65 ans Auschwitz : honte à Heidegger

J’avoue d’abord au lecteur que je suis atteint d’une étrange maladie, celle de ne pouvoir lire autrement Heidegger qu’en introducteur du nazisme dans la philosophie. Il faut encore répéter qu’une telle introduction ne pouvait se faire qu’à la condition que fût conçu un appareil rhétorique suffisamment puissant pour qu’il puisse être exactement soutenu le contraire. Heidegger nazi… vous n’y pensez pas!

Il y a donc 65 ans qu’Auschwitz a été fermé. Pouvait-on, en effet, « libérer » – comme l’écrit négligemment Le monde –  le plus d’un million de morts que la machine de mort a engloutis au coeur de l’occident chrétien?

Je vais ici énoncer, en quelques points, comment se pose à mes yeux la question que ne cesse pas de nous poser Auschwitz.

1. La connaissance du processus qui a rendu possible Auschwitz est encore très incomplète.

2. Pour l’essentiel Auschwitz est un crime de l’université. La mise au pas hitlérienne de l’université n’a pas seulement été effectuée par des forces extérieures. De nombreux éléments internes à l’université ont largement facilité le processus. Heidegger a pris la tête, pendant son rectorat, de ce processus de « mise au pas ».

3. Heidegger n’a jamais cessé, jusqu’à sa mort, de se penser comme le « recteur transcendantal » de l’université du III° Reich.

4. Théologiens, théoriciens et « anthropologues » de la race, archéologues, architectes, ingénieurs, enseignants, chimistes, ingénieurs des transports, bureaucrates haut de gammes etc. ont apporté un concours sans lequel le génocide n’aurait pu avoir lieu. Lorsque Marcel Conche met ce crime exclusivement sur le compte d’Hitler, le grand moraliste nous prend pour des imbéciles.

5. Heidegger, dans l’ Introduction à la métaphysique (1935), construit le « concept » philosophique de la « solution finale ». Pour  lui la « philosophie du national-socialisme » est en effet ridicule. Mais c’est d’abord parce qu’en 1935 elle patauge encore dans un anti-sémitisme de « sous-développés » de la « pensée ». Des formules comme « commencement originaire » ou « ouverture déterminée à l’estance de l’être » nomment ce qui, chez le Heidegger de 1935, constitue déjà le projet de la solution finale.

Ca a de la gueule non? C’est ça la « vérité interne » et la « grandeur » du mouvement. C’est le concept même d’Auschwitz. On a pu parfois dire qu’Heidegger n’était pas antisémite. Froment-Meurice dit d’Heidegger qu’il était un nazi radical mais pas un antisémite. En effet il ne s’agissait pas de passer son temps à maudire les juifs : il s’agissait seulement, en nazi radical, de les détruire.

Entrez donc, vous savez, je ne suis pas antisémite :

 

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6. Jusqu’au bout Heidegger a estimé que l’Ouvert avait été de cette manière quelque peu ménagé.

7. Heidegger a fait de la croix gammée, du svatiska, le chiffre symbolique de nombreux aspects de sa « pensée ». Par exemple le Quadriparti Ciel/Terre/Dieux/Mortels.

Car ce n’est pas n’importe qui, les mortels. Et surtout pas ceux qui sont « non morts » dans les chambres à gaz. Heidegger n’a jamais en cela « critiqué » ou refusé le principe des camps. Il a au contraire admis que telle était la « vérité de l’être » : ceux qui sont décédés dans les camps étaient de toutes façons des « non-morts ». Ils ont été raflés, conditionnés et transformés en cadavres à cette fin ou, plutôt, pour cette « raison ».

La hiérarchie nazo-heideggérienne est ainsi : 

Elle produit-sélectionne d’un côté des mortels, des vrais mortels. Ce sont notamment les SA, les SS et apparentés. De l’autre elle « conditionne » les non-morts; elle détermine ceux qui, par et dans les camps, seront ainsi voués à la « non-mort ».

Prendre appui sur Heidegger au premier degré pour analyser et critiquer le nazisme est une plaisanterie macabre.

Heidegger dit la vérité du nazisme parce qu’il l’a pensé et voulu comme « utopie concrète ». 

8. Heidegger ne s’est pas rallié à Hitler par opportunisme, égarement passager ni même épisodiquement. Ce ralliement était en parfait accord, et n’a jamais cessé de l’être, avec la vérité heideggérienne de l’ analytique du Dasein à savoir que Dasein signifie en réalité quelque chose d’équivalent à la notion plus idéologique d' »homme supérieur ». « Dasein » est l’alibi philosophique d’ Ubermensch.

 

9. Philippe Sollers a déclaré sur France-Culture qu’il n’était pas heideggérien.

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