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Cette fois, Skildy, tu donnes évidemment dans la bassesse!
Disons tout de suite qu’il y a un mode d’emploi tout fait de Sérénité. Vietta, les illusionnés ou ceux qui défendent leur fond de commerce « trans-universitaire » te tiendraient ce langage : Sérénité est un texte qui met en perspective le danger que représente la menace nucléaire. (La « science nazie » n’ayant pas réussi à fabriquer la bombe atomique avant les américains cela permet à Heidegger de pointer le doigt sur les USA et sur l’URSS, sur l’Ouest et sur l’Est du « Blut und Boden ».) Mais ils mettraient surtout l’accent sur le fait que Heidegger aurait pris toutes ses distances avec le totalitarisme nazi et désignerait avec pertinence cette autre forme de totalitarisme que représente la « gestellisation » du monde, ici même le stockage-réquisition de l’énergie intime de la matière, et dont l’effet ne saurait être que pure dévastation notamment à l’encontre de l’enracinement de tout ce qui est grand dans une patrie, dans un sol natal.
L’exercice académique, aux développements près, s’en tiendrait là.
Le lecteur « taré » que je suis déclare cependant que ce texte est celui d’un porc! C’est l’injure… Parce que c’est la colère et que je cède à un mouvement de répulsion! Ce que je crois comprendre de ce texte – c’est un discours prononcé en 1955 à Messkirch, ville natale de Heidegger, à l’occasion du centième anniversaire de la mort du compositeur Conradin Kreutzer – me pousse autant hors de moi qu’hors du rituel convenu de l’exercice académique.
L’idée est que Heidegger en dit au moins autant en se plaçant comme acteur dans le jeu circonstanciel qu’avec les mots.
Moi, grand philosophe reconnu mondialement, né dans le petit bled de Messkirch un siècle après Kreutzer, j’affirme dignement comme un « devoir de sérénité » face à la menace. N’attendez surtout pas que je fasse un numéro sur Auschwitz – on pouvait attendre d’un grand qu’il ne se borne précisément pas à une repentance. Au contraire ma sérénité, (que les thuriféraires interpréteront comme une preuve supplémentaire d’une grandeur d’âme clairvoyante), est toute entière dans l’expression d’une demi-satisfaction à l’égard d’Auschwitz. « Nous avons bien fait notre travail »… Mais si l’histoire nous avait permis de maintenir Auschwitz ouvert, et de fonder de nouvelles « succursales », nous serions sans doute, nous le peuple historial, à la tête d’une armée disposant de l’arme suprême. Nous aurions pu alors civiliser le monde selon le Svastika-Quadriparti. Heidegger ne cessera de ruminer une sortie hors du « national » traditionnel en ce qu’il créa finalement la condition de la défaite militaire… et la fermeture d’Auschwitz.
C’est dire que je rejette l’interprétation selon laquelle le « silence de Heidegger » serait comme une preuve de responsabilité à l’égard de la « menace » et un gage de profondeur de l’analyse de la modernité technique.
La signification de ce silence, mais il est vrai qu’il est très facile de ne pas l’entendre, n’a rien à voir ni avec une douleur, ni avec une honte, ni avec un sens paradoxal de la responsabilité face au « danger » – quand on est un grand on peut surmonter beaucoup d’écueils – mais avec une approbation d’Auschwitz et le regret de sa fermeture.
Ce penseur (ce penseur « heureusement » antiphilosophique) n’est à ce titre qu’un porc. C’est du moins comme cela que je conclus ma lecture non standard de Sérénité.
Ce type, qui s’assoit littéralement sur les morts sans dépouilles d’Auschwitz, est couvert de lauriers. Pour ma part je n’ai pas besoin d’un certificat de signification relatif au « meurent-ils? » Les silences et les grognements porcins de Messkirch valent ici pour herméneutique.
Je l’ai déjà dit : la « superbe » de Heidegger, la sublimité de son verbe, sa profondeur poético-spirituelle n’est qu’une surenchère bluffante destinée à camoufler son adhésion totale, jamais démentie, à la biopolitique d’extermination. A ce titre Heidegger incarne lui-même la menace.
Mais pourquoi « doublement » dans le titre? Parce que, une fois que nous sommes revenus d’Auschwitz, on prend toute la mesure du fait que l’auteur de la pastorale « l’homme est le berger de l’être » a un goût porcin – je demande pardon aux cochons eux qui sont si souvent tendres comme des agneaux – pour les passions dirigées contre les minorités.
Et là j’avoue que je suis inquiet. On dira de mon injure qu’elle est absurde, déplacée, mesquine etc. Mais voilà bien la réussite de Heidegger : quelques nazis pendus le philosophe du nazisme est un auteur adulé, célébré, admiré, respecté. Celui qui le qualifie de porc à tous les torts lors même que l’injurié est un légitimateur d’extermination.
J’éprouve même de la crainte. Moralement, et pas encore « policièrement », tout existe pour que vous soyez disqualifié d’appeler porc celui qui légitime Auschwitz.
C’était une expérience à faire. C’est fait.
Je jure, ne serait-ce qu’en cédant à une vague crainte, que je serai désormais plus correct envers l’introducteur du nazisme dans la philosophie. Si si.
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Faut-il préciser que le « dispositif Heidegger » est suffisamment affiné pour qu’on ne puisse trouver nulle part une quelconque justification explicite d’Auschwitz? S’il avait commis cette connerie tout le projet d’introduction du nazisme dans la philosophie serait à l’eau.
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3 commentaires à Heidegger : Sérénité est doublement le texte d’un porc
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Ok…ok… Mais maintenant Skildy il va falloir réfuter ligne par ligne l’ouvrage de Fédier. Ou peut être tout simplement le lire. L’essai par exemple d’Arjakovsky est exemplaire. L’ouvrage fait très mal aux anti-Heidegger; mais pour qu’ils s’en rendent compte il faudra tout simplement le lire. Chose qu’ils n’ont pas fait avec l’oeuvre de Heidegger elle-même.
Je ne pensais pas que la contre-attaque serait aussi persuasive. Elle l’est. Et sans recourir aux insultes.
La messe est dite.
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Je n’ai pas peur d’Arjakovsky. J’attends impatiemment de recevoir le bouquin que j’ai commandé.
Le « dispositif Heidegger » permet en effet de « belles défenses ». Sinon H n’aurait pas introduit le nazisme dans la philo.
Vous êtes un peu girouette… Et attendez qu’on pense Heidegger à votre place.
Si c’est la messe qui est dite c’est tant mieux je ne suis pas pratiquant. Ni croyant au Père Noël.
Sk
PS. J’ai juré que je resterais désormais poli à l’égard du grand Introducteur. Mais, voyez-vous, avec « grand Introducteur », cela commence mal…
Je me doutais que vous me retourneriez l’expression dans le nez. J’aurais dû dire « fin de la récré. Je ne suis pas girouette : j’accuse les deux camps lorsque ils le méritent. Or Parole des jours abuse parfois : le type qui agresse de façon grotesque Faye ne mérite que du mépris. Que les autres pensent à ma place? J’ai toujours tenu à garder ma position consistant à ne céder ni aux siréènes de la « apologétique » ni à celles de l’inquisition gratuite. Ainsi je me fais tirer les oreilles par les deux camps…
Bon combat malgré tout parce que je vous assure, qu’à mon sens , ce que vous appelez le « dispositif » s’est rudement bien défendu pour le coup, et que vos agressions herméntiques commencent vraiment à sentir le périmé aux vues des réponses d’en face.
Je ne vous conseille certes pas d’avoir « peur » d’Arjakovsky ou de quiconque! Juste de savoir mettre de l’eau dans votre vin , et reconnaître les cas où vous ne savez que répondre aux réponses d’en face. En l’occurence, les micro-analyses de l’ouvrage de la bande-à-Fédier vont vous donner du fil à retordre.
Ma position au final c’est qu’il faut rendre son adversaire meilleur, et non pas , seulement, le traîner dans la boue, l’accuser de manière unilatérale.
J’espère que vous saurez prendre le taureau par les cornes. J’espère, pourquoi pas , être convaincu! Mais pour l’instant vos diatribes n’ont guère de relief, je vous l’assure, malgré vos efforts désespérés pour créer des « théorèmes ».
Bon courage malgré tout.
Stéphane Domeracki.