Petit contre-dictionnaire Heidegger : ETRE

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Etre est  le mot clé de la duplicité de Heidegger.

1 – Il est encore affirmé que le génial mérite de Heidegger réside dans la résurrection de la « question de l’être ».

La question a été oubliée, enfouie par la tradition métaphysique qui, dès Platon et Aristote, s’est vouée à la fondation de la connaissance de l’étant (et non de l’être). Cette connaissance de l’étant est connaissance d’une multiplicité de régions, d’une multiplicité d’étants.

Par « différence ontologique » Heidegger entend le fait que jamais l’approche d’un étant, même dument scientifiquement fondée, vaut comme élucidation du « sens de l’être ». De telles approches de l’étant, ou de tel ou tel étant en particulier, présuppose à la fois d’être comme guidé par une entente de l’être – elle est ouverture – et un oubli de la question de l’être en tant qu’être.

« L’être n’est pas l’étant », dira Heidegger en comprenant le « n’est pas » de manière transitive. Il y a comme une dynamique de la différence ontologique en vertu de laquelle, en même temps que notre entente de l’être nous guide vers l’étant, l’être semble subsister en tant qu’être en niant son identité avec l’étant. Nous pourrions dire que rien d’étant, par exemple Dieu – et donc pas même Dieu – ne vaut pour l’être en tant qu’être.

L’être comme tel, l’être en tant qu’être, excède toujours l’étantité de l’étant.

Toujours la différence (ontologique) diffère.

Nous pouvons emprunter le chemin de l’étant, mais il y a lieu de ne pas faire violence à la différence ontologique.

Il y a ainsi une programmatique heideggérienne à vocation ontologique. Voilà comment Heidegger la caractérise dans Etre et temps : « Toute ontologie, si richement et solidement agencé que puisse être le système de catégories dont elle dispose, demeure au fond aveugle et pervertit son intention la plus propre en tant qu’elle n’a pas d’abord suffisamment tiré au clair le sens de l’être et n’a pas conçu cette clarification comme sa tâche fondamentale ». (Etre et temps, Gallimard 1986, page 35).

D’un point de vue formel tout se passe comme si Heidegger s’était attaché à préserver la singularité sémantique du mot «être » et cela contre toute réduction de l’être à l’étant.

On comprend cependant combien Heidegger aurait dû répondre à des objections et à des critiques en vue de justifier qu’il ne s’agissait nullement de s’en tenir à un formalisme linguistique. Or si le grand livre demeure Etre et temps il est resté inachevé. Pourquoi et comment Heidegger a-t-il cependant et de manière particulièrement productive continuer à écrire et à enseigner ?

2 – « Etre » n’est pas seulement ontologie mais aussi politique. Il y a, chez Heidegger, et comme le dit Richard Wolin, une « politique de l’être ». Et elle est nazie.

C’est difficile à admettre. La défense de Heidegger veut que, dès lors qu’on nomme les choses, le reproche est adressé selon lequel ce serait ainsi caricaturer une pensée riche et complexe. Mais il  ne faut pas confondre une lecture interprétative de Heidegger, qui peut s’éloigner spontanément ou en pleine conscience  du nazisme de l’auteur avec la façon dont cet auteur s’est voué lui-même à l’expression sophistiquée, « universitaire », des fondamentaux du nazisme et de l’hitlérisme.

La thèse est que, bien avant même Etre et temps, Heidegger est motivé par un racisme radical. L’importance qu’il a donnée à la question de l’être est motivée par tout autre chose qu’une visée purement spéculative.

Il faudrait ainsi étudier le champ sémantique d’ « être » dans le corpus heideggérien. Donnons quelques indications. Etre signifie donc aussi :

§1- La souveraineté absolue, sans limitation, du Volk, du peuple allemand conçu comme expression d’une pureté d’enracinement dans un sol. Cette souveraineté sans rivage est ainsi un « droit » à la mise en esclavage – camps de concentration, « expérimentation » médicale – et à l’extermination – Einsatzgruppen, chambres à gaz.

 

§2 – La question de l’être se déploie à partir d’une entente de l’être en tant que capacité propre au Dasein, à l’être-là. Or cette entente est privilégiée dans le cas du « dasein allemand » du fait que la langue allemande est conçue précisément comme une authentique « langue de l’être », supérieure même au grec en tant que première grande langue de l’être.

 

§3 – Il est même arrivé à Heidegger de traduire la différence ontologique en termes de rapport entre le Führer – Hitler – et le peuple.

 

 

§4 – « Etre » fonctionne comme un équivalent pour « race », « souche », « enracinement », « souveraineté », « mission historique »…

 

 

§5 – «Etre » désigne métaphoriquement ce mode d’être en vertu duquel le Volk, le purement allemand, est fondé à s’opposer à toute légalité universelle. « Etre » c’est donc aussi refuser l’interdit de meurtre. Seul le purement allemand est pleinement homme. Cela ne constitue nullement un crime d’assassiner les « pseudos humains » en tant qu’ils menacent précisément l’être-peuple.

 

 

§6 – Il y a comme une fantasmatique « ontologique », tout à la fois heideggérienne et hitlérienne, selon laquelle le purement allemand a pour adversaire principal le « juif » en tant qu’il est privé d’une entente de l’être et incapable de monde. Le purement allemand a vocation à être dans et contre une époque de nihilisme, ce nihilisme étant principalement le fait d’un « enjuivement ».

 

C’est dans les livres 36/37 des œuvres complètes – Gesamtausgabe – de Heidegger qu’on trouve la déclaration la plus caractéristique du nazisme heideggérien. Elle est encore et toujours occultée par les heideggériens. Je la reproduis ici une nouvelle fois :

« L’ennemi est celui-là, est tout un chacun qui fait planer une menace essentielle contre l’existence du peuple et de ses membres. L’ennemi n’est pas nécessairement l’ennemi extérieur, et l’ennemi extérieur n’est pas nécessairement le plus dangereux. (…) L’ennemi peut s’être enté sur la racine la plus intérieure de l’existence d’un peuple, et s’opposer à l’essence propre de celui-ci, agir contre lui. D’autant plus acéré, et dur, et difficile est alors le combat, car seule une partie infime de celui-ci consiste en frappe réciproque; il est souvent bien plus difficile et laborieux de repérer l’ennemi en tant que tel, de le conduire à se démasquer, de ne pas se faire d’illusions sur son compte, de se tenir prêt à l’attaque, de cultiver et d’accroître la disponibilité constante et d’initier l’attaque depuis le long terme, avec pour but l’extermination totale. »

in Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie, Emmanuel Faye, Albin Michel 2005, page 276. (GA 36/37, 90-91).

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L’entente heideggèrienne de « être » a pour corrélat l’extermination des Juifs et, bien que plus imparfaitement mise en oeuvre, celle des Tziganes.

Ces deux livres sont réunis en seul volume.

Et celui-ci a un titre :

Sein und Warheit ! Etre et vérité !

 ___

La dernière phrase du paragraphe 4 d’Etre et temps aurait pu avertir des esprits vigilants : « … La question de l’être n’est alors rien d’autre que la radicalisation d’une tendance d’être appartenant par essence au Dasein lui-même, l’entente pré-ontologique de l’être ». (Etre et temps, Gallimard 1986, page 39).

Il aurait fallu percevoir nettement le caractère feint de l’universalisme  de Heidegger. L’allemand est le Dasein par excellence; le juif celui qui n’a ni sol ni monde. Sans da (là), le Dasein n’a pas de sein (être). Il est sans monde.