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« La vengeance est pour Nietzsche le ressentiment de la volonté contre le Temps ».
(Heidegger, Cours du semestre d’hiver 1951-1952 in Qu’appelle-t-on penser ? Quadrige PUF, Paris 1959).
Jetons d’abord un coup d’œil sur la quatrième de couverture de l’ouvrage cité. Heidegger est ainsi présenté : « Disciple et assistant de Husserl, Martin Heidegger (1889-1976) lui succéda à l’Université de Fribourg où il enseigna jusqu’en 1973. Son œuvre s’est nourrie d’une lecture attentive des penseurs grecs, en particulier celle des Présocratiques ». Bref, Heidegger est un classique et il a eu une pratique philosophique exclusivement spéculative et professorale. Cela aurait été s’engager sur un terrain glissant que de signaler ici, et pour le moins, qu’il avait été, avec l’appui d’organisations étudiantes hitlériennes, recteur nazi de l’Université de Fribourg. Quant à l’expression « disciple et assistant de Husserl » elle est trompeuse puisque Etre et temps est en réalité un rapt völkisch, d’esprit nationaliste, identitaire et raciste, de la phénoménologie husserlienne. Heidegger n’est surtout pas un disciple de Husserl. Il a plongé dans la dynamique phénoménologique pour en changer le cours et la placer sous l’autorité d’une ontologie, laquelle ontologie comprend précisément la programmatique völkisch. « Etre », dans Etre et temps, désigne en effet, de manière allusive et « romantique », la sublime génialité du peuple, du Volk en ce que celui-ci est légitimé à aspirer à une forme absolue de souveraineté (comprenant en conséquence un droit à l’esclavagisme et à l’extermination). [Voir prochainement la note, à venir, sur Etre et temps].
Pourquoi le thème de la vengeance dans ce cours de 1951 ?
Mon hypothèse est qu’il permet à Heidegger d’envoyer un signe de reconnaissance de plus aux lecteurs nazis de ses textes. Il faut toujours partir du principe que Heidegger n’a pas fait seulement que de soutenir momentanément, par égarement et par erreur le mouvement hitlérien, mais qu’il s’est littéralement identifié à la « révolution » national-socialiste. Il est encore nazi et hitlérien – et il ne cessera jamais de l’être – quand il rédige les deux cours réunis sous le titre Qu’appelle-t-on penser ?
Que dit-il, en conséquence, avec ce thème de la vengeance ?
Notons que le nazi Heidegger aurait été bien médiocre et stupide s’il s’était exprimé clairement et de manière transparente. Jamais les éditions françaises n’auraient publié des telles choses. Mais pointons aussi que, étant données sans doute les exigences des ayants droits, la publication des « Heidegger » n’est jamais accompagnée d’une quelconque mise en garde ou de présentation critique et historique. Il est probable que les ayants droits disent quelque chose comme : « c’est ça, rien que ça, ou rien… surtout pas d’appareils critiques » !
Pour un nazi tel que Heidegger – lequel est relevé de l’interdiction d’enseigner précisément en 1951, date de rédaction de ces cours (lesquels signalent donc la « rentrée universitaire » de l’ancien recteur) – la défaite de l’Allemagne, le bombardement sur ses grandes villes, son occupation par les « judéo-américo-bolchéviques » mais, aussi, l’interdiction d’enseigner qui lui a été infligée, constituent une situation bien plus qu’humiliante. L’hypothèse est que, parmi ces revers, il en est un qui surpasserait les autres car associé de manière antithétique à la « victoire » glorieuse remporté notamment contre les juifs – voir l’article ANEANTISSEMENT TOTAL – à savoir le procès de Nüremberg, le jugement et la condamnation, à mort pour certains, pour crimes contre l’humanité.
Rappelons que, pour un nazi, l’extermination était une nécessité devant s’appliquer à l’encontre des populations de « sous-hommes ». Tel était, pour ainsi dire, leur « thanato-messianisme ». Ils s’étaient persuadés qu’ils œuvraient pour une véritable humanité. De ce point de vue le « crime contre l’humanité » n’était pas là où le procès de Nuremberg l’avait placé !
Il fallait, pour la poursuite inlassable du « Kampf », requalifier la situation. Il ne faut jamais perdre de vue que, pour Heidegger, la logique commune est « métaphysique » et d’abord sourde à la « vérité de l’Etre ». Le procès de Nuremberg est « fondé » sur cette logique et cette métaphysique selon lesquelles la barbarie est du côté du SS !
Ce sont en réalité des « bergers de l’Etre » qui ont été condamnés à mort à Nuremberg !
Hitler photographié au côté du buste de Nietzsche
Et alors que Heidegger, qui était en concurrence avec le « spectre » de Nietzsche – Hitler s’était fait photographié face au buste du philosophe – avait dépassé, dans ses travaux sur Nietzsche, la métaphysique de celui-ci, il s’appuie sur l’analyse nietzschéenne de la vengeance pour requalifier Nuremberg.
Je formule de manière plus précise l’hypothèse de l’article : le procès de Nuremberg est pour Heidegger une vengeance, assortie de punition, et qui est le fait des juifs en tant qu’ils sont incapables de monde, d’historialité et d’entente véritable de la question de l’être. Bref le procès témoigne de la barbarie des sous-hommes !
Il est significatif que Heidegger connaissait personnellement certains de ces pauvres « bergers de l’Etre » condamnés à mort. Il les avait fréquentés notamment dans le cadre d’une commission nationale sur le droit allemand. Il s’agissait de Hans Franck, de Julius Streicher, de Alfred Rosenberg, tous trois exécutés à Nuremberg.
Allons cependant au texte de Heidegger.
« La vengeance est pour Nietzsche le ressentiment de la volonté contre le Temps. Ce qui veut dire maintenant : la vengeance est le ressentiment de la volonté contre le passer et son passé, contre le temps et son « il était ». Le ressentiment ne vas pas contre le pur et simple passé, mais contre le passer en tant qu’il ne laisse plus être le passé que comme passé, qu’il le laisse ainsi se pétrifier dans la rigidité du définitif. Le ressentiment de la vengeance va contre le temps, en tant que celui-ci réduit tout au « il était », et qu’il laisse ainsi s’en aller le « aller ». Le ressentiment de la vengeance ne va pas contre le pur et simple « aller » dans le temps, mais contre le fait qu’il laisse s’en aller le « aller » dans le passé – contre le « il était ». A cet « il était », le ressentiment de la vengeance demeure enchaîné ; de même d’ailleurs que dans toute haine se cache la dépendance la plus insondable à l’égard de ce dont elle voudrait au fond constamment se rendre indépendante, ce qu’elle ne peut pourtant jamais faire et qu’elle peut toujours d’autant moins qu’elle hait davantage ». (Ouvrage cité, page 78).
La vengeance est, selon donc l’envoi nietzschéen, le « ressentiment de la volonté contre le Temps ». Mais Heidegger précise que la volonté ne refuse pas simplement le temps et « le pur et simple passé ». La vengeance a besoin de se référer effectivement a quelque chose qui a déjà eu lieu. De même elle a besoin du temps pour préparer son accomplissement. Et s’accomplir. Mais ce que le ressentiment de la volonté refuse c’est précisément que ce passé, dont elle a pourtant besoin, ne devienne que du passé. Le temps pétrifie le passé « dans la rigidité du définitif ». En ce sens le temps œuvre à la disparition du motif de la vengeance. La pire offense, par exemple, peut finir par devenir rigide comme un cadavre et perdre ainsi toute sa virulence. Le vengeur, pour autant qu’il est possédé par sa passion, a donc besoin que le passé ne devienne pas quelque chose de pétrifié et de cadavérique. Si c’est une offense il faut que l’offense continue d’offenser et qu’elle ne soit pas une offense morte et parfaitement, précisément, in-offensive. Le vengeur est en quelque sorte condamné, pour croire à la signification de ses projets, a sans cesse réactualisé le passé, a le « présentifié ». Il se ferme de cette manière au « aller de l’aller » du temps puisqu’aussi bien l’offense ne doit pas « s’en allée » pour rester vive et continuer à motiver la vengeance. Un vengeur peut ainsi s’en prendre à un offenseur qui est pourtant, actuellement, dans un état d’esprit tout à fait différent de l’état d’esprit qui était le sien quand il a commis l’offense.
Pour autant que l’esprit de vengeance est une forme de haine celle-ci se trouve prise dans la contradiction de se rendre dépendante, pour être précisément haineuse, d’un objet dont elle veut pourtant, par l’expression de la haine, et de la haine vengeresse, se libérer. Combien d’amants assassins devenus haineux ont découvert ainsi la solidité des liens qui les unissaient, qui les unit, à l’objet détruit (et donc, d’une certaine manière, continuant à vivre par ces liens et dans un « passé qui ne passe pas »).
Cette description heideggérienne a contextuellement une signification antisémite. Le procès de Nuremberg donne lui-même raison aux assassins puisqu’il témoigne d’un esprit de vengeance fermé à « l’aller de l’aller » du temps. Précisément les déclarations antisémites des Cahiers noirs récemment portées à la connaissance du public vont dans ce sens. Les juifs sont dits par Heidegger ne pas entendre la question de l’être. Les juifs sont sans monde et sans véritable histoire. Ils se fixent sur la vengeance comme pour compenser une incapacité à « temporelliser » quelque entente de l’être que ce soit, incapacité qui portait précisément atteinte aux possibles des allemands de terre et de sang.
Par ailleurs, et parce qu’il veut être compris de bonne manière, Heidegger reprend à la page 80 du cours le thème nietzschéen du sur-homme, thème dument nazifié et porté comme tel.
Il faut se délivrer de la vengeance pour ne pas s’obstruer la « temporellité » nécessaire à « l’advenir ». « La délivrance, écrit Heidegger, à l’égard de la vengeance est le pont sur lequel va celui qui va au-delà. Où va celui qui va au-delà ? Il va vers ce qui ne laisse plus aucun espace pour la vengeance, en tant que ressentiment à l’égard de ce qui « s’en va » purement et simplement. Celui qui va au-delà va vers la volonté qui veut l’éternel retour du même, vers la volonté qui comme telle est l’Etre originel de tout étant.
Le sur-homme sur-passe l’homme traditionnel en entrant dans un rapport à l’Etre qui, en tant que volonté de l’éternel retour du même, se veut lui-même éternellement et rien d’autre ». (Ouvrage cité, page 80).
Il y a un invraisemblable cynisme heideggérien. La vengeance et les punitions de Nuremberg prouvent que les sur-hommes allemands purs étaient fondés à massacrer plus d’un million d’enfants. Tous ces enfants n’étaient-ils pas destinés à devenir des vengeurs d’un crime qui n’était en réalité qu’un acte de défense contre le nihilisme ?
Heidegger refuse le cercle qui justifierait qu’on voit en lui un être possédé précisément par la haine des juifs et par le ressentiment de la volonté à leur égard.
Pour Heidegger, et comme on dit parfois aujourd’hui, entre les « purs allemands » et les juifs il n’y avait pas de symétrie ces derniers n’étant pas vraiment des hommes ! C’est sans haine et sans esprit de vengeance que le génocide a eu lieu. Selon la vérité heideggérienne de l’être. Que les juifs aient voulu la vengeance donne raison à leurs assassins.
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