Petit contre-dictionnaire Heidegger : ANEANTISSEMENT TOTAL

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« Que savait Heidegger, se demandait Peter Trawny dans son article du Monde du 20 janvier 1914,  des exactions commises contre les juifs ? Les Cahiers noirs ne contiennent aucune indication permettant d’établir qu’il avait eu connaissance de l’existence des camps avant ou juste après 1945. En 1949, il évoqua la « fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et dans les camps d’extermination », une expression qu’Hannah Arendt utilise dans Les Origines du totalitarisme. Il fait certes une brève référence à la persécution des juifs, mais cela ne permet pas d’établir à quelle date il en eut connaissance. Qu’il ne se soit pas élevé contre l’éviction des juifs hors des universités, c’est une caractéristique qu’il partage avec la plupart des professeurs de l’époque ».

Ces chers professeurs ont au reste préféré ne rien savoir. Ils ont contribué à fournir le mode d’emploi du génocide : loin des yeux et surtout pas sous la forme de pogroms réguliers et sanglants. Bref, du « propre », du « scientifique », de « l’universitaire ». On ne peut au reste pas intégrer l’antisémitisme de Heidegger dans le cadre d’une simple « humeur » générale. Heidegger s’est rallié très tôt à une forme radicale d’antisémitisme. L’idée d’extermination était pour ainsi dire dans l’air depuis longtemps. (Même le jeune Marx a trébuché sur le mot).

Peter Trawny souligne il est vrai le caractère particulièrement grave de l’antisémitisme heideggérien. Les « stéréotypes antisémites bien connus » acquièrent de son fait une dimension philosophique. Pour notre part la précellence donnée par Heidegger à la question de l’être ne peut se comprendre sans la motivation fantasmatique d’avoir à s’opposer à un nihilisme supposé résulter d’un « enjuivement » du monde.

Soyons un peu plus concret. L’être heideggérien c’est le « droit » à l’esclavagisme », le « droit » de tuer si tuer c’est protéger la souche véritable du « Volk », de « l’allemand ».

Est ainsi « nihiliste » tout ce qui conteste, s’oppose et limite l’exercice de la  souveraineté du « peuple allemand ».

« Etre » est l’affirmation, a contrario, d’une telle souveraineté en ce qu’elle ne reconnaît pas l’universel « homme ». Seul l’allemand, pour le nazi Heidegger, est pleinement homme.

Précisément, de manière parfaitement ignoble, la « vérité de l’être » est ce qui justifie la mise à mort de tous les sous-hommes en tant qu’ils portent atteinte à la pleine expression de l’essence de l’homme véritable.

C’est cette « vérité de l’être » qui sera administrée dans les camps. En ce sens la question de savoir si Heidegger « savait » est relativement secondaire. Il voulait sans doute autant ne pas « savoir » qu’il était  convaincu qu’Hitler faisait ce qu’il fallait.

C’est à propos d’une traduction du grec polemos, saisi dans les fragments d’Héraclite, et interprété comme « combat », « guerre » et « confrontation » que  Heidegger expose la nécessité de l’extermination.

HeiHei (2)Hei (3)Ces photographies sont celles des pages 90 et 91 des volumes 36 et 37 des oeuvres complètes – Gesamtausgabe – de Heidegger (Vittorio Klostermann).

Ces deux volumes sont regroupés sous le beau titre ontologique de Sein und Wahrheit Etre et Vérité!

C’est à la fin du 2eme paragraphe de la page 91 que se lit l’expression allemande de völligen Vernichtung : anéantissement total.

Voici encore une fois la traduction des deux paragraphes (Feind ist derjenige und jeder…/ Der Feind kann in der innersten Wurzel...) :

« L’ennemi est celui-là, est tout un chacun qui fait planer une menace essentielle contre l’existence du peuple et de ses membres. L’ennemi n’est pas nécessairement l’ennemi extérieur, et l’ennemi extérieur n’est pas nécessairement le plus dangereux. (…) L’ennemi peut s’être enté sur la racine la plus intérieure de l’existence d’un peuple, et s’opposer à l’essence propre de celui-ci, agir contre lui. D’autant plus acéré, et dur, et difficile est alors le combat, car seule une partie infime de celui-ci consiste en frappe réciproque; il est souvent bien plus difficile et laborieux de repérer l’ennemi en tant que tel, de le conduire à se démasquer, de ne pas se faire d’illusions sur son compte, de se tenir prêt à l’attaque, de cultiver et d’accroître la disponibilité constante et d’initier l’attaque depuis le long terme, avec pour but l’extermination totale. »

in Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie, Emmanuel Faye, Albin Michel 2005, page 276.(GA 36/37, 90-91).

E. Faye commente : « Il s’agit de l’une des pages les plus insoutenables de Heidegger, car le combat qu’il décrit contre l’ennemi embusqué jusque dans la racine du peuple, décrit exactement, dans le langage qui est le sien, la réalité de la lutte raciale du nazisme et de l’hitlérisme contre les Juifs assimilés dans le peuple allemand, laquelle conduira, durant ces années 1933-1935, des premières mesures antisémites que nous avons décrites comme faisant partie de la Gleichschaltung aux lois anti-juives de Nuremberg et à l’Endlösung : la « Solution Finale ».  (Ouvrage cité, page 277).

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