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La Russie de Poutine fait la chasse aux journalistes. Avec une préférence pour la barre de fer qu’on abat par derrière sur le crâne. Le meurtre de sang froid, commandité à un professionnel, d’ Anna Politkovskaïa est une exécution, sur une scène internationale et en « plein jour », d’une journaliste au sens éthique aigü. Non seulement sa réputation internationale ne l’a pas protégée mais a servi à donner à ce meurtre ignoble une portée mondiale.
Est-ce alors seulement parce que l’Europe dépend du gaz russe que la réprobation ne semble pas vraiment atteindre les hauts lieux du pouvoir? Le président français a même gratifié Poutine d’une légion d’honneur.
J’ai une autre crainte. Compte tenu de l’aggravation probable et conjointe, dans ces prochaines années, de diverses crises – énergétiques, environnementales, sociales, « civilisationnelles »… – on peut s’attendre à une « maffiosisation » croissante des dispositifs mis en place pour protéger certains types de domination. Pour le moment nous jouissons encore, en Europe de l’ouest, d’une véritable liberté d’expression. Pour combien de temps? La timidité avec laquelle Robert Redecker a été défendu ne laisse pas d’être inquiétante. Et la manière avec laquelle nous préférons le gaz à la vérité pourrait nous faire croire que l’assassinat d’Anna Politkovskaïa n’est pas seulement qu’un avertissement adressé aux journalistes russes.
La Russie de Poutine serait-elle le laboratoire secret de l’Europe future? Serait-elle le modèle d’une gestion policière, héritière autant de la Gestapo que du KGB, du chaos qui gronde à l’horizon?
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Un ami du phibloZophe a écrit :
« Permettez-moi, Monsieur Skildy, d’exprimer ici mon sentiment de révolte à la suite de l’assassinat d’Anna Politkovskaïa: elle nous a rappelé, par son courage, que la démocratie, cela se mérite, qu’elle n’est pas un Ereignis, mais un éternel combat contre notre sauvagerie. Merci Anna. »
R. Misslin
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On lira notamment ce numéro de Courrier International :
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Alors là je dois dire que c’est très savoureux! Merci Monsieur Misslin, de tels moments d’humour involontaire ça fait toujours plaisir!
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Je suis tout à fait d’accord avec vous, Monsieur Schildy, pour penser que le glas pour Anna ne sonne pas seulement pour les Russes. La planète des hommes se rétrécissant chaque jour comme une peau de chagrin, nous ne pouvons plus nous croire protégés des convulsions venues d’ailleurs par je ne sais quelles frontières imaginaires. L’écroulement du mur de Berlin a fait que la Russie est devenue notre voisine. Aussi, cet assassinat est-il un désastre pour tout le monde. Le meurtre est toujours l’expression d’une faiblesse, il ne représente une force qu’aux yeux des amateurs de fascisme, c’est-à-dire ceux-là même qui, en raison de leur intime sentiment d’impuissance, sont fascinés par la force brutale, la violence et le meurtre. Anna, elle, n’a pas eu peur de dire une certaine vérité sur son pays, il y en a qui ne l’ont pas supporté. Comme chantait Guy Béart, c’était hier, mais c’est toujours aujourd’hui:
« Le monde doit s’enivrer de discours, pas de vin,
Rester dans la ligne
Suivre les consignes
A Moscou un poète à l’Union des Ecrivains
Souffle dans la soupe
Où mange le groupe
Le poète a dit la vérité
Il doit être exécuté »
R. Misslin
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Bonjour Monsieur Er,
Je suis très heureux de vous retrouver parmi nous: votre humour est un contre-poison thérapeutique.
En ce qui concerne les « graffiti », soyons indulgents et laissons au néocortex des adolescents boutonneux le temps d’arriver à maturité : l’ontogenèse du primate humain est une longue histoire.
J’ai résumé le texte de FAS que vous citez à mon épouse qui s’est rappelé que Norman Mailer a un jour dit, paraît-il, que les régimes fascistes étaient les plus « naturels ». Je veux bien le croire, imprégné que je suis d’éthologie. Le couple dominant/dominé est à coup sûr d’origine pulsionnelle, dominants et dominés y trouvant leur compte. De nombreuses variantes existent de ce couple, l’exemple le plus universel étant la relation gourou/jobards. Ce qui est cependant remarquable, c’est que des sociétés aient réussi à dépasser ce stade en promouvant ce qu’on peut appeler des systèmes politiques plus conventionnels, basés, pour faire vite, sur la raison et le droit. Que Heidegger puisse devenir un peu partout le modèle du penseur adapté aux régimes fascho n’est évidemment pas un hasard. Très drôle l’histoire du philosophe iranien heidegerrien qui a lu les textes de l’inspiré de Messkirch dans des traductions françaises: ah! le rayonnement du français dans le monde! Encore plus drôle est que ce drôle est allé jusqu’à imiter Heidegger à la lettre en prenant lui aussi le virage (Kehre)! Il faut rire même si les circonstances sont plutôt à pleurer.
Bien amicalement
R. Misslin
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Bonsoir,
Je viens d’entendre, à la télévision, un opposant russe à Poutine, écoeuré par le meurtre d’Anna, demander au journaliste français qui l’interviewait pourquoi Chirac a décoré Poutine de la légion d’honneur. Moi aussi, je me le demande. A quoi pense notre président? Ne sait-il donc pas ce qui se passe en Russie depuis que Poutine est au pouvoir? Comment un soi-disant gaulliste peut-il à ce point oublier que la résistance est de tous les temps? C’est Anna qui est l’honneur de la Russie et aussi de tous ceux qui sont attachés à la justice et à la liberté d’expression. C’est Anna qu’il faut décorer, car c’était elle qui a su résister.
R. Misslin
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Et à votre avis Monsieur Misslin? Qu’est ce qui commande le cynisme généralisé en politique internationale? Et surtout, qu’est ce que votre humanisme bon marché PEUT contre de telles infâmies?
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Cher monsieur Misslin,
je salue votre indulgence, la fatigue et la colère me poussant pour ma part à avoir parfois des propos d’un ton plus violent que je ne le voudrais. Je modère donc mon ton et corrige mon propos, même si en l’occurence et pour le cas en question il n’y aura je crois jamais de maturité.
Pour ce qui est des régimes fasciste, je ne sais pas si ils sont les plus naturels, mais ils sont sûrement les plus simples et le fantasme de ceux qui gouvernent.
Le monde prend politiquement un drôle de virage, mais gageons que nous y survivrons aussi.
Après tout la terre tourne et l’humanité a jusqu’à présent survécu à ses imbéciles.
Que votre optimisme tout relatif puisse avoir le dessus sur mon pessimisme actif et très réel !
Avec mes plus cordiales salutations,
Votre
Yvon Er.
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« Ceux qui de toutes parts, parlent de « lutte contre le fascisme » devaint commencer à comprendre que les conceptions qui, dans leur esprit, accompagnent cette formule ne sont pas moins puéries que celles des sorciers luttant contre les orages »
; Georges Bataille, « la structure psychologique du fascisme », Oeuvres complètes p.335.
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M. Domeracki, là est une partie du problème : vous cherchez de grandes interprétations globalisantes, et croyez les trouver avec Heidegger.
Le problème est plutôt celui de cette quête même : l’humanisme ne peut inverser le cours du monde, admettons. Cela empêche-t-il de mener un combat contre ce cours, même si on ne peut modifier les choses que localement ?
Pour comprendre notre réalité, singulièrement évacuée par Heidegger, j’ai bien peur qu’il faille plutôt lire de l’économie et du droit, voyager et acquérir de l’expérience et affermir la faculté d’en tirer quelque chose plutôt que remâcher la mystagogie heideggérienne du « Gestell ».
Laissons tomber la « carcasse »…
YE.
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« lire de l’économie et du droit, voyager et acquérir de l’expérience ».
Soit. Et c’est après s’être ainsi affairé auprès de domaines limités de l’étant que je trouverais selon vous le meilleur angle possible pour aborder philosophiquement l’être de notre époque? Les « actions » que vous me proposez, c’est de la gesticulation, l’acquisition de savoirs dérivés sans intérêt autre que « pragmatique » ou « divertissant ». Oh ces savoirs sont bien sûrs dignes et je m’en accomode plus souvent que vous ne le croyez. Du reste, Heidegger n’est pas mon « maître », loin de là. Je pense juste qu’au même titre que les pensées des autres grands penseurs, il faut rendre hommage à son apport. Encore faut-il savoir le reconnaître, et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous le prétexte expéditif qu’on ne sépare pas l’homme de l’oeuvre. Et encore faut-il ne pas sacraliser la médiocratie actuelle qui JUSTEMENT est une machine à développer cette insécurité sociale qui fait bondir Skildy. Les ennemis de la démocratie et de la société mercantile(Platon, Aristote,Nietzsche, Jünger, Bataille,Debord, Heidegger…) permettent précisément à cette forme politique de ne pas s’endormir sur ses lauriers, de stimuler sa propre prétention à être le meilleur régime possible.
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