciper. « Or, ponctue Heidegger, la mêmeté du soi-même existant proprement est alors séparée ontologiquement par un abîme de l’identité du je se maintenant à travers la multiplicité du vécu » (Ouvrage cité, page 173). Le je, quand bien même croirait-il s’être discriminé du on, est d’une certaine manière trop tributaire de la multiplicité des vécus, multiplicité où règne précisément le on. Pour Heidegger le je ne peut atteindre et dire aucun véritable propre.

La société heideggerienne, la communauté völkisch, sera sans je. Le propre sera fidélité, sacrifice, foi dans le Führer.

Soldat

Lorsque Heidegger affirme que « nous ne savons pas encore ce qu’est penser » il érige formellement son aliénation en principe « universalisable ». Car cette déclaration ne veut rien dire d’autre que « nous » avons eu tort de juger et de condamner quelques dignitaires nazis à Nuremberg.

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Nous aurions commencé à penser, mais cela est monstrueux au-delà de tout, en reconnaissant que les accusés de Nuremberg étaient en réalité du côté d’un « autre humanisme », d’un humanisme véritable car non métaphysique!

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