Kubrick : 2001 est-il un film proustien ? A la recherche de la civilisation perdue.

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Souvenons-nous de l’espace du décor de la dernière grande séquence de 2001 :

 vlcsnap-2014-03-14-14h21m15s191Que s’est-il passé du côté de Jupiter et alors que le monolithe « rôde dans le coin » ?

Hypothèse : Dave Bowman, le cosmonaute survivant de l’holocauste décidé par l’ordinateur de bord HAL 9000, est absorbé par l’intelligence supérieure qui semble régner sur Jupiter, planète de la foudre.

La fable, ou le conte, est que Dave Bowman peut se déplacer désormais dans une sorte d’album de souvenirs. Il y voit comme les symboles irréels et éternels d’une grande civilisation : mobilier, sculptures, peintures. Il s’agit de la civilisation humaine en tant qu’elle n’est plus qu’un souvenir. Bowman pourra voir aussi les souvenirs de son propre vieillissement.

L’idée est que, en écho à …La recherche du temps perdu de Proust, Kubrick aurait tenté quelque chose comme un A la recherche de la civilisation perdue. La civilisation elle-même n’est plus qu’un souvenir.

Regardons cette célébrissime image :

vlcsnap-2014-03-14-14h21m43s240La combinaison de Dave Bowman est comme un équipement permettant de visualiser  la civilisation-souvenir. Les tableaux ne sont plus des tableaux mais des souvenirs de tableaux. Et le film lui-même est ce sur quoi se sont imprimés ces souvenirs d’une civilisation désormais irrémédiablement engloutie dans l’espace.

Le regard de Dave Bowman est un mélange d’incrédulité, d’effroi et de nostalgie. Il se meut dans un souvenir de monde et non dans un monde.

A l’étape ultérieure il deviendra lui-même, libéré de la carapace de cette pseudo chrysalide qu’est la combinaison rouge, un homme-souvenir assistant à son propre vieillissement dans un non-monde inconsistant.

La chrysalide était illusoire car le « papillon » qui s’envole dans l’espace est tel un embryon mort :

vlcsnap-2014-03-21-17h47m01s229La créature est en effet rigoureusement immobile. Et ce n’est pas parce qu’elle figure un regard que ce regard est voyant ; que ce regard est celui d’un vivant. La « chose » semble ainsi être un être de celluloïd, totalement figé et ne regardant la terre que d’un regard aveugle et privé de toute lumière.

Nous regardons ainsi la pure image d’un regard, d’un regard qui ne peut plus rien regarder.

Etait-ce, de la part de Kubrick, une manière de tourner en dérision le mythe nietzschéen de l’éternel retour ?

La machine à «éternel retour » n’aurait accouché que d’un regard aveugle absurdement dirigé sur la portion terrestre d’un univers éternellement présent à lui-même mais dont les hommes se seraient irrémédiablement, et du fait de leur folie, exclus à jamais.

Certaines scènes des Sentiers de la gloire anticipent sur les dernières images de 2001.

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Le problème c’est précisément les uniformes. Ces officiers condamneront à mort, pour l’exemple, des soldats pourtant connus pour leur bravoure. Ils sont surtout le symbole du déchaînement organisé et étatique de la violence. Tandis que le salon suggère raffinement, culture, art il est désormais occupé par des criminels de profession. C’est déjà le « salon blanc » de 2001.

Et comme dans l’astronef dans lequel on peut, tel un écureuil en cage, tourner indéfiniment ces officiers font un cercle dans le salon. Voici le deuxième passage :

vlcsnap-2014-03-21-18h11m07s101Ils ont fait le cercle comme si, désormais, ils avaient définitivement pris possession de la civilisation tout en la condamnant, par-là, à ne plus exister que comme nostalgie ou comme simulacre.

Dave Bowman, dans 2001, ressembla d’abord à ces officiers. Mais, menacé dans sa réalité par l’ordinateur de bord HAL 9000, il se révolta contre l’exterminateur. Il se trouva par la suite en situation de voir la même chose que voit (sans voir) ces officiers sauf que, désormais, ce ne sont plus des tableaux mais des souvenirs de tableaux.

Dave Bowman a pu ainsi voir le spectacle même de la civilisation perdue. Les  éléments du décors agissent comme des petites madeleines visuelles provoquant l’engouffrement des souvenirs d’un monde au visage devenu incertain.

Pire, sans doute : Dave Bowman n’a plus en réalité qu’un savoir très affaibli du monde dont les éléments de décor sont les souvenirs.

Quelque chose du passé passe par les petites madeleines… mais quoi?

Dave Bowman reconnaît comme tels des souvenirs d’un monde qu’il a lui-même très peu, voire pas du tout, connu et expérimenté.

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