Heidegger : un paradoxe « gore »?

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Il n’est pas toujours bien vu, à propos de Heidegger, d’être tout simplement un peu logique. Jusqu’à présent sa reconnaissance académique, en France, a eu pour contrepartie une minimisation voire une négation pure et simple de la signification nazie de nombreux de ses textes, y compris de ses textes tardifs.

Et quand certains reconnaissent, sur le bout des lèvres, le nazisme de Heidegger, c’est pour rester évasif sur ce que nazisme veut dire. Quant au nazisme heideggérien nous avons acquis la conviction, en scrutant certains textes, y compris des textes en apparence purement poético-méditants, qu’Heidegger a toujours été un nazi déterminé, radical et particulièrement acharné. Il a été un pétitionnaire de première ligne en faveur de la solution finale. Il s’est plaint de la fermeture précoce d’Auschwitz. La technique ne l’intéressait que dans la mesure où elle aurait permis d’exterminer tous ceux qui remettaient en cause le mode de vie pastoral de l’Allemand de souche et parlant la deuxième langue de l’être après le grec. Quand il a fustigé l’indigence des dirigeants nazis c’est pour se plaindre qu’ils n’aient pas trouvé un équivalent d’Auschwitz pour exterminer les bolchéviques jusqu’à Moscou. Résultat : l’allemagne coupée en deux par l’armée rouge : une RDA communiste et une RFA américanisée. Voilà le résultat de l’indigence. Il ne fallait pas mener une guerre classique mais généraliser, avec des moyens adéquats – armes atomiques? – le principe d’Auschwitz. Tel est, ce me semble, le Heidegger secret, de moins en moins secret.

Dans la mesure, cependant, où l’on maintient une coupure totale entre l’oeuvre philosophique géniale et l’idéologie abjecte et folle, on se prend les pieds dans une sorte de paradoxe gore invraisemblable.

Heidegger, pour le moins, n’a pas quitté l’allemagne. Il est soigneusement resté au coeur du système. Ce qui l’a protégé ce n’est pas on ne sait quelle ruse de « résistant » laquelle supposerait que la totalité des cadres du Reich étaient de véritables débiles. Ne perdons pas de vue que, pour Heidegger, Auschwitz représente précisément la part géniale du dit Reich.

Ce qui mettra encore quelques années, voire quelques dizaines d’années, avant d’être pleinement reconnu.

Le paradoxe est alors que, si nous tenons à nous féliciter d’être des lecteurs d’une oeuvre de bout en bout géniale, c’est uniquement dans la mesure où la folie meurtrière du nazi Heidegger l’aura protégé de la barbarie policière du Reich. Bref, l’oeuvre du philosophe Heidegger trône dans nos bibliothèques grâce à cette folie meurtrière.

Et si, jouant le jeu d’une logique quelque peu nauséabonde, nous accepterions l’idée que telle aurait été la ruse de Heidegger : se protéger par une surenchère de façade, nous ne pouvons alors qu’être écrasé et démenti par le fait qu’Heidegger n’a en rien tiré profit de la défaite militaire du Reich pour retrouver une parole franche.

Mais on vient de comprendre que cela n’était pas possible. Il n’a jamais cessé d’être en rage contre l’indigence de ceux qui ont finalement provoqué la transformation de l’Allemagne hitlérienne – la nouvelle Grèce! – en un monstre bicéphale : Bonn la libérale-américaine et Berlin-Est la communiste-stalinienne.

Ils n’ont pas compris, les dirigeants nazis,  qu’ils auraient du exterminer à une échelle bien plus grande que celle des shoahs par balles et par gaz.

Mais telle est, finalement, la vérité du nazisme « utopique » d’Heidegger : une technique d’extermination à grande échelle au service de l’interprétation historiale de la différence ontologique. Telle aurait été l’utopie de l’habitant de Todnauberg.

Extension : il faut oeuvrer inlassablement pour la paix mondiale et pour la dénécluarisation. Mais notons  qu’Hiroshima et Nagasaki ont en un sens parfaitement répondu au défi nazi. L’extermination peut devenir un « sport » mondial! Heidegger nazi est un moment majeur dans l’histoire de la terreur thanatocratique moderne.

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