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La bonne nouvelle est la suivante :
Le musée national Schiller rouvre ses portes à Marbach
10.11.2009
Marbach-am-Neckar peut célébrer dignement le 250e anniversaire de la naissance de Friedrich Schiller (1759-1805). Après deux années de travaux, la ville natale du grand poète et dramaturge allemand a vu rouvrir aujourd’hui le musée Schiller, l’un des musées de la littérature les plus importants d’Allemagne. Le président allemand Horst Köhler a inauguré en personne son bâtiment historique rénové, un petit château d’architecture Jugenstil construit en 1903.
Panorama de la littérature allemande
Le musée national Schiller peut désormais s’enorgueillir d’une nouvelle collection permanente, qui compte près de 700 pièces. Celles-ci sont principalement consacrées à la vie et à l’œuvre de Schiller. Mais elles mettent aussi à l’honneur les autres écrivains de l’école souabe, tels que Wieland, Hölderlin ou Mörike. Elles offrent, en outre, un panorama général de la littérature allemande aux XVIIIe et XIXe siècles qui fait apparaître de nouvelles relations entre les œuvres et leurs contextes.
Le musée national Schiller appartient aux Archives littéraires de Marbach, l’une des institutions les plus importantes au monde dans le domaine de la littérature. Ces archives réunissent l’ensemble des œuvres littéraires de langue allemande depuis les Lumières.
Dirigée par l’architecte David Chipperfield, la rénovation du musée Schiller a notamment permis de climatiser ces locaux historiques et d’en améliorer l’accessibilité. Elle a coûté quelque 6,5 millions d’euros, et a été financée par l’État fédéral et le Land de Bade-Wurtemberg.
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Voici le temple du Musée de la littérature moderne de Marbach – Litteraturmuseum der Moderne :
Certes le projet de David Chipperfield ne manque pas de noblesse… Un néo-classicisme épuré et abstrait.
La cella de ce temple permet d’entrer dans des salles d’exposition aménagées à un niveau inférieur et attenantes aux archives de Marbach.
L’édifice jouxte le musée Schiller :
Une exposition, semble-t-il permanente, permet d’admirer des manuscrits prestigieux : Thomas Mann, Franz Kafka, Alfred Döblin…
Le problème c’est que, et pour autant qu’il ne s’agit pas d’un musée d’histoire mais d’un musée de littérature, le visiteur peut être conduit à s’interroger sur le sens qu’a la présence d’un feuillet dactylographié daté de 1926 et signé Adolf Hitler :
Le nom Adolf Hitler figure en haut à gauche du feuillet. La lettre est adressée à Ernst Jünger.
Le nom :
Qui plus est le feuillet d’Adolf Hitler est voisin d’un feuillet signé Bert Brecht :
Ainsi Adolf Hitler et Bertold Brecht sont rendus voisins par la scénographie. A gauche : Hitler; à droite, Brecht :
Quel est le sens de cette présentation?
Pourquoi Hitler figure-t-il comme auteur littéraire au côté de Bertold Brecht?
Faut-il alors aller déambuler dans la grande salle du musée Schiller tout proche – et communiquant de manière souterraine avec le temple – pour méditer sur les motifs d’une mosaïque semble-t-il créée au début du XX° siècle?
Rappelons que les archives de Marbach recèlent des manuscrits de Heidegger auxquels n’ont pas accès les chercheurs.
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Voici, en guise de commentaire, un extrait du recueil « Hiroshima est partout », de Gunther Anders, tiré de « L’homme sur le pont », le journal de voyage d’Anders à Hiroshima et Nagasaki :
Ce « monument », (Anders parle ici du cénotaphe en mémoire aux victimes de la bombe, dessiné par l’architecte Japonais Kenzo Tange) l’arc de béton que l’on connaît par d’innombrables photographies, n’est pas une « tour », une Peace Tower, comme l’appellent les Américains ; c’est plutôt (si tant est qu’on peut appeler comme ça quelque chose venu de nulle part et n’allant nulle part) un pont. Mais peut importe comment on l’appelle ; moralement, il est déplacé et, en tant que mémorial, il est insuffisant. Un néant entouré d’une clôture impressionnerait bien d’avantage et commémorerait de manière plus durable. Non, c’est tout simplement une chose insensée. Certes, on voit bien qu’elle est destinée à signifier quelque chose ; mais c’est uniquement parce que l’absence de fonction éveille toujours l’impression du symbolique ; et parce que, se dit-on, quelque chose d’aussi manifestement inutilisable doit au moins être « profond ». Quant à ce que cela signifie, cela reste bien sûr un mystère. Mais c’est précisément pour cela que la chose a l’air américaine. Pour les raisons que voici :
On se souvient que, dans les années 1940, l’Amérique attachait la plus grande importance à propager de l’art abstrait (y compris dans des magazines officiels, et même publiés par le War Office) ; et mettait toute sa fierté à démontrer à travers ces œuvres d’art (c’est-à-dire par la copie d’une genre né vingt ans auparavant en Europe, qui avait eu là son droit incontestable en tant que mise en garde anticipant un monde qui volait en éclats) que culturellement, elle était up to date. Que cette prédilection officielle déjà dépassée pour la destruction de l’objet dans l’art (en même temps que la propagande pour la jouissance d’une telle destruction et le dédain pour ceux qui ne suivaient pas ce progrès artistique) soit apparu de manière historiquement synchrone avec la destruction effective du monde, ce n’était pas un hasard. Et tout aussi peut est-ce un hasard si la destruction du monde, pour laquelle Hiroshima servit de lieu de répétition générale, a trouvé son monument dans un non objective object.
Rapellons donc que l’architecte David Chipperfield est un architecte britannique né en 1952. On qualifie souvent son oeuvre par les termes de « classicisme minimal », faisant référence bien évidemment au Minimal Art américain dont il est en parti question dans le texte cité au-dessus.
L’intervention de Chipperfield à Marbach ne fait, a priori, pas sens dans l’idée de faire référence à cette école artisitique. L’exemple dont nous parle Anders, révèle une carence chez cette génération d’architectes modernes et post-modernes marqués au fer rouge par le « less is more ». Il y a dans cela une certaine incapacité à représenter (l’arche de Kenzo Tange est trop « minimale » pour créer du sens) et l’interprétation du visiteur est laissée un peu au hasard. « C’est abstrait, donc c’est forcément profond ». Mais peut-on penser que dans cet exemple précis, le musée Schiller, le minimalisme prend la figure de la libre interprétation et du sens profond ?
On oublierai vite que chez Chipperfield, le mot minimalisme est associé au mot classicisme et qu’en Allemagne, le classicisme fait sens, plus que tout. Pensons alors à Speer sous le 3e Reich.
Une architecture fasciste,ou nazi, serait formèlement interdite et anéanti dès la planche à dessin de nos jours. Cependant, une architecture fasciste, ou nazi, qui serait « minimalisée » c’est à dire, dont les symboles évident seraient effacés, passerait très bien entre les mailles du filet.
Là est le mystère : de quel nature est le sens que David Chipperfield à insuflé à son bâtiment ?
Encore une fois, nous nous trouvons dans l’incapacité d’y répondre, car l’art minimal est et restera toujours une planque bien gardée pour les architectes. Seuls, dans les profondeurs de leurs âmes, ils détiennent la clé de lecture de leurs oeuvres.
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