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Fidèle à notre méthode nous ne jouons pas à « l’interloqué » qui se demanderait encore comment il peut se faire que le supposé Platon du XX° siècle ait quelque chose à voir avec un nazi, mais tâchons de faire apparaître, sous le texte philosophique noble le texte nazi ignoble transporté et codé par le premier.
Soit le passage suivant à propos de la liberté :
L’homme ne « possède » pas la liberté comme sa propriété mais c’est au plus haut point l’inverse : c’est la liberté qui a l’être humain en sa possession, et cela de manière si originale que c’est uniquement elle qui accorde à une humanité le plein rapport à l’étant en entier, lequel donne à toute histoire son fond et son trait caractéristique.
De belles dissertations en perspective dont le point de départ, par exemple, pourrait consister en une critique de la liberté du consommateur, de l’égotiste, de l’égoïste.
Hélas, dans le contexte du crypto-nazisme heideggérien, la perspective de Heidegger rabat d’entrée de jeu LA liberté du côté de l’être et de la différence ontologique. Ce qui est conforme à la doctrine heideggerienne. Mais alors qu’ Etre et temps semblait avoir ouvert une voie hors de la métaphysique, le « substantif » liberté nous ramène à une métaphysique de l’être, et à une des pires qui soient puisque, selon nos hypothèses de lecture, l’ « être » heideggérien, dont on fait si grand cas, est aussi le nom de code de la Rasse et de la domination raciale.
Heidegger tient à discréditer d’avance tout acte libre qui contredirait « la » liberté de ce que j’appellerai l’ être-race.
En termes de société une telle proposition heideggérienne suppose quelque chose comme une « police d’état » chargée de repérer tout suscpect – voir la page 44 de l’ Introduction à la métaphysique – en ce que celui-ci se rendrait coupable de préférer « sa » liberté à « la » liberté de l’ être-race.
Le texte heideggérien fait ici l’apologie de la fidélité au Volk – en tant que population racialisée – au sang, à la terre. Lesquels ne sont à leur tour que des imaginaires métaphysiques destinés à « l’élevage » de peuples, le Volk nazi ayant quant à lui vocation à être « élevé » en tant que peuple-tueur.
Ce peuple serait particulièrement formé à l’identification-repression de tout supect en tant que, vis-à-vis de lui-même comme vis-à-vis d’autrui (dans la communauté völkisch), il porterait atteinte à LA liberté de l’ être-race, par exemple, et comme l’a vécu le philosophe Karl Jaspers, en ayant une femme d’origine juive.
(Elfride Heidegger, nazifiée à coeur, a quant à elle toujours été au centre de l’univers privé de Heidegger alors que celui-ci avait des « aventures juives ».)
Quant on révèle la pente nazie, vertigineuse il est vrai, du texte heideggérien, on découvre finalement que les véritables héros de la liberté ne sont évidemment pas du côté de la résistance (au sens historique du terme) mais du côté des SS.
Les SS sont les véritables héros heideggériens, souvent célébrés en secret par Heidegger. Car en eux parle précisément comme jamais LA liberté de l’ être-race.
Dans ce contexte (à gerber!) la différence ontologique exprime essentiellement en quoi le Volk est investi par LA liberté de l’ être-race, cet investissement fondant sa souveraineté jusqu’à légitimer la mise en pratique d’un « droit d’extermination ».
Ce qui fut accompli notamment à Auschwitz. LA liberté de l’ être-race a parlé.
Il s’agit bien d’un asservissement total du verbe heideggérien au programme de la révolution conservatrice.
En donnant tout son sens à l’expression Heidegger effectue bien une « révolution conservatrice ». Il s’agit de « fonder » – ici par une métaphysique honteuse – une perception de l’événement qui conférerait la dignité de l’homme vraiment libre au SS et l’indignité à tous ceux qui auraient à souffrir de cette liberté et d’abord et surtout à ceux qui seraient en mesure de transformer leur détresse en énergie de résistance.
Pour comprendre Heidegger, fonctionnaire zélé d’un Etat nazi, il faut se demander comment on pourrait, dans la philosophie et par un verbe d’apparence philosophique, transformer le SS en héros et le résistant en sous-homme. Tout en étant adulé et commenté dans une société démocratique…
Voici, pour finir, quelques héros heideggériens de LA liberté :
Ce sont les cadres de la Bauleitung d’Auschwitz (il s’agit du bureau de la conduite des travaux de la construction d’Auschwitz : baraquements, fours crématoires, chambres à gaz…)
Himmler en inspecteur en chef de la « mise en oeuvre » de la LA liberté de l’ être-race.
Tous ces braves gars sont les véritables héros, célébrés avec émotion et naturellement beaucoup de « pudeur », par notre cher Martin.
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Mais, comme le veut l’académisme, son égarement n’aurait duré que quelques mois.
Pour nous il a surtout mis quelques mois pour comprendre qu’il était beaucoup plus utile, pour la cause de « l’Etre », d’élaborer une version du nazisme qu’on admirerait encore quelques décennies plus tard.
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