Heidegger et la souveraineté

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Heidegger a eu étrangement raison de déclarer qu’il n’existait pas, à son avis, quelque chose comme une « philosophie heideggérienne ». Il a affirmé que si une telle chose existait cela ne l’intéresserait pas.

Ce n’est ni une coquetterie ni de l’orgueil.

La « philosophie heideggérienne » est toute entière placée sous l’autorité de la question de l’être dont je soutiens ici qu’elle est une transposition de la question de la souveraineté.

La seule chose qui intéresse vraiment le nazi Heidegger c’est la question du Volk comprise dans la perspective de l’exercice d’une souveraineté absolue : « droit » d’extermination et « droit » de mise en esclavage.

L’idée heideggérienne selon laquelle toute connaissance de l’étant est possible en vertu d’une ouverture, d’une « éclaircie », tout en ayant pour contrepartie un retrait de l’être, un « oubli de l’être », aurait ainsi la signification suivante, conforme à l’analyse splenglérienne de la technique : toute connaissance nouvelle favorisant l’esprit de revanche des anciens peules colonisés il est inéluctable que ceux-ci parviennent à terme à soumettre le monde blanc et, peut-être, à le réduire à son tour en esclavage.

Le « retrait de l’être » désigne ce processus de renversement de la relation originelle maître-esclave.

Le projet heideggérien aura donc consisté, en évitant de mêler directement sa voix aux concerts des nazis d’opinions, à oeuvrer à une redéfinition nazie d’une Université destinée à assurer l’irrigation spirituelle et formatrice d’une élite allemande elle-même placée  à la tête d’une élite européenne.

Ce qu’Heidegger vise dans la philosophie, ce n’est pas seulement tel ou tel errement métaphysique, mais aussi et surtout le fait que les « philosophes » ont par trop tendance à se penser comme citoyens du monde.

Pour Heidegger c’est la guerre qui sera décisive, mais une guerre, si on peut dire, « biopolitique » et d’extermination.

C’est très exactement ce qu’il a réaffirmé en ajoutant dans les  années 50, dans l’ Introduction à la métaphysique de 1935, cette remarque (entre parenthèses) que beaucoup ont fait semblant de ne pas comprendre :

 « … ce qui est mis sur le marché aujourd’hui comme philosophie du national-socialisme, et qui n’a rien à voir avec la vérité interne et la grandeur de ce mouvement (c’est-à-dire avec la rencontre, la correspondance, entre la technique déterminée planétairement et l’homme moderne) fait sa pêche en eau trouble dans ces « valeurs » et ces « totalités ». ( Intro… , page 213, PUF 1958.)

 

Ce que Heidegger a ajouté est ici terrifiant : il érige Auschwitz en modèle.

Quand le nazisme devient « philosophie » il n’est plus rien.

Il doit être « esprit », « pensée », et nous devons admettre, écoeurés, que cela désigne ce qui justifie une telle chose que la biopolitique d’extermination.

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