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« … La langue en tant que telle constitue l’essence originelle de l’être historique de l’homme ». (Heidegger, Les hymnes de Hölderlin : La Germanie et le Rhin, Gallimard, 1988, Page 72).
C’est dans le séminaire consacré en 1934 au poème Germania, de Hölderlin, que Heidegger caractérise ainsi la langue. Elle est, pour le dire de cette manière, constitutive de l’identité des peuples, de leur « soi ». A condition, cependant, que son génie ne soit pas privé de la sève qui plonge dans l’immémorial de l’enracinement dans une terre.
C’est de cette manière, et non essentiellement « biologiquement », que Heidegger construit la figure du peuple allemand comme peuple-maître et appelé à exercer sa souveraineté sur les peuples simplement inférieurs par l’esclavage ; sur les peuples ennemis par l’extermination.
Il n’y a pas d’abord l’homme, puis la faculté langagière. «… l’essence originelle de son Etre [de l’homme] est la langue elle-même ». (Ouvrage cité, page 72).
Cela permet de produire une « racialisation » d’une extrême violence : l’homme vaut ce que vaut la langue. Si, par la poésie et la philosophie elle-même, peut se construire une figure de la langue allemande comme langue singulièrement géniale – l’allemand est la seconde langue de l’être, pour Heidegger, après le grec – seuls seront, à la limite, des hommes véritables ceux des vivants « humains » qui la parleraient en toute légitimité d’héritage. Selon cette représentation rien n’est alors pire que ces « juifs » qui se coulent dans la langue allemande alors même qu’ils sont incapables d’entendre la question de l’être et d’ouvrir un monde. Cassirer est un exemple de cette usurpation corruptrice. Heidegger a des mots très durs pour lui dans des lettres à Elfride.
Il y a un racisme « onto-linguistique » absolument terrifiant de Heidegger. Les « droits de l’homme » doivent céder devant la vérité de l’être en tant qu’elle assigne à la langue germanique d’être précisément la langue de l’être. Celle-ci peut, à tout moment, désigner quelque chose comme étant du « néant » et devant donc le rejoindre. Si « l’homme affronte l’étant dans son entier » là « où son destin se déploie (…) la langue n’en est pas simplement l’expression, la formulation et la communication au public avec ce qui est violemment violent. Elle possède elle-même ce caractère de l’être qu’elle ouvre et apporte à l’homme. Dans la langue en tant que telle advient le débat qui tranche entre Etre et non-être, le surgissement adverse des forces et la résistance ou la défaite en ce combat, mais aussi la vacuité qui sombre dans l’indifférence du tout savoir et tout pouvoir ». (Ouvrage cité, page 71).
Heidegger ouvre ainsi, en 1934, la possibilité des pires violences qui puissent être. La langue allemande ne doit pas être conçue par exemple comme la chronique, même enflammée, des exploits des combattants. Elle porte en elle, pour parler de manière un peu schmittienne, la décision de l’état d’exception et de la définition de l’ennemi. La langue est comme telle transcendante à quelque droit universel que ce soit.
La guerre change de sens. La langue n’est pas que la chroniqueuse, aisément traduisible, du choc des armées. Elle est ontologiquement impliquée, comme dans son intimité, dans l’articulation polémique du « Soi » du peuple et de ses ennemis. La guerre est ainsi faite à des peuples comme tels, à des « civils » jugés onto-linguistiquement comme trop « désertiques » pour ouvrir un monde.
Cela permet, au reste, de comprendre de quelle manière le texte heideggerien lui-même est la logo-machine d’une telle guerre.
Je soutiens ici que les vues de Heidegger, en tant qu’elles fondent cette guerre des peuples – et pour laquelle le peuple allemand dispose pour ainsi dire de la supériorité onto-linguistique – mènent aux pires violences.
Heidegger, à propos du Germania de Hölderlin, fonde en quelque sorte le principe de la sélection exterminatrice.
« Dans la langue en tant que telle advient le débat qui tranche entre Etre et non-être ».