Mercredi 7 avril 2010
Maison Heinrich Heine
Fondation de l’Allemagne
Cité Internationale Universitaire de Paris
http://www.maison‐heinrich‐heine.org
27 C, bd Jourdan
75014 Paris
20h‐22H30
Soiree‐débat
Entrée libre
Heidegger aujourd’hui
La référence à Heidegger reste omniprésente bien au‐delà de la philosophie, dans des
domaines qui vont des études littéraires à la psychanalyse et à l’architecture : cela tient
aux multiples courants heideggériens de la pensée contemporaine, notamment la
Déconstruction, courant majeur des études culturelles à l’échelon international.
Toutefois, avec la publication de nouveaux textes d’une oeuvre encore inédite pour un
tiers, avec la découverte d’autres sources et les progrès de l’istoire des idées, l’oeuvre
de Heidegger reçoit depuis quelques années des éclairages souvent accablants. Ils
permettent de cerner l’étendue d’un engagement politique que l’on avait cru temporaire
et que l’on avait rapporté à la biographie académique plutôt qu’à l’oeuvre.
Dans cette situation nouvelle, les techniques et les stratégies d’écriture, les directions
successives prises par le projet global de l’oeuvre trouvent une autre intelligibilité et
appellent une relecture qui dépasse les réceptions partielles voire partiales qui ont
longtemps dominé sans partage. Sans demeurer dans la sphère interne de la
philosophie, le débat interdisciplinaire abordera l’istoire culturelle d’n point de vue
présentiste.
*
Participants à la table ronde
Emmanuel Faye, professeur de philosophie à l’Université de Rouen, auteur d’études
sur la philosophie de la Renaissance et du XVIIe siècle, a publié en 2005 Heidegger,
l’introduction du nazisme dans la philosophie (Albin Michel), ouvrage remarqué dont les
traductions connaissent un succès international.
Julio Quesada est professeur de métaphysique à l’Universitad Autonoma de Madrid et
à l’Universitad Veracruzana de Xalapa (Mexique). Auteur de nombreuses études en
langue espagnole sur Heidegger et Nietzsche, il a publié en 2008 un ouvrage important
intitulé Heidegger, de camino al Holocausto (Madrid, Biblioteca Nueva).
Édouard Husson est professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de Picardie et
chargé de mission au cabinet de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la
Recherche. Il dirige des recherches sur l’histoire contemporaine de l’Allemagne et de
l’Europe. Il a publié en 2008 chez Perrin Heydrich et la solution finale.
Hassan Givsan est un philosophe de langue allemande, professeur à la Technische
Universität de Darmstadt. Il a publié un ouvrage de fond sur Martin Heidegger :
Heidegger. Das Denken der Inhumanität (Königshausen & Neumann, 1998). Un autre
ouvrage sur la réception de Heidegger est en cours de traduction en français aux Presses
Universitaires de Paris‐Ouest.
François Rastier, Directeur de recherche au CNRS, linguiste spécialisé en analyse de
corpus, conduit des travaux sur la sémantique des textes théoriques. Après un ouvrage
sur Primo Levi (Ulysse à Auschwitz, Cerf, 2005) et diverses études sur la littérature de
l’extermination, il a publié récemment « Heidegger aujourd’hui — ou le Mouvement
réaffirmé » (Labyrinthe, 33, 2009).
Débat international organisé avec le soutien de l’ERIAC
et de l’Institut Ferdinand de Saussure.
S’il y a un penseur moderne de l’Occident pilote du monde selon la pertinente remarque de Heidegger, qui m’ a beaucoup marqué c’est bien l’auteur de Cheminement vers la parole, à savoir Heidegger. Cela n’implique, bien entendu, aucune pétition de principe. Pour comprendre la pensée heideggérienne qui est pleine de signification actuelle il faut faire montre de lecture archéologique au sens foucaultien du terme.
Yacouba Halidou enseignant-chercheur de philosophie Université de Niamey Niger
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Il est intéressant de montrer que le philosophe qui définissait l’être humain comme Dasein ou être-pour-la-mort ait pris comme fin (telos) de la vie, la mort, et non pas la vie, d’une part, et, d’autre part, de remarquer que son premier traducteur systématique, Henry Corbin, à partir d’une réflexion sur les finalités politico-métaphysiques du travail de philosophie de Sein und Zeit (1927), se soit orienté vers un Orient réfléchi où la vie et l’imagination de l’esprit ne soient pas des formes de finitude occidentale marquée par le souci ou la perte de sens, mais, bien plutôt par un cheminement spirituel vers une renaissance à soi, ou vers un mundus imaginalis, à la façon dont Platon pensait la philosophie dans un espace sotériologique où la vérité ne serait pas une expression tragique de la volonté de puissance. Foucault a, bien sûr, lu Heidegger, comme toute une génération : mais ce fut pour en éviter les pièges (le nazisme de Heidegger, après la publication des cahiers noirs n’est plus discutable), et, surtout, pour fuir Marx (celui d’Althusser, à tout le moins) et pour rendre au mot vérité son sens éthique et d’opposition à la clôture de l’oubli de l’être. Le recours à l’histoire est une façon de penser son sens ailleurs que dans la politique de la haine de l’Autre qui fit de Heidegger un mauvais lecteur de Nietzsche, le tirant vers une apophantique de l’être là où Nietzsche recherchait une généalogie de la vérité et non pas son originaire (l’origine n’est pas l’originaire, comme la cause n’est pas la source et la raison, le fondement). Il faut en tirer une épistémologie de la réception des oeuvres philosophiques dans l’Université française : elle est en grande partie déterminée par les doxa savantes des acteurs institutionnels n’échappant pas à la logique des volontés de savoir et des effets de champs et de « vérité » dans l’ordre du discours. On pourrait appliquer ce schéma à la façon dont Foucault est lu actuellement : exactement tout comme il ne lisait pas Descartes ou Hegel…L’ordre du discours est plus déterminant que l’ordre des convictions (ceci noté en réponse à un article de Jacques Bouveresse paru dans le Monde Diplomatique sur Nietzsche contre Foucault).
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Il est intéressant de montrer que le philosophe qui définissait l’être humain comme Dasein ou être-pour-la-mort ait pris comme fin (telos) de la vie, la mort, et non pas la vie, d’une part, et, d’autre part, de remarquer que son premier traducteur systématique, Henry Corbin, à partir d’une réflexion sur les finalités politico-métaphysiques du travail de philosophie de Sein und Zeit (1927), se soit orienté vers un Orient réfléchi où la vie et l’imagination de l’esprit ne soient pas des formes de finitude occidentale marquée par le souci ou la perte de sens, mais, bien plutôt par un cheminement spirituel vers une renaissance à soi, ou vers un mundus imaginalis, à la façon dont Platon pensait la philosophie dans un espace sotériologique où la vérité ne serait pas une expression tragique de la volonté de puissance. Foucault a, bien sûr, lu Heidegger, comme toute une génération : mais ce fut pour en éviter les pièges (le nazisme de Heidegger, après la publication des cahiers noirs n’est plus discutable), et, surtout, pour fuir Marx (celui d’Althusser, à tout le moins) et pour rendre au mot vérité son sens éthique et d’opposition à la clôture de l’oubli de l’être. Le recours à l’histoire est une façon de penser son sens ailleurs que dans la politique de la haine de l’Autre qui fit de Heidegger un mauvais lecteur de Nietzsche, le tirant vers une apophantique de l’être là où Nietzsche recherchait une généalogie de la vérité et non pas son originaire (l’origine n’est pas l’originaire, comme la cause n’est pas la source et la raison, le fondement). Il faut en tirer une épistémologie de la réception des oeuvres philosophiques dans l’Université française : elle est en grande partie déterminée par les doxaï savantes des acteurs institutionnels n’échappant pas à la logique des volontés de savoir et des effets de champs et de « vérité » dans l’ordre du discours(1). On pourrait appliquer ce schéma à la façon dont Foucault est lu actuellement : exactement tout comme il ne lisait pas Descartes ou Hegel…L’ordre du discours est plus déterminant que l’ordre des convictions (ceci noté en réponse à un article de Jacques Bouveresse paru dans le Monde Diplomatique sur Nietzsche contre Foucault).
Salim Mokaddem
Philosophe
(1) Lire Salim Mokaddem, Foucault. Une vie philosophique, nouvelle édition, Thééthète, Nîmes, 2014.
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