Petit contre-dictionnaire Heidegger : DEFERLEMENT DE L’ESSENCE

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Cette expression heideggérienne est un des leitmotiv de nombreux passages des Beiträge. Par exemple au paragraphe 91 intitulé Du premier à l’autre commencement, où « autre commencement » désigne favorablement, et même non sans un certain enthousiasme ontologique, les heureuses conséquences de l’arrivée de Hitler au pouvoir, on trouve ceci :

« A présent tout est autre et devient autre. La métaphysique est devenue impossible. Car la vérité de l’estre et le déferlement de la pleine essence de l’estre sont ce qui est premier – et non pas ce vers quoi au loin l’excédence doit aboutir.

L’estre déploie sa pleine essence comme avenance de la fondamentation d’un là, et détermine même à neuf la vérité de la pleine essence à partir du déferlement de la pleine essence de la vérité.

L’autre commencement est le saut qui bondit – transmutant l’estre – au cœur de sa vérité plus originale ». (Heidegger, Apports à la philosophie, Gallimard 2013, page 212).

Les Beiträge ont été rédigées de 1936 à 1938.

Nous pouvons lire le texte comme s’il s’agissait d’une pure méditation spéculative. Mais, et aussi parce que l’ontologie existentielle heideggérienne fait obligation d’entendre l’historialité effective de l’être, ces passages doivent aussi se lire comme une sorte d’enregistrement ontologique de l’événement, historial et appropriant, en quoi consiste l’instauration du IIIéme Reich.

Ces passages sont d’une violence inouïe. Il y est affirmé que l’agressivité militaire hitlérienne relève précisément d’un « autre commencement ». Si métaphysique veut dire aussi qu’on feint au moins de respecter certaines formes d’égalité, par exemple en respectant l’interdit universel de meurtre désormais, avec le IIIéme Reich,  la métaphysique est devenue impossible.

Lorsque la Wehrmacht passe à l’offensive il ne s’agit donc pas d’une énième aventure militaire. Avec les avions, les chars, les soldats transite en quelque sorte la « vérité de l’être » – les gardiens de cette vérité seront surtout les SS et la Gestapo –  cette vérité se dévoilant comme déferlement de l’essence, c’est-à-dire comme accomplissement de ce que l’être est profondément hiérarchisé, le peuple allemand étant le peuple maître par excellence.

Autre commencement désigne le fait que, désormais, l’armée allemande est au service, de manière clairement et radicalement raciste, de la vérité de l’être. Les éclatants succès intérieurs du nazisme contre la « métaphysique démocratique », succès obtenus par la violence meurtrière, l’internement en camp, la torture, la mise au pas des universités, le saccage de la culture, sont les témoins même du déferlement de l’essence. Ce déferlement n’est pas à la fin, comme l’expression d’un trop plein. Il se confond avec le commencement lui-même en tant qu’il rejette radicalement, sans scrupule, la métaphysique des droits humains fondamentaux.

 

Le déferlement en Espagne

Or, rédigées entre 1936 et 1938, les Beiträge ont été contemporaines d’un déferlement hors des frontières du Reich en l’espèce de l’intervention de l’aviation nazie en Espagne en avril 1937.

Il s’agit bien d’un déferlement heideggérien (et nazi) puisque l’objectif était, par la violence la plus impitoyable, d’abattre les ambitions républicaines espagnoles, et basques, à l’égalité.

C’est donc sans scrupule que la Luftwaffe jettera ses bombes sur les civils de Guernica. C’est un déferlement de l’essence au sens où il ne s’agissait pas de conquérir un territoire mais de détruire une « race culturelle » inférieure et, cela,  en ses prétentions à abattre la vérité hiérarchisante de l’être.

Avec Guernica Heidegger avait ainsi un cas de déferlement hors frontière à se mettre sous sa dent de logographe.

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Le tableau de Picasso est une des  meilleures critiques qu’on puisse trouver de l’ »heideggérème » déferlement de l’essence.

Observons au passage avec quelle virtuosité, mais aussi avec quelle sorte de profonde grossièreté, Heidegger traduit en ontologie l’agression nazie contre les populations.

 

Le déferlement en Pologne

Guernica fut le coup d’envoi du déferlement en Europe. Au début septembre 1939 la Wehrmacht envahit la Pologne avec, dans ses coffres, « l’essence » heideggéro-hitlérienne. 

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Cette essence déferla bientôt en l’espèce, conjointement aux violences infligées aux polonais, de la traque aux juifs, de leur enfermement dans les ghettos, de leur exécution par les Einsatzgruppen.

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Quelques années plus tard le déferlement pris la forme de la solution finale : rafles, sélection, gazage.

Heidegger est le publiciste de cette immonde conception du monde.

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Pour résumer : le déferlement de l’essence ce n’est pas le déferlement simplement militaire ou policier. Sans « l’essence » il aurait été privé de motivations efficientes. C’est le déferlement militaire et policier en tant qu’il agit au nom de la « vérité de l’être », au nom du peuple maître, de la « race supérieure ».

Notons que si Heidegger était un croyant résolu – en l’essence – le jeu de mot sur « l’essence » n’est pas vain. Elle a été le carburant qui a permis de mettre en action, contre les aspirations démocratiques, des forces colossales de destruction et de morcellement. 

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