Petite contre-dictionnaire Heidegger : AUTRE COMMENCEMENT

 

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L’idée de l’autre commencement est exposée dans les Beiträge zur Philosophie (Contributions à la philosophie). Rédigés entre 1936 et 1938 ces apports, comme le traduit François Fédier, correspondent à ce moment où  l’hitlérisme est victorieux, installe ses hommes, embrigade la jeunesse et se prépare à la guerre par un intensif effort industriel d’armement.

Ces Beiträge témoignent de l’étroitesse des rapports qu’a entretenus Heidegger avec le nazisme et l’état hitlérien. C’est une véritable identification. Heidegger se réfléchit lui-même comme le penseur du mouvement.

Un néo nazi heideggérien cherchera encore aujourd’hui à dissimuler ce fait en brodant la fable selon laquelle, passé à la « résistance spirituelle » en démissionnant du rectorat de Fribourg en 1934, Heidegger oppose précisément au nazisme d’état un « autre commencement ». Cela ne peut être qu’une sinistre plaisanterie. Il y avait de grandes intelligences dans les appareils d’état nazis et jamais une telle « trahison » n’aurait été possible.  

Mais alors qu’est-ce que cet « autre commencement » ?

Ce qui est significatif c’est la manière même avec laquelle Heidegger habille le nazisme.

Observons tout d’abord ce qu’il en est du premier commencement.

« Le premier commencement fait l’épreuve et pose la vérité de l’étant, sans questionner en direction de la vérité en tant que telle, parce que ce qui est hors retrait en elle, l’étant comme étant, surpasse en puissance nécessairement tout, parce qu’il engloutit aussi le rien à titre de « ne…pas » et de « contre », l’inclut en lui ou bien même l’anéantit complètement ». (Heidegger, Apports à la philosophie. De l’avenance, Gallimard 2013, page 208).

Ce premier commencement correspond à la métaphysique et au fait que celle-ci prend en vue l’étant et non l’être. Cette caractérisation appartient à la série des « destructions » heideggériennes et dont la plus importante est sans doute celle qui vise l’étant « sujet » en tant qu’il possèderait des droits inaliénables. Précisément le « sujet de droits » serait un étant et relèverait de ce premier commencement métaphysique en tant qu’il « pose la vérité de l’étant » au lieu de s’ouvrir à la « vérité de l’estre ».

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Supplément du 21 avril 2015 – Précisément, dans les Cahiers noirs, il est question des juifs en tant qu’ils sont voués à l’étant et qu’ils « n’osent pas l’être ». A l’autre commencement, qui s’origine en l’être, correspondrait « l’anéantissement total de l’ennemi intérieur enté sur la racine du peuple ». Depuis quelques années c’est l’obsession de Heidegger. Il pétitionne ainsi, en tant que philosophe du III° Reich, auprès de Hitler en vue du génocide.

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Mais que dit exactement Heidegger dans ce passage sur le « premier commencement » ? Prendre en vue l’étant, et non l’être, revient à admettre que la vérité s’identifie à l’ensemble des propositions adéquates concernant l’étant et donc les multiples régions de l’étant. Peut-on se satisfaire ainsi d’une philosophie qui serait la synthèse toujours inachevée des multiples connaissances vraies ? Le premier commencement, métaphysique, s’abstient en quelque sorte de questionner la vérité comme telle car « ce qui est hors retrait en elle » est constitué par tout ce qu’il est possible de connaître de l’étant, cette connaissance étant par ailleurs elle-même inachevée et perfectible. Le rien, ce rien qui est à l’oeuvre dans ce qu’ailleurs Heidegger pense comme « différence ontologique », est lui-même anéanti. Le négatif de la différence ontologique, à savoir que l’être n’est pas l’étant, se réduit en quelque sorte à des emplois subalternes comme, par exemple, quand on dit que la baleine n’est pas un poisson ou que le curare agit contre la santé. Le négatif peut avoir une toute autre portée pour Heidegger.

Précisément la différence ontologique affirme que l’être n’est pas l’étant. Heidegger a souligné le fait qu’il fallait comprendre cette négation de manière transitive. La négation est comme une « action » qui ouvre sur la transcendance de l’être. La différence ontologique est comme une expérience de la pensée en vertu de laquelle se dégage l’horizon d’un questionnement à propos de l’être comme tel. Elle a le pouvoir d’instituer un « autre commencement ».

« L’autre commencement fait l’épreuve de la vérité de l’estre et questionne en direction de l’estre de la vérité, pour enfin arriver à fondamenter le déferlement de la pleine essence de l’estre, et laisser l’étant être à titre de vrai qui prend son essor de cette vérité originale ». (Ouvrage cité, page 208)

On peut s’étonner que Heidegger n’ait jamais mis à l’épreuve du doute sa conception de l’ontologie – en tant que non-métaphysique active et créatrice. Mais, et ce sera la thèse de cet article, la différence ontologique heideggérienne repose sur des non-dits qui ramène le texte vers l’idéologique et vers le nazisme. La « vérité de l’être », pour le dire d’une manière à la fois rapide et peut-être choquante, c’est  ce qu’a dit Hitler notamment en ce qui concerne la situation du peuple allemand en tant qu’il est supposé être aux prises avec le « complot juif ». En transformant la phénoménologie husserlienne en ontologie existentielle Heidegger a fait en sorte de pouvoir nommer, dans le cadre d’un projet de nazification de l’université, ce qui était en train d’advenir historiquement. Cela relève-t-il de la « philofolie » ? L’antisémitisme devient une catégorie ontologique. Heidegger traduit en ontologie, et dans la perspective d’une mise au pas de toute l’université, l’hitlérisme.

L’autre commencement signifie : ce qui s’inaugure avec l’arrivée du parti nazi au pouvoir (parti dont Heidegger a possédé la carte de 1933 à 1945).

La vérité de l’estre signifie, en reprenant l’orthographie baroque de François Fédier, la sublime supériorité du peuple allemand, supériorité menacée notamment par «l’enjuivement », mais qui légitime qu’il exerce sa souveraineté en termes de mise en esclavage et d’extermination.

Le déferlement de la pleine essence de l’estre désigne ce déferlement des qualités transcendantes du peuple allemand et qui, parce qu’il parle la seconde langue de l’être après le grec, ne commet pas de crimes en tuant des « choses » qui ne sont que des sous-hommes. (Ces derniers sont des « barbares » en ce qu’ils ne parlent pas la « langue de l’être »).

Les groupes spéciaux d’extermination dans les plaines de l’est : déferlement !

Déclaration de guerre, et de guerre exterminatrice, à l’URSS : déferlement !

Injection de gaz mortels dans les chambres à gaz : déferlement !

Vérité originale signifie cette exceptionnalité absolue du peuple allemand, exceptionnalité assiégée et menacée par les espèces inférieures. La « vérité originale » c’est l’élection ontologique du peuple allemand, la seule véritable, élection qui lui enjoint d’avoir à entamer et à poursuivre le combat pour l’être.

Laisser l’étant être à titre de vrai (qui prend son essor de cette vérité originale) signifie notamment que les institutions du IIIème Reich sont précisément motivées par cette vérité originale selon laquelle il y a une génialité spirituelle inégalée du peuple allemand. Bravo, par exemple, pour les commandos SA et leur héroïsme antisémite !

Contre la métaphysique universaliste, et son humanisme, Heidegger transpose en langage ontologique ce qu’il croit très profondément constituer un événement majeur : l’arrivée d’Hitler au pouvoir, son projet de destruction des juifs et des bolcheviks.

1933, la date d’arrivée de Hitler au pouvoir, est une date historiale : le grand déferlement de l’essence, qui a donc déjà commencé, va pouvoir perdurer.

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Remarque :

Il est à observer que Heidegger, dans les Beiträge, s’interroge en fait sur « l’ontologie ». « Dans la région de l’autre commencement, il n’y a ni « ontologie », ni, à plus forte raison, « métaphysique ». (Ouvrage cité, page 81).

Pour ma part il m’est devenu quasiment impossible d’accorder un grand sérieux à la « philosophie » de Heidegger. Ce dernier a banni au reste la philosophie – en un sens victorieuse à Nuremberg en 1945 – comme si, pour lui, ce qui fait sens est inséparable d’un Etat capable de supporter la « vérité de l’Etre ». C’est-à-dire un état autant esclavagiste que tueur.

Mon hypothèse serait que Heidegger laisserait ainsi transparaître l’immense « difficulté » que représente le fait de guider la pensée et les penseurs sur le chemin qui les conduits à se constituer comme les « intellectuels organiques » d’un état criminel et génocidaire.

L’entreprise heideggerienne est une immense tragédie pour la pensée. Car il la conduit le plus loin possible de cette sorte de commun qu’est l’interdit du meurtre.

L’heideggerisme est la grande fugue macabre, et pour certains fascinantes, du crime contre l’humanité; le requiem de la mise à mort de celle-ci. C’est l’expression méthodique et sournoisement rageuse d’un immense ressentiment contre le monde lui-même.

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