Michel Onfray : « Je trouve le livre de Faye remarquable. C’est un des rares grands livres que j’ai lu dans ces dix dernières années ».

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Philippe Sollers et Michel Onfray comptaient parmi les invités de l’émission la Bande à Bonneau (France Inter) du 3 octobre 2006. Ils s’expriment sur Heidegger et notamment sur le livre d’Emmanuel Faye : Heidegger, une introduction du nazisme dans la philosophie.

P. Sollers : (qui se met à « raper » en apparaissant sur les ondes)



Heidegger c’est la guerre



Et moi



Je vais vous dire



Heidegger



C’est toujours la guerre.



Et moi



Je vais vous dire



Encore plus



Acheminement vers la parole…

(…) Vous voulez mon commentaire sur tout ça?

A. Vivian : J’ai cru comprendre… Il y a deux camps dans cette histoire. D’un côté… on a l’impression : les historiens. E. Faye était défendu par JP Vernant, par feu Pierre Vidal-Naquet, qui nous a quittés cet été, par le sociologue aussi,  Jacques Bouveresse. D’un côté les historiens de l’autre les philosophes purs et durs. Est-ce que je me trompe ?

P. Sollers : Non pas vraiment.  Mais je voudrais d’abord signaler l’information la plus importante… Je m’occupe d’une revue trimestrielle assez confidentielle, mais pas tellement,  qui s’appelle l’Infini. Le dernier numéro, l’avant-dernier numéro, c’était le numéro 95, c’était un numéro assez gros complètement consacré à Heidegger. C’est plus de trois ans de travail sous la direction d’un philosophe extrêmement remarquable qui s’appelle Gérard Guest. Ce numéro à ma grande surprise – divine surprise ! – a été épuisé en un mois et a été réimprimé depuis aux éditions Gallimard.  Donc il ne faudrait surtout pas entendre, dans ce qu’on vient de dire, que Gallimard aurait la moindre réticence quant à la publication de l’œuvre de Martin Heidegger.  Alors sur cette affaire, il y a quelque chose de très simple, à mon avis, à dire, c’est qu’Emmanuel Faye, dans son livre, « exit » une vieille affaire qui revient comme le monstre du Lochness. L’appartenance de Heidegger au parti nazi… Bon il y a des livres entiers là-dessus. On ne va pas y revenir… cela durerait trois siècles… Il a fait un pas de plus décisif. Il a dit que la philosophie tout entière de Heidegger était infiltrée, contaminée par une vision du monde nazie. Ce qui est évidemment une faribole et une absurdité. Je rappelle au passage que Heidegger est un penseur absolument considérable. Il a une œuvre en effet énorme. Il a influencé de leur propre aveu… Relisez ce que Sartre en dit à quel point Heidegger lui avait sauvé la vie pratiquement… la vie de la pensée…  Bon,   que  des penseurs comme Levinas, comme Lacan, comme Foucault, surtout Derrida… dont le nazisme ne parait pas du tout évident.

Enfin, voilà, donc il y a une telle exagération, un tel emballement dont la simplification. C’est ça le problème. On vit à une époque médiatique, que vous palpez constamment, où le simplisme, la  réduction (incompréhensible) devient pratiquement pavlovienne. Et donc comme ça il y a des réactions qui sont extraordinairement falsificatrices. Je ne me suis pas occupé de ce livre… qui s’appelle Heidegger à plus forte raison. Qui était une réponse à ce mouvement de déconsidération de Heidegger visant en quelque sorte à le retirer de la bibliothèque philosophique. Il est au programme de l’agrégation. Il y aurait comme ça dans un coin une littérature nazie. On mettrait Heidegger là-dedans avec une croix gammée définitive. C’est absolument absurde, ça vise à éradiquer tout effort de pensée en fait. Ce qui c’est passé je n’ai pas été en charge de évidemment… Je m’occupais d’autre chose… de ce numéro qui vient d’être réimprimé… qui est excellent !.. l’Iinfini, numéro 95. Je vous le recommande ! Il se trouve, je pense, que Fédier, dans un premier temps, a du faire un texte qu’il a ensuite corrigé et qui a alerté… les épreuves ont été envoyées dans les salles de rédaction… qui a alerté ceux qui relancent sans arrêt cette affaire Heidegger, par exemple quelqu’un comme Roger Pol-Droit, du Monde, qui écrit dans le Point. Il y a quelques personnes qui, vraiment, répètent sans arrêt la même chose. On dirait vraiment que, pour eux, c’est une question essentielle, d’empêcher en quelque sorte la lecture de Heidegger. Ce livre magnifique que vous avez cité Acheminement vers la parole, mais bien d’autres, Approche de Hölderlin etc. C’est vraiment le grand penseur de la poésie fondamentale. Je pense,  il y a eu quelque chose qui s’est passé. Fédier a donc revu et corrigé son texte. Il s’en est expliqué dans le monde dans un entretien avec Jean Birnbaum. Tout ca … au cœur de l’été… il y a eut en quelque sorte un emballement, que je n’ai pas suivi de près, du juridique.


 

Bonneau : Si je comprends bien, Philippe Sollers, Gallimard ne publiera pas ce livre ?

P. Sollers : Il va paraître, je peux vous l’annoncer, bientôt aux éditions Fayard où il a été immédiatement accepté.

Bonneau : Il va être publié chez Fayard.

P. Sollers : Dans tout cela beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Cela sera un volume que je n’ai pas lu pour l’instant. Je le lirai avec le plus vif intérêt.

Bonneau : D’accord … Alors, Philippe Sollers, merci de nous avoir donné votre point de vue, de nous avoir expliqué cette affaire … Michel Onfray est arrivé en avance (…). Page 77 de votre dernier livre, La puissance d’exister, chez Grasset, vous dites, Michel Onfray, « quelle est la preuve du philosophe ?… : sa vie ». Et vous parlez, justement, de Heidegger en disant que cette fracture schizophrénique entre la vie et l’œuvre où on peut dire par exemple : « ah oui Martin Heidegger a appartenu au parti nazi mais son œuvre n’a rien à voir avec ça ». Vous, ce que vous dites, si j’ai bien compris, c’est que voilà une vie de philosophe,  elle  ne peut pas être séparée dans des petits bouts, son œuvre, sa pensée et qu’il faut prendre en tout, en totalité. Qu’est-ce que vous pensez de cette affaire ? Est-ce que le fait que Martin Heidegger a été nazi le disqualifie comme philosophe ?

Onfray : D’abord je trouve le livre de Faye remarquable. C’est un des rares grands livres que j’ai lu dans ces dix dernières années. Pas seulement sur la question Heidegger mais aussi sur ce sujet de l’implication, de la vie, de la biographie, du philosophe, du professeur. Toutes ces choses-là sont mélangées. Alors, bien sûr, on peut toujours dire : ce qui m’intéresse c’est le philosophe, ce n’est pas le professeur, je fais l’économie de telle partie dans la biographie. Quand Philippe Sollers dit… accessoirement…  cette histoire de parti nazi. Mais c’est quand même de 33 à 45. On ne peut pas faire avant on ne peut pas faire après…  Ca ne veut pas rien dire cette affaire d’inscription au parti nazi ! Mais, très longtemps, on a dit : « oui mais cela n’est pas comme ça qu’il faut l’entendre. Il ne pouvait pas ne pas y être ». Et d’un seul coup Faye nous donne des démonstrations considérables, remarquables, des traductions. Il a travaillé sur des archives,  sur des séminaires en disant « regardez comment ça marche ». Et ça imprègne la philosophie. Alors  pas forcément Etre et Temps… encore que… on peut imaginer que dans Etre et temps l’être-pour-la-mort, la question de l’enracinement, la question du sol, la question de la critique de la technique. Toutes ces choses là ont à voir avec la thématique nazie. Alors cela ne fait pas un philosophe nazi à proprement parler.

Bonneau : Vous n’êtes pas favorable, Michel Onfray, pour reprendre l’expression de P Sollers, à retirer Heidegger de la bibliothèque philosophique ?

M. Onfray  : Non, enfin, non. On publie Carl Schmidt, on en publie d’autres aussi. Je suis même pour le fait qu’on republie les pamphlets antisémites de Céline. On est des grands garçons et des grandes filles. On est capable de faire des lectures. On est capable de trouver aujourd’hui dans le commerce Mein Kampf … Qu’on fasse des éditions, qu’on fasse appel à des gens qui sont capables de faire des préfaces , des introductions, des annotations … Qu’on prenne en considération le travail de Faye et qu’on dise « voilà, c’est un philosophe, avec des errements, des égarements, avec des traits de génie probablement, avec une grandeur… ça c’est sûr, avec un travail qui est original, certes.  Mais on oublie beaucoup Husserl, on oublie beaucoup la phénoménologie avant Heidegger. Quand on dit Sartre n’aurait jamais été possible sans Heidegger… non ! Sans Husserl, oui ! Sans Heidegger non ! Je pense qu’on pourrait rentrer dans des détails techniques qui font que le débat est de toute façon préférable à l’interdiction de toute publication.

Bonneau : Ca vous convient Philippe Sollers ?

P. Sollers : Et bien, écoutez, ça ira très bien comme ça. Il faudra s’entendre sur la vie des philosophes… il y aurait beaucoup de choses à dire. .. Onfray vient de prononcer le mot de grandeur. Et bien je m’en satisfais pleinement.

Bonneau : Très bien. Et bien je vous remercie beaucoup Philippe Sollers.

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Je publierai plus tard une analyse de la « réclame » de Sollers.

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21 commentaires

  1. Bravo, Monsieur Onfray! Bien sûr que c’est absurde de vouloir séparer la vie et l’oeuvre d’un philosophe, car cela signifierait tout simplement soit que l’oeuvre n’a rien à voir avec la vie, soit pis encore, que celui qui écrit de grandes et profondes pensées sur l’être a réussi à se hisser à ce point au niveau des essentialités divines qu’on ne peut plus lui appliquer les critères d’évaluation valables pour le commun des étants que nous sommes, soumis aux vicissitudes et accidents du monde sublunaire. Dans le premier cas, l’oeuvre détachée de la réalité de la vie n’aurait plus aucun intérêt philosophique, puisque la philosophie par définition a pour objectif d’aider à mieux vivre, dans le second cas, on aurait affaire à un penseur mégalomane qui s’identifie à un dieu. Par conséquent, il convient en effet de saluer le grand mérite du livre d’E. Faye qui nous invite à lire la pensée de Heidegger comme celle d’un homme, fût-il génial, plutôt que celle d’un surhomme.
    R. Misslin

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  2. Et qui vous permet de penser que Amélie Nothomb, Brigitte Bardot et Doc Gynéco ne sont pas capables de réfléchir, de penser et d’avoir de l’esprit critique? D’où vous vient ce mépris pour autres? Réponse: de votre maître, le mégalomane de Messkirch qui éprouvait un besoin irrépressible de mépriser autrui afin de pouvoir s’adorer narcissiquement à l’infini. Aussi, je ne veux plus discuter avec vous, car vous jouez trop au clone du mage de l’être. L’original est largement suffisant!
    R. Misslin

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  3. Très sincèrement je ne pense pas qu’il faille copier Heidegger ou n’importe quel autre penseur pour comprendre que les trois que j’ai cité sont de sombres crétins – et ce justement en vertu de leur « réflexion », de leur « pensée » et de leur « esprit critique », qu’il n’a jamais été question de leur dénier. Constater ce qu’ils en font est déjà bien suffisant. Bien à vous, S.D.

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  4. De fait Onfray n’est pas le dernier des cretins, meme si l’aspect quelque peu publicitaire de son parcours mediatique peut enerver (grand bien lui fasse, il faut bien manger).
    Je trouve moi aussi quelque peu etrange ce recours systematique aux arguments d’autorite, recours qui devient d’autant plus risible quand personne depuis la parution de l’ouvrage d’Emmanuel Faye n’en a publie une refutation serieuse. Ce livre internationalement reçu, reconnu et bientot traduit fait donc desormais, pour le coup, autorite, ce qui n’etait pas forcement le but de son auteur je pense, mais c’est desormais un fait.
    Puisqu’il nous faut nous placer pour un court instant sur ce terrain, faut-il rappeler la liste de ceux qui ont signe un appel pour que cesse les campagnes de diffamation contre Emmanuel Faye et pour la poursuite de la recherche sur le nazisme de Heidegger ?
    Yvon Er.
    Rappel, donc :

    POUR LA RECHERCHE SUR LE NAZISME DE HEIDEGGER – Texte de soutien à la recherche d’Emmanuel Faye.
    Le phiblogZophe publie pour la première fois l’intégralité du texte de soutien à la recherche d’Emmanuel Faye sur le nazisme de Heidegger avec la liste des premiers signataires.

    POUR LA RECHERCHE SUR LE NAZISME DE HEIDEGGER

    Après des années de recherche et de travail, Emmanuel Faye vient de publier Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie aux éditions Albin Michel. Ce livre revient sur l’engagement partisan du penseur dans la politique hitlérienne et met en lumière de manière précise, documentée et argumentée, le lien profond entre l’oeuvre de Heidegger et la doctrine nazie, notamment dans les séminaires inédits de 1933-1935.

    Depuis la parution de ce livre, dont l’importance a été soulignée par toute la presse, des heideggériens radicaux cherchent à discréditer ce travail par tous les moyens, y compris des attaques diffamatoires contre l’auteur diffusées sur Internet.

    Nous soussignés

    – n’acceptons pas ces procédés déshonorants pour discréditer la discussion nécessaire sur les tenants et aboutissants de cette pensée;

    – pensons que la recherche critique portant sur l’oeuvre de Heidegger dans son rapport au nazisme doit se poursuivre et s’approfondir;

    – souhaitons que la plus large diffusion internationale soit donnée aux nouveaux éléments de la recherche scientifique apportés par ce livre et au débat de fond qui doit s’ensuivre;

    Premiers signataires :

    Henri Atlan, Anouk Barberousse (ENS Ulm), Alienor Bertrand (CNRS), Michel Bitbol (CNRS), Annie Bitbol-Hespériès (Centre d’Etudes Cartésiennes), Olivier Bloch (Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne), Jean Bollack (Université de Lille-III), Mayotte Bollack, Christian Bouchindhomme (CNRS), Jean-Claude Bourdin (Université de Poitiers), Jacques Bouveresse (Collège de France), Isabel Bouvignies, Jacques Brunschwig (Université de Paris I- Panthéon-Sorbonne), Geneviève Brykman (Université de Paris X-Nanterre), Catherine Chalier (Université de Paris X-Nanterre), Michèle Cohen-Halimi (Université de Paris X-Nanterre), Francis Cohen, Yves Collé, Robert Damien (Université de Besançon), Didier Deleule (Université de Paris X-Nanterre), Brice Fauché (Lycée Bellevue, Toulouse), Christian Ferrié (Lycée Jean-Jaurès Reims), Luc Foisneau (Maison française d’Oxford-CNRS), Edith Fuchs, Didier Gil (Lycée Lakanal, Sceaux), Georges-Arthur Goldschmidt, Christophe Grellard (Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne), Raphael Gross (Directeur du Leo Baeck Institute, Londres), Pierre Guenancia (Université de Dijon), Rémi Hess (Université de Paris VIII), Claude Imbert (ENS Ulm), André Jacob (Université de Paris X-Nanterre), Francis Kaplan (Université de Tours), Serge Klarsfeld, Erik Laloy (Lycée Malherbe, Caen), Jean-Pierre Lefebvre (ENS Ulm), Alain Le Gallo, Jacques Leibowitch, Franck Lelièvre (Lycée Charles-de-Gaulle, Caen), Michel Lerner (Observatoire de Paris), Domenico Losurdo (Université d’Urbino), Pascal Ludwig (Université de Paris IV-Sorbonne), Françoise Mandelbaum-Reiner, Jean-Claude Margolin (Université de Tours-CESR), Hélène Mendes, Arno Münster (Université d’Amiens), Frédéric Nef (EHESS), Verena Nolte, Kim-Sang Ong-Van-Cung (Université de Poitiers), Pascal Ory (Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne), Eric Oudin (Lycée Michelet, Vanves), Nicola Panichi (Université d’Urbino), Bruno Pinchard (Université de Lyon III), Louis Pinto (CNRS, Paris), Anise Postel-Vinet, Alain Rey, Alexandra Roux, Richard Sabban, Jean-Michel Salanskis (Université Paris X-Nanterre), Jean Salem (Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne), Peter Schoettler (Ihtp-CNRS-Centre Marc Bloch, Berlin), Alain Segonds (CNRS), Jean Seidengart (Université de Paris X-Nanterre), Tom Sorell (Université d’Essex), Denise Souche-Dagues (Université de Montpellier), Isabel Thomas-Fogiel (Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne), Stéphane Toussaint (CNRS), Denis Trierweiler (UER, Paris), Martine Verlhac (Lycée Berthollet, Annecy), Jean-Louis Vieillard-Baron (Université de Poitiers), Jean-Pierre Vernant (Collège de France), Paul Veyne (Collège de France), Pierre Vidal-Naquet, Elie Wiesel, Richard Wolin (State University of New-York).

    Pour signer ce texte, prière d’écrire à l’adresse suivante : recherche.heidegger@tele2.fr

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  5. A propos de mon dernier commentaire : je rappelle ici le pari fait il y a plus d’un an par Nicolas Plagne sur « La republique des livres », le blog de Pierre Assouline (« Les Heidegger contre-attaquent ! ») :

    « Mon pari: ce livre de « pseudo-révélations » à scandale va s’effondrer au fur et à mesure que les gens sérieux de l’université (je ne parle pas de moi, j’ai d’autres chats à fouetter) vont publier les unes après les autres les preuves de ses gravissimes erreurs et de ses montages douteux. Mémoire: le livre de Faye avait été démoli dans les mois qui suivirent. Bref, « Mais attendons la fin! », comme disait La Fontaine.
    Rédigé par: plagne | 22 mai 05 22:59:12″

    Ce pari n’a pour le moins pas ete tenu, et ce qui a ete mis au jour c’est le revisionnisme de la bande de M. Fedier (si l’on en croit la derniere intervention d’Emmanuel Faye dans le Monde, incontestee par « Parolesdesjours »), …

    [édité par les modérateurs]

    « Mais attendons la fin ! »

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  6. Je reviens sur « l’information essentielle » ou, comme dirait l’auteur de ce blog très instructif, « la réclame de Sollers »:

    la publication du n°95 de l’Infini, intitulé « Le danger en l’être ».

    On décrie tant Heidegger par les temps qui courent que je me suis également procuré ce numéro… Ma curiosité est je l’avoue insatiable…

    J’y lis des choses plus profondes et plus nuancées qu’ailleurs… de la part de gens qui n’ont pas peur de faire réellement l’épreuve des textes… au risque de se faire contaminer à leur insu…

    Et vous, que pensez-vous de cet article assez historique de Peter Trawny intitulé « Avis aux barbares »?

    Je ne sais pas encore s’il m’a contaminé, mais je peux d’ores et déjà affirmer qu’il m’a plutôt convaincu, y compris dans sa critique des erreurs de Heidegger.

    Très cordialement,
    A.G.

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  7. Pour ce qui est des textes parus dans « L’infini » et comme nous en avons quand même pas mal discuté, je renvoie à une intervention déjà parue sur ce blog :
    http://skildy.blog.lemonde.fr/skildy/2006/06/cl.html#comments
    Puisque pour moi les déclarations de profondeur et d’admiration ne suffisent pas, j’attends toujours une réponse un peu attentive au dit article auquel je viens de renvoyer.
    Pour ce qui est de Philippe Sollers et de son écurie…disons qu’effectivement ils sont assez uniques en leur genre, et tant mieux.
    Après tout et contrairement à l’heideggérisme tendance rive gauche, la littérature française n’intéresse plus le reste du monde, qui a bien raison…
    Amis de la littérature, prenez le grand large.
    Yvon Er.

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  8. L’histoire retiendra-t-elle plus Heidegger que Emmanuel Faye ?
    Sans doute.
    Après tout Hitler et Pol Pot ont plus marqué les mémoires que Leonard de Vinci et Leibniz.
    YE.

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  9. Je n’ai bien entendu jamais voulu dire que E. Faye était un nouveau Leibniz, même si j’ai de l’admiration pour le travail du chercheur et pour son endurance au coeur de la polémique.
    Simplement il me semble incohérent de se référer à « l’empreinte » (la « Prägung » ?) de quelqu’un pour justifier de sa grandeur.
    Les oeuvres complètes de Staline ont eu beaucoup plus d’échos et d’impact que la Gesamtausgabe heideggérienne, dont les effets sont déjà folklos. Mais vous ne vous souvenez pas de Althusserl citant les dites oeuvres avec faveur (ah, et il aimait aussi Heidi, mais passons ; un effet du Gestell sans doute).
    Et ?
    YE.

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  10. En passant, il est assez drôle de voir la manière dont Philippe Sollers insiste : il n’a pas lu le livre de Fédier and co., vraiment pas. Pour un directeur de collection qui publie la bande en son entier dans sa revue…
    autant dire qu’il l’a lu et soutenu.
    Passons, le numéro de l’Infini en question se suffisait déjà.
    YE.

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  11. En quoi est-il « incohérent » de se référer à la Prägung? Cette empreinte, c’est l’appropriation décisive d’un contenu ontologico-historial. C’est une manière particulièrement précise et étayée de penser le lien qui relie tous les grands hommes : à savoir qu’ils ont réussis chacuns à leur façon à reprendre de volée la tradition, à lui imprimer leur direction propre, tout en procédant du Même (à savoir à partir d’une métaphysique de la présence, d’une compréhension de la vérité come homoïosis et d’un oubli de la donation originaire -l' »il y a  » à cause d’une obnubilation pour le fondement de l’étant en totalité). Ces traits se vérifient chez tous. Et à mon sens, y compris chez le Heidegger de Sein und Zeit ne s’étant pas encore séparé pleinement de cette tradition insurectionnelle que constitue la métaphysique. (Une thèse sur la notion d’insurrection dans l’oeuvre de Heidegger reste à écrire : et je compte bien être celui qui l’écrira.)

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  12. bonsoir chers philosophes !!!

    recherchant qq critique sur les dernier opus de M. Onfray, je suis tombé par hasard sur votre site :

    quelles surprises : querelles de chapelles et de boutiquiers !

    La philosophie n’est -il pas l’art de vivre en harmonie avec son milieu ?

    Beaucoup d’égo et de testosérone dans vos commentaires : la guerre est proche, pas la sagesse !!!

    bonne soirée

    F. Le Marchand – ignorant en philosophie

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  13. ce qui me choque de ces beaux esprits, c’est qu’ils ne se rendent pas utiles à leur patrie, et qu’ils amusent leurs talents à des choses puériles. Par exemple, lorsque j’arrivai à Paris, je les trouvai échauffés sur une dispute la plus mince qu’il se puisse imaginer: il s’agissait de la réputation d’un vieux poète grec dont, depuis deux mille ans, on ignore la patrie, aussi bien que le temps de sa mort. Les deux partis avouaient que c’était un poète excellent: il n’était question que du plus ou du moins de mérite qu’il fallait lui attribuer. Chacun en voulait donner le taux; mais, parmi ces distributeurs de réputation, les uns faisaient meilleur poids que les autres: voilà la querelle. Elle était bien vive, car on se disait cordialement de part et d’autre des injures si grossières, on faisait des plaisanteries si amères, que je n’admirais pas moins la manière de disputer que le sujet de la dispute. Si quelqu’un, disais-je en moi-même, était assez étourdi pour aller devant l’un de ces défenseurs du poète grec attaquer la réputation de quelque honnête citoyen, il ne serait pas mal relevé; et je crois que ce zèle si délicat sur la réputation des morts s’embraserait bien pour défendre celle des vivants! Mais, quoi qu’il en soit, ajoutais-je, Dieu me garde de m’attirer jamais l’inimitié des censeurs de ce poète, que le séjour de deux mille ans dans le tombeau n’a put garantir d’une haine si implacable! Ils frappent à présent des coups en l’air: mais que serait-ce si leur fureur était animée par la présence d’un ennemi?

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  14. Je trouve ces positions d’exclusion totalement insupportable.
    Que monsieur Emmanuel Fayes se soit livré à des recherches afin de démontrer qu’il y avait dans la pensée de Heidegger des ferments et plus encore, qui ne pouvaient n’être autre chose qu’une apologie du nazisme, il n’y a rien de critiquable à cela. Ce qui devient lourd et directionnel revient à la décision de mettre Heidegger au rébus.
    Vas-t-on s’occuper de l’oeuvre de Voltaire ou de Rousseau qui ont tenus des propos peu louables à propos des hommes de couleur, laissant apparaître en filigrane un certain racisme doublé d’un sentiment de supériorité, donc d’une certaine hiérarchie faisant de la « race » blanche le paradigme de ce qui doit être pris en considération ? Je peux continuer ainsi sur ce ton en citant d’autres noms. Tenez Céline par exemple, le vrai antisémite par excellence autant dire le vrai salaud, nous pourrions balancer « Voyage au bout de la nuit » dans un rayon que nous aurions pris soin de nommer « chiures » littéraires et mis en garde pour danger de conjonctivite ? Platon (que je n’aime guère)
    qui considérait les athées comme des gens sans raison et ce dont on parle très peu dans son livre X des lois. Il prévoyait un isolement total de cinq ans dans une maison de résipiscence avec les membres d’un « Conseil noctume » qui aurait pour devoir de les sermonner et ceux qui ne se repentaient de leur athéisme seraient puni de mort, lui aussi, c’est à dire son livre sur les Lois doit-il subir l’éviction ?
    Je suis pour la circulation de tous les écrits, de toutes les oeuvres. En interdir une c’est prendre le risque de les interdir toutes un jour. Nous avons connu cela dans un crtain pays.
    Je pense que « Mein Kampf » devrait être en vente libre.
    Cela permettrait de se rendre compte de l’ignominie de la pensée d’Hitler et de la lacheté d’une grande parti des ‘Européens de l’époque qui n’ont pas bougé.
    J’en parle d’autant plus aisément que mes parents ont combattu le nazisme, que nous avons caché des réfractaires et qu’il y a eu des mort chez nous.
    Que Monsieur Faye se soit documenté sur Heidegger et qu’il nous fasse connaître la parti sombre de ce penseur c’est très bien. C’est moins courageux d’en souhaiter l’interdiction.
    « Punition » stupide.
    Mettre la tête dans le sable, comme l’autruche ne nous préserve en rien d’un funeste destin possible.

    Cordialement.

    Louis Beretti.

    ____________________

    Réponse de Skildy :

    Dire qu’il s’agit d’interdire Heidegger est caricatural. La précieuse liberté d’expression, sa « valeur sacrée » ne doit précisément pas nous inciter à faire l’autruche vis-à-vis de textes qui justifient sur le fond le nazisme. Au minimum ils doivent être accompagnés de critiques et de mises en perspectives historiques et politiques.

    Les premiers à bafouer la liberté d’expression sont ceux qui s’en servent pour porter atteinte aux droits de l’homme. Cette liberté d’expression, si elle est un droit humain fondamental, est inséparable de tous les autres droits.

    Je suis convaincu, quant à moi, que Heidegger est parvenu à compromettre la philosophie dans la justification du nazisme. On ne doit pas se laisser rouler par un tel personnage. Non pas interdire, mais mettre à jour ses intentions et sa rhétorique. Quitte, effectivement, à disqualifier certains textes. Mais ce n’est en rien interdire. 

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  15. Evidemment on ne parle pas beaucoup des pré-socratiques, de textes. S’en prendre à Heidegger c’est difficile il faut lire : « Etre et Temps », « Acheminement vers la parole ». Je ne vois pas exactement pourquoi « Qu’appelle-ton penser » nous conduirait à devenir Nazi. Je n’ai pas lu le livre de Faye, juste des citations tellement approximatives qu’elles en sont ahurissantes (ça doit venir du fait qu’elles étaient hors contexte, enfin j’espère, sinon on peut se demander vraiment qui enseigne dans les universités ?). Encore une fois, affirmer que « Qu’appelle ton penser » est aussi dangereux à la pensée que le nazisme l’est à l’existence physique, me semble une réduction du Nazisme très dangereuse. Voir autant d’universitaires s’engouffrer là-dedans est plus qu’inquiétant.

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