Heide à plus forte raison – Premières réactions

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C’est tout chaud. Il est sur mon bureau à portée de lecture. Quoi? Le livre extraordinaire qui est censé ridiculisé Emmanuel Faye : « Heidegger à plus forte raison ».

J’entends bien qu’il s’agira d’entrer dans la lecture détaillée de certains articles. Et de soulever des objections.

Mais les premières impressions sont intéressantes. Elles fixent un climat. Certes il faudra éviter de les transformer en dogme et rester ouvert à la rationalité des critiques. C’est la moindre des choses.

Tout de même, à première vue, c’est une déception paradoxale. Et tout d’abord l’entrée même du livre : un texte de Heidegger : « Mis à l’écart ». (Snif snif).

On voit pourquoi : Heidegger grand penseur, un texte « sacré » de ce grand penseur, le retour aux textes contre les calomnies… La seule habileté du procédé réside dans le fait qu’on ne ferait pas cette fleur à un Eichmann ou à un Hitler. Mais un penseur, qui a pourtant dit que l’ennemie la plus acharnée de la pensée était la raison, ne peut pas mentir. Son verbe est vérité incarnée.  

Bref, en donnant la parole  à celui qu’on accuse d’introduire le nazisme dans la philosophie, thèse que l’on rejette par ailleurs passionnément et avec horreur, on  lui reconnaît une capacité « d’auto-défense » au-dessus de tout soupçon. C’est, en un sens, jouer de la « naïveté académique ».

Mais, étrangement, et pour peu qu’on ne soit pas captif du mythe que Heidegger lui-même déploie, la tonalité même du texte me semble plutôt être en faveur de la thèse de l’introduction. J’y reviendrai.

Bref cela me paraît augurer que le livre est plus un mauvais livre qu’un livre qui aurait été honteusement censuré par Gallimard. Cette édition a probablement eu raison de ne pas sortir un bouquin qui se présente comme un pamphlet « nouvelle droite ».

Et on comprend pourquoi le Figaro s’est cru devoir faire un peu de gonflette. J’y reviendrai aussi. Car, dés l’entrée, il apparaît sous la forme d’un gros pétard mouillé.

Ce passage de Fédier, par exemple, (à la page 13) est autant anti philosophique qu’inquiétant.

A propos du livre de Faye :

« Le titre à lui seul (Heidegger/l’introduction du nazisme dans la philosophie) trahit déjà l’atmosphère de non-sens dans laquelle se meut l’auteur. La philosophie est-elle donc pour lui une sorte de « container » neutre, où il serait possible de fourrer à volonté n’importe quelle ordure? »

On se croirait dans un club « nouvelle droite ». Et ces auteurs qui protestent contre la « censure » souhaitée par Faye, les voilà qui décident ce qui doit être ou non une question philosophique. Cette déclaration me semble constituer une très grave menace contre la liberté de penser et la liberté de recherche en philosophie.

La question de savoir si un philosophe réputé introduit le nazisme dans la philosophie fait partie des questions les plus graves et les plus importantes qu’on puisse se poser à notre époque.

Si la déclaration de Fédier, qui recommande une censure préalable aux questions dignes de la philosophie, et comme l’indique la disposition du livre, sert de « chapeau » à l’ensemble de l’ouvrage alors il est clair qu’on n’est pas ici en philosophie mais sur un théâtre d’opérations intellectuellement défaillantes et moralement douteuses.

Et dire qu’il va falloir continuer.
Bon bon ce n’était qu’une première impression.

A plus tard pour d’autres lectures.

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Sur le même registre :

Philippe Arjakovsky ponctue un pamphlet où il fustige la « décomposition de l’université » par cette citation de Heidegger :

« Qui n’a pas été réellement enraciné et en même temps entraîné par le questionnement, comment est-il en état de faire réellement l’épreuve du déracinement? (Besinnung, GA 66, 416).

Et dire qu’avec tout ça Heidegger n’introduit pas le nazisme dans la philosophie! Cette phrase est la preuve qu’une telle introduction est possible et qu’elle a bien lieu.

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3 commentaires

  1. je n’ai pas lu ce livre, mais je ne vois pas en quoi il serait anti-philosphique de chercher à poser ce que doit être ou non une question philosophique…que diable relisez Platon!!!
    ou même voyons moin loin, il suffit de relire Bergson, ou à sa suite Deleuze pour se voir exposé un recherche sur les faux problemes en philosophie…mais se sont surement aussi des fachos;)

    ensuite j’ai du mal à comprendre la pertinence de l’usage que vous faites de ces citations de Heidegger…j’ai pas compris la preuve…mais j’avoue je n’ai qu’un cerveau assez limité.
    Surtout, il me semble que si une question se pose ou plutot s’impose, c’est de savoir ce que peut bien être la philosophie pour qu’un aliquid tel que le « nazisme » puisse être introduit en son sein?

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    Réponse de Skildy :

    On ne peut peut-être faire de commentaire plus inutile et absurde.

    Tant de belles références philosophiques pour ne pas comprendre que la question du nazisme d’un philosophe est une des plus graves questions philosophiques qu’on puisse poser!

    Surtout quand on songe que la « pensée pure »  a sous doute servi de couverture à ce philosophe pour pratiquer ce que j’ai appelé le « négationnisme de méthode ».

    « Ils ne meurent pas »… n’est-ce pas… Ce qui est « normal » puisque, sans racine, ils ne sont même pas nés!

    Skildy

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  2. Il ne me sembla pas avoir ecrit que cette question n’etait pas importante, mais qu’elle n’etait pas la plus importante en l’espece…qrave glissment de sens…

    Je me servais de ces references, non pour defendre Heidegger, ou la defense des pro-Heidegger, seulement pour vous signaler que chercher à determiner « ce qui doit être ou non une question philosophique » n’a rien d’anti-philosphique…entendons nous, je n’abonde ds le sens d’aucune censure, même si je peux comprendre les agissements du fils Heidegger (personne n’a forcement envi de voire son pere se faire trainer dans la boue…) il est certain que les chercheurs, Faye y compris (si on peut honnetement le considerer comme tel), doivent avoir pleinement acces à la totalité de l’oeuvre de Heidegger.

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    Réponses :

    1. Comment penser que la question du nazisme, qui est une doctrine de la destruction de l’homme, ne constitue pas une des questions les plus importantes quand bien même la poserait-on dans le cadre de la « philosophie politique »?

    2. Hermann Heidegger est lui-même un sympathisant nazi.

    3. E Faye est un excellent chercheur.

    Skildy

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  3. dailleurs, vous serait il possible, de me preciser ce que vous entendez par « nazisme »?

    ________________________________________

    Il vous suffit de faire une synthèse de toutes mes notes consacrées à Heidegger.

    Skildy

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