.
.
Il faudra un jour consacré une étude à l’humour chez Heidegger. Il n’est pas, malgré les apparences, absent. Mais cet humour nous met sur la piste de ce qu’il y a de plus terrifiant chez Heidegger. C’est donc un sujet délicat.
Lorsqu’en 1945, aux nouvelles autorités universitaires, Heidegger explique qu’il s’est trés tôt livré à de la « résistance spirituelle » il a joué sur deux tableaux :
– sur un premier, celui du « nazi ordinaire », Heidegger tout simplement ment. Il dit ce que certains français attendent à une époque où « résistance » devient aussi à la mode. Quelle noblesse, qui plus est, que cette résistance spirituelle. Chacun sait maintenant qu’étant au coeur du système universitaire hitlérien, et malgré l’amitié indéfectible du théoricien raciste Eugène Fischer, Heidegger risquait gros! Quel homme! Quel courage!
– sur un second, celui du nazi ordinaire doté de capacités intellectuelles extraordinaires, Heidegger dit la vérité : il a résisté spirituellement à ce qui, dans le mouvement nazi, risquait de compromettre sa radicalité et sa dynamique. C’est pourquoi, dans l’ Introduction à la métaphysique (1935) il « résiste » contre la « philosophie national-socialiste » et préconise, avec des formules empruntées au vocabulaire de l’ontologie, rien moins que l’extermination de masse. Il faut en finir avec la désastreuse gestion du peuple comme race! Il faut un « commencement originaire ». Il faut ménager « l’ouverture déterminée à l’estance de l’être ».
Voilà qui est tout de même mieux que la minable gestion raciste du peuple. « L’estance de l’être » ça a tout de même plus de gueule au sein de la nouvelle Université!
Il est trés drôle, au fond, ce Martin Heidegger.
.
.
.