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Heidegger a remis en cause, « déconstruit », toute une tradition ontologique, logique, grammaticale. Il est admiré et loué pour avoir noué des liens essentiels, et respectueux, avec la poésie. On peut affirmer qu’il a expérimenté ainsi une rupture avec toute une tradition philosophique. Il a parlé du mauvais danger, du danger confus qu’est la « production philosophique ».
On ne se contredirait pas, ni trahirait le maître en développant une non-philosophie d’inspiration heideggérienne. De belles pages de pensée méditante, par opposition à la pensée calculante – à laquelle n’échappe pas la philosophie traditionnelle – ont déjà été écrites dans un tel style heideggérien.
Je parlerais cependant d’un « contre-événement » Heidegger pour soutenir que, malheureusement, cette non-philosophie – qui a parfois chez Heidegger des accents d’anti-philosophie – a été « originairement » générée par son nazisme profond.
Si la thèse est que Heidegger, depuis l’ascension de Hitler jusqu’à sa mort, est resté « spirituellement » fidèle à son engagement en faveur du national-socialisme, c’est qu’il a été contraint d’apprendre à parler de la « chose » sans la nommer explicitement.
Pour autant que nous vivons encore dans un monde « normal » il serait inacceptable que le nazisme puisse être enseigné officiellement, génocide compris, et explicitement comme une philosophie politique parmi d’autres.
Je veux dire que le nazi Heidegger ne pouvait pas parler du nazisme comme Descartes, par exemple, a parlé des passions, ou Spinoza des affects. Imaginons un cours de Heidegger qui, sur le modèle de l’ Ethique de Spinoza, exposerait ainsi les principes fondamentaux, avec leurs lemmes et scolies, du nazisme hitlérien. Il serait devenu un idéologue « sur la touche ». Il ne serait pas aujourd’hui enseigné y compris dans nos lycées.
Le « contre-événement » Heidegger consiste alors précisément en ceci que, dans l’histoire de la philosophie, et alors qu’il est à même de s’y inscrire, il rompt avec la « tradition » de l’explicitation et de la clarification et met au point une nouvelle rhétorique du biais et de l’implicite.
En ce sens le philosophe Heidegger ne peut pas, ou plus philosopher, parce que, pour l’essentiel, il formule « l’esprit du nazisme » et ne peut le faire que de manière cryptée. Il faut prendre ces propositions dans toute leur horreur.
Heidegger, dés l’arrivée de Hitler au pouvoir, a demandé et appelé à l’extermination. Il a ainsi préparé la « shoah par balles » et Auschwitz. Il a fait partie du cercle de nazis radicaux qui a décidé, au coeur de l’Europe, du sort de millions d’êtres humains.
L’appel à l’extermination se trouve ainsi dans le discours du rectorat et a été cité par Heidegger lui-même dans Introduction à la métaphysique (1935).
Et voilà comment Heidegger ne « philosophe » pas sur la chose car cela s’appelle, dans son langage « onto-poétique » : « ouverture déterminée à l’estance de l’être« .
Et c’est précisément parce que la phrase ne nomme pas clairement et distinctement la « chose » que je dis que Heidegger ne pouvait pas « philosopher ».
Dés que l’on décrypte Heidegger des horreurs sans nom deviennent « visilibles ». On découvre par exemple qu’il rend souvent hommage à la SS.
Je réitére l’idée : la nécessité d’un cryptage de la biopolitique d’extermination est la force génétique qui rend compte des aspects « spirituels » du contre-événement Heidegger : méfiance du concept, association privilégiée avec la poésie, prise de distance « déconstructive » avec la philosophie etc.
Nous savons pourquoi : ce philosophe ne pouvait pas « philosopher » clairement sur l’innommable, l’abjection, l’industrie de la mort.
Et ceux qui exploitent le filon Heidegger font tout, et feront tout pour que l’horreur heideggérienne ne vienne pas au jour.
Et alors que la recherche pourrait être d’étudier comment a pu se constituer un « nazisme théorique ». Comme moment sans doute inaugural de la biopolitique d’extermination.
La « schizophénisation » académique de Heidegger est philosophiquement, éthiquement, épistémologiquement insoutenable.
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Je précise que mon intention n’est pas de m’en prendre à la « déconstruction ». Heidegger « détruit » et ne déconstruit pas. Il est souvent extrêmement violent dans ses propos.
Il a été trés tôt persuadé, au moins dés la période du rectorat, que l’extermination constituait le « tournant historial » décisif. Il n’a jamais renié cette folie. Il n’a pas cessé, à partir de 1945, de faire une publicité « philosophique » en faveur de l’oeuvre accomplie par Hitler.
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oui l’occultation du nazisme de heidegger est une stratégie ou d’un dénis et en en effet cela participe d’une forme de révisionisme.
Reste à voir une chose que je crains pour un futur peut-petre plus proche qu’on ne le crois, et si les heidegerriens en venait à assumer les options politique de heideggers ?
Reconnaître et dénoncer le danger ethique de l’hypostase d’heidegger comme GRAND philosophe du xx siècle au regard de l’inspiration politique nazie de son oeuvre me semble une tâche honorable. Cependant, par delà cette préocupation, il manque un espace de recherche sur un hypothétique fondement éthique d’une pensée fondamentalement non-étique.
Je m’interroge avec toute la prudence nécessaire et les réserves qui s’imposent. En quoi devrions nous trouver illégitime hors toute présupposition morale qu’une philosophie nazie puisse s’exprimer.
Qu’on m’entende bien, personnellement je m’efforce modestement de combattre toute idéologie ayant trait au racisme, à la négation de l’universel au profit du particulier et à toute valorisation d’un héritage nazi mais en quoi cela relève-t-il d’autre chose que d’un choix ?
Les thèses de faye père et fils, que je lis avec attention et admiration, prétendent qu' »Heidegger ne pense pas » et justifient cela du fait que les discours heideggerien ne peux s’assumer comme éthique vu ses présupositions anti-universelle notamment au niveau de l’humain.
La question qu eje me pose est, en quoi cette position se distingue-t-elle cependant d’une pétition de principe ?
En d’autres mots pourquoi un discours qui rejetterait l’universel et l’éthique ne constitue pas un pensée ou une philosophie ?
Au delà d’une définition restrictive de la philosophie sur laquelle on peut s’accorder, je ne peux que me déclarer insatisfait sur le manque de développement autour de cette question pourtant fondamentale dans le débats qui nous occuppe.
En effet, le monde « normal » dans lequel nous vivons me semble parfois fortement trouble si l’on prends la peine de jeter un oeil dans ses marges (centre de rétentions, prisons de haute sécurité…)
Pour parler clairement, mettre en évidence le nazisme de heidegger n’est pas suffisant, il faut en plus de dénoncer dans le discours heidegerrien ce qui nous semble innacceptable donner le pourquoi de notre refus bref fonder ce qui nous amène à penser autrement que lui.
au plaisir de vous lire
alec
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