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Elisabeth de Fontenay a récemment déclaré dans Libération : « On ne peut, ayant lu Heidegger en philosophe, tenir ses écrits pour une traduction de l’idéologie nazie dans l’ontologie fondamentale ».
C’est mal tombé pour le phiblogZophe qui soutient, au contraire, que « ontologie fondamentale » nomme précisément chez Heidegger le nazisme et le nazisme le plus meurtrier, « fondamentale » soulignant même la dimension génocidaire de l’ontologie telle que l’a conçue Heidegger.
Il faut d’abord noter, et c’est essentiel, qu’à nommer ainsi l’hitlérisme Heidegger permettait de dissimuler la nature criminelle du nazisme sous autant de couches « philosophiques » qu’on voudra.
Ontologie fondamentale nomme Auschwitz, son projet, sa réalisation, son « oeuvre ».
Mais l’expression permet tout aussi bien de développer des commentaires sur Parmènide ou Héraclite.
Ontologie fondamentale est ainsi à l’intersection de deux ensembles : celui des propositions qui relèvent d’une transposition du nazisme et celui des propositions philosophiques « spéculatives ».
Si lire Heidegger en philosophe c’est ne lire « ontologie fondamentale » que comme relevant du deuxième contexte cela revient à prêter mains fortes à l’entreprise heideggérienne d’introduction du nazisme dans la philosophie. C’est pratiquer, avec la bonne conscience de la recherche intellectuelle pure, une forme de négationnisme.
C’est laisser Heidegger, qui n’aimait pas de toutes façons la philosophie, souiller comme jamais le mot de philosophie.
C’est devenir idiot.
Une indication heideggérienne parmi d’autres. Dans Introduction à la métaphysique on peut lire ceci :
« Demander : qu’en est-il de l’être – cela ne signifie rien de moins que re-quérir le commencement de notre être-Là spirituel en tant que proventuel, pour le transformer en un autre commencement. Quelque chose de tel est possible ». (Page 48 de l’édition de 1958 des PUF).
Or je soutiens que le « quelque chose de tel est possible », qui a été prononcé au cours de l’été 1935 à Fribourg, ne nomme pas autre chose que le projet de destruction des Juifs d’Europe.
Au reste Heidegger s’explique avec beaucoup de clarté à ce sujet.
Page 50 de l’Introduction :
« Si nous demandons la question : « Qu’en est-il de l’être? Quel est le sens de l’être? » ce n’est pas pour bâtir une ontologie de style traditionnel, ni, encore moins, pour relever de façon critique les fautes qu’on pourrait trouver dans les tentatives antérieures. Il y va de tout autre chose. (Nous soulignons). Il s’agit de ceci : l’être-Là historial de l’homme, et cela veut toujours dire en même temps notre être-Là à venir le plus authentique, cet être-Là, il s’agit, dans la totalité de la pro-venance qui nous est destinée, de le replacer dans la puissance de l’être, lequel doit être rendu patent de façon originaire (nous soulignons); tout cela bien entendu seulement dans les limites à l’intérieur desquelles le pouvoir de la philosophie peut quelque chose. »
En 1935 et alors que, malgré sa démission, Heidegger fait preuve d’un hitlérisme enthousiaste, ces textes sont affligeants de clarté.
Heidegger appartenait depuis longtemps à la mouvance völkisch la plus radicale.
Emmanuel Levinas avait fini, en 1976, par reconnaître l’affinité de l’ontologie heideggérienne avec le Mal élémental :
« L’article /Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme/procède d’une conviction que la source de la barbarie sanglante du national-socialisme n’est pas dans une quelconque anomalie contingente du raisonnement humain, ni dans quelque malentendu idéologique accidentel. Il y a dans cet article la conviction que cette source tient à une possibilité essentielle du Mal élémental où bonne logique peut mener et contre laquelle la philosophie occidentale ne s’était pas assurée. Possibilité qui s’inscrit dans l’ontologie de l’Etre, soucieux d’Etre – de l’Etre « dem es in seinem Sein um dieses Sein selbst geht » (*), selon l’expression heideggérienne. »
Emmanuel Levinas, Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme, Rivages Poche 1997, page 25.
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(*) »L’être dans lequel il y va de son être même ».
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Le phiblogZophe aurait bien voulu s’instruire auprès de vous, chère madame. Mais si lire en philosophe c’est se rendre aveugle à ce que certains écrivains font de la philosophie alors il vaut mieux ne pas participer à cette catastrophe intellectuelle.
Lorsque Heidegger écrit : « …tout cela bien entendu seulement dans les limites à l’intérieur desquelles le pouvoir de la philosophie peut quelque chose » il se déclare en réalité volontaire pour faire un « génocide ontologique ».
Et c’est précisément en quoi l’ontologie heideggérienne est dite par lui fondamentale.
Heidegger est un « SS en philosophe« . Il traduit l’hitlérisme en philosophe.
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