Dans la Caverne de Heidegger

Les enchaînés de la caverne de Platon – ils sont enchaînés au Sensible – perçoivent des ombres dont ils n’ont aucune idée des objets dont elles sont précisément les ombres. Les objets sensibles de l’expérience immédiate sont semblables à ces ombres. Ils sont les « copies » de Formes qui existent dans le monde Intelligible. Ces Formes seules sont réelles : les objets sensibles n’en sont que les ombres. Ce mythe a donné lieu à une série non finie de variations sur le thème du dualisme du Sensible (en devenir) et de l’Intelligible (seul véritablement étant). L’idée est que la différence ontologique heideggérienne – l’Etre n’est pas l’étant – se calque sur ce dualisme tout en prétendant en expulser la métaphysique. L’aliénation heideggérienne ne consiste pas à être attaché au Sensible mais à être comme rivé à l’étant au lieu de s’ouvrir à la question de l’être. Les prisonniers de la caverne heideggérienne sont voués à l’étant et n’entendent pas la question de l’être. L’être, pour Heidegger, n’a en effet rien d’un étant. Ce n’est pas un objet. Il est même transcendant à l’être de l’étant. C’est pourquoi Heidegger écrit Seyn ou lieu de Sein ; estre en français selon Fédier et David. Quelle est la signification de ce mythe heideggérien ? L’idéal « éthique » heideggérien est que l’humanité véritable se signe de ce que l’on s’ouvre, et pour l’endurer, à la question de l’estre. C’est alors être-le-Là (Dasein). Le sens politique de cette « éthique » est que l’homme véritable est maître, absolument maître, et doit se purifier de toute ce qui relève de la culture d’esclave. Il reprend à Nietzsche l’idée que le christianisme est une philosophie d’esclaves. Il y ajoute, en nazi, que ce n’est qu’un judaïsme généralisé. Heidegger, fidèle à Hitler, a ainsi appelé à l’extermination, corps et âmes, de la judéité. Tout en ne cessant de maugréer contre les Allemands du III° Reich ce que l’on prend à tort, mais c’est bien commode, comme attestant d’un antinazisme. En réalité il se plaint surtout de ce que l’ « époque de transition » pousse les Allemands à trop s’atteler à l’étant au détriment de la « vérité de l’estre ». Fondamentalement l’institution qui s’approche le plus de l’idéal heideggérien est celle des Sonderkommandos, de ces juifs sacrifiés à un rythme de quelques semaines pour « gérer » les chambres à gaz et les fours crématoires. Car, en effet, là les Allemands ne sont pas à l’étant mais sont libres pour le questionnement de l’estre ! La plus-value est que, et Heidegger ne s’est pas privé de le proclamer, l’institution ferait la preuve que les juifs se sont auto-exterminés ! (Rappelons que, parfaitement responsables, des membres des Sonderkommandos sont parvenus à rédiger des témoignages et à les enfouir, protégés par des boîtes, dans le sol attenant aux chambres à gaz. Certains ont été retrouvés et leur contenu édité).

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