.
.
Heidegger est incompréhensible sans Auschwitz. Ce qui fait l’horrible originalité de la politique heideggérienne, dans le dispositif national-socialiste, c’est son engagement résolu dans la politique génocidaire.
Re-fondateur de l’Université – et il s’agit de l’Université hitlérienne – Heidegger a fait preuve d’un minimum d’intelligence 1°) en rompant avec la phraséologie antisémite courante; 2°) en traçant et en nommant ontologiquement le chemin qui conduit à Auschwitz.
C’étaient les conditions minimales à remplir pour être un « philosophe nazi ».
C’est ainsi qu’en 1935, dans l’ Introduction à la métaphysique, « ouverture déterminée à l’estance de l’être » nomme, par opposition à la gestion de l’organisation du peuple comme race, le principe même de la mise à mort de « l’ennemi intérieur ».
S’il a en horreur la « philosophie du national-socialisme » c’est qu’elle est encore trop « libérale », trop « vision du monde », trop « réactive ».
Cela « n’a rien à voir, écrit-il alors, avec la vérité et la grandeur de ce mouvement ».
Cette déclaration n’est absolument pas réductible à une faiblesse d’un « nazi ordinaire ». Par elle Heidegger dit que le nazisme, c’est lui! C’est « l’ouverture déterminée à l’estance de l’être ».
On sait comment l’administration nazie nommait les éléments du dispositif de l’extermination. Les victimes étaient, par exemple, appelées Stück, « morceaux ».
Et bien le génocide des juifs d’Europe s’appelle chez Heidegger : « l’ouverture déterminée à l’estance de l’être ».
Cela fait recteur! Cela fait université!
Et le génocide lui-même, surtout avec le système des chambres à gaz, est une réalisation « universitaire ».
De même, en 1945, dix ans après l’ Introduction, il prononcera un satisfecit à l’égard de l’oeuvre accomplie à Auschwitz. C’est ainsi que La lettre sur l’humanisme est un manifeste barbare : les accusés et les condamnés de Nüremberg sont les véritables hommes et ils ont été victimes de l’universalisme juif.
« L’essence de l’agir, écrit Heidegger, est l’accomplir ». Auschwitz est un tel accomplir.
Et alors que de nombreux connaisseurs de Heidegger n’en finissent pas de dire qu’il faut savoir lire il est de fait encore non recommandé, sinon interdit, de porter l’éclairage sur cet aspect terrifiant du nazisme heideggérien.
Imaginons dans quel état se retrouverait l’académisme heideggérien français s’il fallait reconnaître qu’Heidegger est bien cet intellectuel nazi qui, au coeur du dispositif hitléro-nazi, a ontologisé et l’antisémitisme et le génocide.
Heidegger aura même été à la pointe de cette promotion spirituelle de la chambre à gaz. Mais tout le monde sait que le gaz est précisément spirituel.
.
./
La destruction de l’homme et du sens est un des projets philosophiques possibles et répertoriables. Car en effet, l’estance (ou quiddité sans modes ni accidents) de l’être, comme la réalité d’un Dieu, ou même de « la chose même » (objet de bien des fictions cinématographiques, où l’on assiste -qui?- au spectacle du monde après la disparition de tous les humains) suppose la disparition (destruction technique) de tous les humains.
Merci pour votre contribution.
J’aimeJ’aime