Un appel de Heidegger à l’extermination/A filinthe

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Un commentateur du blog, filinthe, a cru nous opposer que Heidegger, dans Introduction à la métaphysique (semestre d’été de 1935) avait pris le risque, preuvre extraordinaire de courage et de « résistance spirituelle au nazisme », de critiquer le pouvoir hitlérien en l’espèce d’un passage où Heidegger fustigerait le fait de diriger « l’organisation d’un peuple comme masse vivante et comme race ».

“L’esprit faussé en intellect est réduit au rôle d’instrument. Peu importe que ce soit (…) en dominant des moyens matériels de production (comme dans le marxisme) (…) ou en dirigeant l’organisation d’un peuple conçu comme masse vivante et comme race ; dans tous les cas l’esprit, en tant qu’intellect, devient la superstructure impuissante de quelque chose d’autre.” (Intro à la métaphysique Gallimard, Tel p.58, 1935).

Le texte est cité dans la réédition chez Tel (Gallimard), page 58, de la version établie et traduite en 1958 aux PUF sous la direction de Gilbert Kahn. C’est cette version que je possède et le texte cité se trouve à la page 56 au lieu de figurer à la page 58.

Je publierai dans quelques jours une analyse détaillée des pages correspondantes lesquelles consistent en une véritable dissertation politique sur « l’esprit », dissertation qui définit en réalité une politique heideggérienne de l’esprit, laquelle politique est non seulement parfaitement nazie sur le fond mais même, si l’on peut dire, sur-nazie.

Il ne s’agit rien moins que d’un appel « métaphysique » à l’extermination!

Je me bornerai dans cette courte note à justifier sommairement mon hypothèse de lecture. (Rendez-vous est donné pour une lecture approfondie des pages correspondantes.)

Le cours édité a été prononcé en 1935. Heidegger a démissionné du rectorat et/mais on est à 7 ans de la décision officielle de Wannsee dite de la « solution finale ».

Pour aller au fait, dans ces pages Heidegger met en scène une démonie où Amérique et Russie sont réunies, le marxisme étant considéré cependant comme l’ennemi principal.

Or, en vue de répondre aux conceptions délétères de l’esprit consubstantielles à la démonie et à l’assombrissement du monde,  Heidegger ne trouve pas mieux que d’opposer la conception de l’esprit qu’il avait déjà exposée dans son discours du rectorat. Il se cite :

« L’esprit n’est ni une sagacité qui s’exerce à vide, ni le jeu irresponsable du bel esprit, il ne consiste pas à opérer, à n’en plus finir, des dissections intellectuelles, c’est encore moins la raison universelle; l’esprit, c’est, disposée originairement et consciente, l’ouverture déterminée (Entschlossenheit) à l’estance de l’être. » (Page 59 éd. PUF 1958).

Selon l’herméneutique qui est la nôtre, entreprise méthodologiquement du point de vue d’un décryptage du nazisme heideggerien, l’expression « l’ouverture déterminée à l’estance de l’être » ne signifie pas autre chose qu’un appel à l’extermination.

Dans ce cours de 1935, intitulé Introduction à la métaphysique, Heidegger se fait en réalité le porte-parole des « promesses électorales » de Hitler.

Il ne s’agit plus de diriger  » l’organisation d’un peuple conçu comme masse vivante et comme race », mais bien d’oeuvrer à l’accomplissement de l’être, cet accomplissement passant  notamment par l’extermination du peuple fantasmé comme peuple élu concurrent et d’autant moins « recommandable » qu’il est un adepte, par définition, de la loi mosaïque (tu ne tueras pas).

La citation de Heidegger par Heidegger (grand philosophe etc.) est effectivement suivie par des phrases qui anticipent, selon notre herméneutique, la décision de Wannsee :

L’esprit est le plein pouvoir donné aux puissances de l’étant comme tel en totalité. Là où l’esprit règne, l’étant comme tel devient toujours et en toute occasion plus étant. C’est pourquoi le questionner vers l’étant comme tel en totalité, le questionner de la question de l’être, est une des questions fondamentales essentielles pour un réveil de l’esprit, et par là pour le monde originaire d’un être-Là historial, et par là pour maîtriser le danger d’obscurcissement du monde, et par là pour une prise en charge de la mission historiale de notre peuple en tant qu’il est le milieu de l’Occident.

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C’est, dans la novlangue philonazie de Heidegger, ni plus ni moins qu’un appel à l’accomplissement de l’être tel que le svastika (la croix gammée) l’avait toujours déjà annoncée.

Il ne s’agit plus de se « gérer » même comme race, mais bien de s’accomplir comme être, comme peuple métaphysique ayant à sa charge le désobscurcissement du monde.

C’est ni plus ni moins que le « plan » d’Auschwitz.

Auschwitz est le chef d’oeuvre heideggérien de l’hitlérisme.

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*—> Pour ma part, pas une seule seconde, je m’imagine Heidegger en donneur d’ordre ou en organisateur. Je maintiens l’idée que Auschwitz est le chef-d’oeuvre heideggérien de l’hitlérisme. Mais il faut entendre l’expression sur le mode de l’ Introduction à la métaphysique.

Il faudrait plutôt dire : Auschwitz est le chef-d’oeuvre spirituel heideggérien de l’hitlérisme.

Heidegger est l’ingénieur des âmes nazies.

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6 commentaires

  1. Réponses à ce commentaire :

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    Je constate que vous avez abandonné votre interprétation précédente selon laquelle ce texte était une « critique interne au parti » et qu’il reflétait les luttes internes des nazis – ce qui aboutissait à l’idée aberrante d’une liberté d’expression chez les nazis qui aurait permis à heidegger de dire à hitler que le racisme était une bêtise (c’est le sens du texte) sans être déporté dans l’heure.

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    Je n’ai rien abandonné du tout. Précisément Heidegger fait une critique interne en disant : ce n’est pas assez d’organiser la Rasse, il faut aussi exterminer! C’est ça une « critique interne ». Elle demeure en son fond parfaitement nazie. Elle est même dans ce cas sur-nazie!

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    Mais vos nouveaux efforts pour transformer le sens tout à fait critique du texte en question ne sont pas plus convainquants. Heidegger dit bien : « en dirigeant l’organisation d’un peuple conçu comme masse vivante et comme race », l’esprit est insulté.

    Votre argument est le suivant :
    « Selon l’herméneutique qui est la nôtre, entreprise méthodologiquement du point de vue d’un décryptage du nazisme heideggerien, l’expression “l’ouverture déterminée à l’estance de l’être” ne signifie pas autre chose qu’un appel à l’extermination. »
    désolé de ne pas voir la pertinence de cette herméneutique. votre hypothèse de départ est complètement imaginaire.

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    C’est moi qui suis désolé de m’apercevoir que vous êtes dans l’incapacité de comprendre comment un « grand philosophe » peut appeler au meurtre de masse sans avoir l’air d’y toucher!

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    Une fois de plus cependant je suis choqué par le détournement que vous faites de l’histoire et de ses souffrances à votre profit. Dans le précédent article c’était le mot « négationnisme » qui était changé de sens. Pourquoi? Pour pouvoir jeter l’opprobre sur n’importe qui, ce qui est très gentil de votre part pour les vrais négationnistes qui grace à vous se sentent moins isolés et finalement pas si originaux que ça. Merci pour eux.

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    Moi, ce qui me choque, c’est Heidegger lui-même et ses appels à l’extermination.

    Quant à « négationnisme » il concerne la négation du nazisme de Heidegger et, indirectement, la négation d’une composante essentielle d’une machinerie de mort qu’il est trop facile de mettre sur le compte de lampistes même à galons. Pour moi Auschwitz est un crime d’Université.

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    Maintenant c’est Auschwitz qui est cité en « preuve ». L’extermination vous sert à donner du « pathos » à une argumentation qui sans cela n’est pas convainquante du tout. Une fois de plus c’est choquant pour les victimes du nazisme dont la souffrance n’a pas à être récupérée pour des querelles de chapelle.

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    Auschwitz n’est qu’une preuve que pour autant que Heidegger est un doctrinaire nazi sous forme de philosophe et ayant justifié et souhaité l’extermination. J’estime même qu’il s’est félicité d’Auschwitz après la guerre. Tout en regrettant sa fermeture précoce! Cela n’a rien à voir avec une querelle de chapelle. Qui est le truc habituel pour « nier » le nazisme de Heidegger.

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  2. Réponse à ce commentaire :

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    Dire qu’on peut être nazi sans être raciste (comme vous le supposez ici) c’est vraiment avoir décidé que les mots n’avaient plus aucun sens.
    Quel est le sens du mot « nazi »? Voilà une bonne question. En avez vous changé le sens comme pour négationnisme?
    Nazi signifie normalement : raciste, biologiste, antisémite, totalitaire – et tout ça va ensemble. Mais peut-être avez vous étendu le sens de « nazi » à tous les gens que vous n’aimez pas ou qui ne sont pas d’accord avec vous, comme vous le faites déjà avec « négationnisme »?

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    Il faudrait que vous admettiez que Heidegger est un nazi virtuose et de langage. Sur le fond Heidegger est raciste et antisémite au sens où vous l’entendez.

    Mais comme son projet est de fournir une façade de civilisation au nazisme et d’introduire celui-ci dans la philosophie il lui est impossible de développer une rhétorique « standard ». C’est son job, si je puis dire, dans le système que d’en produire la façade philosophiquement respectable.

    Ainsi le syntagme de « peuple métaphysique » convient beaucoup mieux. Il est censé par ailleurs fournir des justifications-légitimations ultimes à l’extermination. Et cela lui permet surtout de coder l’hitlérisme en termes d’être et « d’estance de l’être ». Bonne façon de produire, conformément à l’idéologie du « peuple métaphysique », une version philosophiquement acceptable de ce que je considère comme étant des « attendus » de ce que sera la confèrence de Wannsee.

    La phrase : « L’esprit est le plein pouvoir donné aux puissances de l’étant comme tel en totalité », écrit Heidegger page 59 de l’Intro. (Ed. 1958).

    C’est la manière heideggérienne de dépasser la direction de « l’organisation d’un peuple conçu comme masse vivante et comme race » vers un accomplissement ontologique susceptible de désobscurcir « l’assombrissement du monde ».

    La race devient « peuple métaphysique » – ce qui est de toutes façons une dénomination raciste – et il ne s’agit plus de l’organiser mais de l’accomplir. Auschwitz sera cet accomplissement. Ce que Heidegger ne peut pas dire explicitement!

    Sk

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  3. ps : la seule personne au monde qui aurait pu sans se ridiculiser (sans être un bel esprit, un donneur de leçons) cracher sur Heidegger, cest Hannah Arendt, et elle ne l’a pas fait. Tous les autres qui lui reprochent son engagement (très court et accidentel) de 33 sont des moralistes qui s’imaginent qu’on peut prévoir l’avenir.

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    Commentaire de Skildy :

    Je trouve indigne que vous vous serviez d’une relation personnelle pour disqualifier les critiques de Heidegger. Votre argument est d’une bassesse qui transforme la littérature de gare en genre sublime. Vous êtes un kitschosophe et vous n’hésitez pas à instrumentaliser une relation personnelle. Franchement c’est ignoble.

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  4. Je viens de voir plus haut que vous continuiez en fait à parler de « critique interne au parti » et donc d’une liberté d’expression chez les nazis, ce qui aurait en plus permis à heidegger de dire à hitler qu’il était stupide et qu’il était un nazi modéré.
    En fait le parti nazi n’était pas totalitaire !

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    Commentaire de Skildy :

    Là on est en pleine indigence! Les nazis passaient leur temps à s’engueuler, y compris Heidegger. Mais ils étaient tous d’accord pour être le plus ignobles possible.

    Sk

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  5. Justement, cher Filinthe, Anna arendt était la seule à ne PAS POUVOIR cracher sur Martin car elle était emberlificotée dans sa passion et sa compromission passionnellle.
    Cracher sur Martin eût été cracher sur elle-même; et se disqualifier en tant que Penseur et Amante déçue…Elle aurait été simplement Ridicule.
    Votre sens de la psychologie ne me semble pas à la hauteur du discours de ce blog….
    Avec mes sincères regrets…

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