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D’avoir su écrire « en philosophe » au cours des années 30 ce qui devait en être du nazisme cela place-t-il Heidegger hors d’atteinte de toute recherche relative à la généalogie du génocide? Cela constitue-t-il une raison pour pratiquer une forme supposée alors justifiée de négationnisme? « Lire en philosophe » Heidegger, comme le suggère Elisabeth de Fontenay, cela consiste-t-il à jouer le jeu de la transposition en « philosophiquement correct » de l’immonde national-socialiste?
Pour le phiblogZophe le fameux tournant de Heidegger – die Kehre – qu’on nous présente depuis des années comme un événement purement intraphilosophique, et d’une portée spirituelle à la hauteur de l’importance de l’oeuvre heideggérienne (comme passage, notamment, d’une phénoménologie à une herméneutique du Dasein (*)), n’est en réalité, mais c’est là toute son horreur, que l’intégration « ontologique » du programme hitlérien de l’extermination au coeur de l’université allemande.
Discourant dans l’ Introduction à la métaphysique sur le sens effectif de l’être – « qu’en est-il de l’être » – à travers le motif du (re)commencement de « notre être-Là spirituel » Heidegger conclut un paragraphe en précisant : « S’il y a une chose que la répétition telle que nous l’entendons, la re-quête, n’est pas, c’est bien la continuation améliorée de l’usuel avec les moyens usuels ». (Page 48 de l’ Introduction dans l’édition aux PUF de 1958).
J’ai cessé de croire au père Noël quand il explique que les moyens non usuels préconisés par Heidegger seraient en réalité ceux de la pensée pure.
La recherche de ces moyens non usuels conduira à la Shoah par balles puis à la mise en place du système de la déportation ayant pour « centre » la chambre à gaz.
L’ Introduction fait écho à ce passage de Heidegger que cite E. Faye :
“L’ennemi est celui-là, est tout un chacun qui fait planer une menace essentielle contre l’existence du peuple et de ses membres. L’ennemi n’est pas nécessairement l’ennemi extérieur, et l’ennemi extérieur n’est pas nécessairement le plus dangereux. (…) L’ennemi peut s’être enté sur la racine la plus intérieure de l’existence d’un peuple, et s’opposer à l’essence propre de celui-ci, agir contre lui. D’autant plus acéré, et dur, et difficile est alors le combat, car seule une partie infime de celui-ci consiste en frappe réciproque; il est souvent bien plus difficile et laborieux de repérer l’ennemi en tant que tel, de le conduire à se démasquer, de ne pas se faire d’illusions sur son compte, de se tenir prêt à l’attaque, de cultiver et d’accroître la disponibilité constante et d’initier l’attaque depuis le long terme, avec pour but l’extermination totale.”
Un jour viendra où de nombreux lecteurs « en philosophe » de Heidegger apparaîtront comme ayant été dupés avec une facilité déconcertante et impensable de la part, précisément, de « philosophes ».
Lorsque Heidegger termine l’ Introduction par cette réflexion : « Etre et temps » désigne, dans une méditation de ce genre, non pas un livre mais, ce qui est proposé comme une tâche » (p. 221) il ne fait en réalité que préciser le contenu génocidaire du « tournant ».
Or, en 1935, cela reste encore un projet assez vague.
Il « temporise » :
« Il faut entendre par là : Cela que nous ne savons pas ou que, si nous le savons authentiquement, c’est-à-dire comme tâche proposée, nous ne savons jamais que sur le mode du questionner » (fragend). » (P. 221).
Il faut bien que l’immonde, car tel est aussi le sens du tournant, soit « relevé » en son contraire. Il acquiert ici la dignité du questionner philosophique. De quoi permettre, effectivement, une « lecture en philosophe », en l’occurrence idiote et négationniste.
Même si ce questionner est à propos de l’être, donc du (re)commencement, donc des moyens non usuels…
On objectera : oui mais qu’en est-il de la problématique du temps? Justement elle est réglée par Heidegger par l’idée de ce (re)commencement de la provenance du Dasein en vertu duquel est « justifié » le génocide.
Il faut admettre que, pour Heidegger, le Dasein, et le Dasein allemand tel qu’il est appelé à se déployer dans le nazisme, est « la mesure de toutes choses ». Y compris du temps?
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Longtemps que je n’avais pas jeté un oeil sur votre site.
Je vois qu’avec persévérance vous poursuivez la démystification nécessaire.
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