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Gallimard vient de publier un cours de Heidegger de 1934 : La logique comme question en quête de la pleine essence du langage. Enfin!
L’économie éditoriale a ses lois. Après avoir publié des textes nazis de Heidegger sans introduction critique adéquate la grande maison semble amorcer un virage. « Le lecteur, dit la quatrième de couverture, trouvera ici matière à méditer sur les liens de la pensée de Heidegger avec son engagement. S’il est un texte qui permet de se former une juste idée de ses options politiques et de ses rapports avec le régime national-socialiste, c’est celui-là. »
Le phiblogZophe ne ratera pas le rendez-vous. La première impression – mais Gallimard prend soin de son lectorat heideggérien-heideggériste – est que nous avons à faire avec ce cours à un véritable traité « d’anthropologie nazie ». Je précise aussitôt que cette expression désigne clairement une doctrine du crime de masse d’état et, qu’à ce titre, l’ouvrage « reprisé » par Heidegger ne nous semble appartenir à la littérature philosophique que de manière particulièrement problématique! Nous pouvons comprendre pourquoi E. Faye avait demandé qu’on change de rayon les livres de Heidegger!
D’une certaine manière la quatrième de couverture opère un trés léger déplacement vers le rayon de la littérature nazie a fonction documentaire : à côté de Mein Kampf et du journal de Goebbles.
L’ouvrage est une démonstration de ce que j’ai appelé la stratégie d’acculturation philosophique du nazisme.
Le phiblogZophe publiera des études de certains passages. En attendant lisons par exemple ceci :
« La voix du sang provient de la disposition affective fondamentale de l’homme. Elle n’est pas suspendue au-dessus pour elle-même, mais elle a sa place à elle dans l’unité de la disposition affective. A cette unité appartient aussi la spiritualité de notre être-le-là, laquelle advient en tant que travail ». (Page 182).
1. Heidegger légitime la notion raciste et völkisch de « voix du sang ».
2. Pire : il fait migrer la notion, en pleine installation conquérante de l’hitlérisme, de l’idéologie et de la propagande pour l’intégrer dans une « anthropologie » fondée ontologiquement (et notamment à partir d’ Etre et temps.)
3. Par « disposition affective » Heidegger entend précisément ce qui « nous transporte dans le tout entier de l’étant, qu’à chaque fois c’est elle qui d’avance circonscrit l’horizon entier de l’étant, en faisant s’ouvrir cet horizon et en le maintenant ouvert ». (Page 180).
4. Au reste telle est l’utilité rhétorique de l’ être-le-là (le Dasein) : il permet de parler des Allemands comme s’il s’agissait d’extra-terrestres étrangers à toute espèce d’humanité universelle.
5. Pour le moins la « voix du sang » fait partie d’un « dispositif » heideggérien d’anthropologie nazie. (« Anthropologie » raciste d’exclusion et de domination). Elle se combine avec la spiritualité laquelle « advient en tant que travail ».
6. Quant au travail… « Le travail, selon ce qu’il y a en lui de spirituel, est le présent, pour autant qu’il met notre être dans l’obligation qui satisfait à l’exigence de l’oeuvre, c’est-à-dire lui impose de libérer l’étant lui-même. » (Page 182).
« Libérer l’étant lui-même » : le travail sera pour une part, et pour autant que nous sommes convaincus qu’Heidegger a appelé au moins dés 1935 à la solution finale, ce travail particulier qui sera effectué dans les centres d’extermination et les camps.
Heidegger : « C’est pourquoi avoir le coeur joyeux au travail est si important. Ce n’est pas là une disposition affective qui ne fait qu’accompagner notre travail, ce n’est pas un supplément au travail; mais la joie comme disposition affective fondamentale est le fondement d’un vrai travail, dont l’accomplissement seul rend l’homme apte à être-le-là ». (Page 183).
Les photographies sont extraites de l’album Karl Höcker.
Le deuxième à gauche s’appelle Mengele.
La voix du sang et l’ être-le-là.
Ou comment sélectionner l’ontique en faveur de l’ontologique.
Bref, la différence ontologique au travail.
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