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Höss, commandant du camp d’Auschwitz, inventeur de la douche mortelle avec Zyklon B, a été jugé et condamné à mort à Nüremberg. Il ne s’est jamais senti coupable. Il fut exécuté le 16 avril 1947 devant le crématorium d’Auschwitz.
Je suis d’autant plus aussi contre cette condamnation à mort qu’elle a probablement contribué à ce que l’on se sente quitte de se demander s’il n’existait pas des coupables bien plus dangereux que l’horrible et indéfendable pauvre Höss, exécutant zélé de haut rang agissant par devoir et privé, par des années « d’éducation », de toute possibilité de se révolter contre une horreur bénie par des « autorités théologico-politiques ».
Supposons que, et pour consigner au sein même de la culture légitime le caractère d’expérience « réussie » du nazisme, un intellectuel particulièrement habile, un orfèvre en cryptologie, en dissimulation et en séduction soit parvenu à élaborer une traduction-translation du nazisme. En usant pour l’essentiel d’une langue à caractère philosophique propice aux obscurités cachotières, aux glissements de sens, aux métaphores. C’est-à-dire, pour donner du poids aux mots, qu’un tel intellectuel se serait fixé comme tâche de contribuer à « fonder » une « civilisation » sur l’extermination industrielle de masse de populations représentées comme nocives, inférieures, dangereuses.
Un tel intellectuel devrait avoir une aura protectrice suffisamment éblouissante pour que jamais il ne vint à l’esprit de personne qu’on dût le mettre aux côtés d’un Goering ou d’un Höss dans un box d’accusation. On voit aussitôt que la peine de mort, appliquée à des nazis d’exécution même de haut rang ne pouvait que favoriser, dans un espace démocratique piégé par la peine de mort, la protection de « nazis d’esprit ». On tue un Höss, pas un Heidegger.
Car, bien entendu, il s’agit de Heidegger dont les oeuvres d’après-guerre nous apparaissent de plus en plus destinées à glorifier l’oeuvre de Hitler et à transmettre le nazisme.
La magnificence de ce qui est simple, a écrit Heidegger.
Tel est le programme monstrueux du « penseur » le simple n’étant pas autre chose, en dernier lieu, que le droit/devoir d’exterminer. Summum de la souveraineté du « peuple de penseurs et de poètes ».
Quant à la magnificence de ce simple elle doit pouvoir être reçue par les couches les plus cultivées. D’où Heidegger dont la définition de la pensée, dont on pouvait attendre beaucoup, se réduit finalement, par le travail de magnification, à une tactique d’acclimatation de la culture philosophique favorable à la bio-politique d’extermination.
Revenons à l’exemple du Quadriparti (Ciel, Terre, Mortels, Dieux).
Il nous semble impossible de nier qu’il s’agit du svastika, de la croix gammée. Pour la raison fondamentale que Heidegger, n’étant pas précisément un imbécile :
1) aurait du, quelques années après la découverte des camps (par le grand public) nous éviter une telle ambiguïté;
2) qu’étant cependant vénéré comme un grand penseur il pouvait se permettre de faire l’éloge du simple qu’est le svastika en s’appuyant sur le fait que cette reconnaissance le rendait insoupçonnable d’une telle veulerie.
Höss et les autres ont subi le supplice de la corde pendant que Heidegger, adulé d’une partie de l’élite mondiale, concoctait un stratagème de pérennisation opérative de la croix gammée via le texte à caractère philosophique.
S’il on avait exempté les bourreaux en chef de la peine capitale peut-être aurions-nous été moins indulgents et plus vigilants s’agissant de Heidegger.
On peut commenter longuement le Quadriparti et rejeter comme infâmant et délirant le simple soupçon qu’il puisse être une « image-pensante » de la croix gammée. L’indignation ne prouve rien et n’est qu’une variante de l’argument d’autorité. Mais rien ne se prouve dans ce cas. Ni que le Quadriparti est un svastika, ni qu’il n’est pas un svastika. D’où la victoire de Heidegger qui n’aurait pas pu avoir lieu s’il avait explicitement et stupidement expliqué que le Quadriparti était bien un svastika!
Les résultats sont précisément « magnifiques ». Plus on commente le Quadriparti en « poète-penseur », plus on contribue malgré soi à la magnificence du simple qu’est le svastika. Car, en réalité, c’est le contexte qui décide du sens du Quadriparti.
A l’université le Quadriparti est une archi-thèse de penseur.
Dans un cercle de philo-nazis de culture c’est la croix gammée dans toute sa gloire magnifique!
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A la différence de M. Bel je ne pense pas que Heidegger ait été un chef d’orchestre. Il fallait surtout qu’il soigne son image de penseur. Pour produire une oeuvre de « cryptage » de l’immondice probablement unique dans l’histoire.
Heidegger est le vrai « successeur » de Hitler. Sous emballage confectionné avec les débris d’une destruction de la philosophie, destruction qu’il ne faut absolument pas confondre avec la déconstruction.
Je publie néanmoins le commentaire de M. Bel.
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Comment ne pas souscrire à tout ce que vous dites dans ce texte? C’est l’exacte vérité que ne veulent entendre ni Mattéi, ni Courtine,ni Fedier, ni, naturellement, Caron. Je retiendrai particulièrement cette phrase: « Höss et les autres ont subi le supplice de la corde pendant que Heidegger, adulé d’une partie de l’élite mondiale, concoctait un stratagème de pérennisation opérative de la croix gammée via le texte à caractère philosophique. » Le chef d’orchestre du nazisme, son instaurateur intellectuel et politique, ce fut le renégat Heidegger. Mais il faudra du temps pour le faire admettre car dès qu’on tire sur cette maille c’est tout le monde intellectuel qui se détricote. Et cela, les intellectuels proheideggériens allemands et français n’auront jamais le courage de le reconnaître.
M.B
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Oui, le grave problème des « Intellectuels » est que ce sont pour la plupart des « narcissiques » qui ne reviennent jamais sur leurs erreurs; mais les habillent savamment d’oripeaux de Rationalisatrions Secondaires et de constructions paranoïaques les plus élaborées.
Elles n’égarent cependant pas le simple bon sens…
Ainsi peut-on écrire une équation terrifiante et trop souvent valable :
intellectuel=stalinien=nazi.
Aucun n’est allé à Canossa et s’est prosterné, couvert de cendre, les habits en lambeaux, pour confesser sa faute. Sauf Arthur Koestler, je n’en connais pour ma part, aucun autre…?
Les staliniens voulaient le bonheur DES hommes, les Nazis le bonheur de l’Occident nordique (moins généreux certes!), les intellectuels le bonheur de leurs éditeurs et de leur narcissique structure mentale. cqfd et égoïsme sacré absolu car tout ce qui échappe à leur pensée n’a pas d’existence.
Essayez donc de leur demander ( et MÊME à A. Finkelkraut) d’avouer qu’il s’est laissé berner par Heidegger et que le mirifique et confus Levinas n’a guère mieux valu?
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