Petit contre-dictionnaire Heidegger : SOUCI [Le souci heideggérien est souci de soi d’une communauté raciale, d’un peuple-race à l’identité duquel appartient la vocation, parlant l’unique langue vivante de l’être, d’exercer une souveraineté absolue quant à la question de savoir qui sera maître ou esclave, mort ou vivant, humain authentique ou ombre servile ou nuisible].

Du souci il en est tout d’abord question dans Etre et Temps. « L’être de celui-ci – du Dasein – se révèle être le souci » (Gallimard 1986, page 231). (Dessen Sein enthüllt sich als die Sorge.)

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La thèse est centrale. Si l’analytique du Dasein fonde une ontologie cette fondation se donne ainsi pour base ceci que l’être de l’être-le-là, le Dasein, est souci, Sorge. L’essence du « phénomène humain » est le souci. « L’analytique du Dasein poussée jusqu’au phénomène du souci va préparer la problématique de l’ontologie fondamentale, la question du sens de l’être en général ».

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Dans Etre et Temps il est en effet encore question de proposer des réponses décisives et fondées à la « question du sens de l’être en général ». Dans La logique comme question en quête de la pleine essence du langage le concept de souci est surtout articulé à celui d’historialité en tant que, par là, il faut entendre les résolutions, les décisions qui témoignent de la manière avec laquelle l’être-homme soutient « l’épreuve de l’étant qu’il est ».

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Nous allons voir en ce sens que le « souci » heideggérien est essentiellement «souci identitaire ». On peut bien reconnaître l’échec d’Etre et Temps : Heidegger n’a pas véritablement répondu à la question du sens de l’Etre. Ce n’est pas grave pour Heidegger puisqu’aussi bien il était déjà convenu que, par « sens de l’être », il était en réalité question de la manière dont les « allemands » – les « aryens » – mettraient en œuvre leur souveraineté de « peuple-race ». De manière elliptique et terrible : le nazisme « est » le sens de l’Etre ! Hitler en dit le sens ! Tel est le traquenard « insoutenable » d’Etre et Temps : écrit et publié après Mein Kampf le délire hitlérien donne les réponses aux questions supposées purement philosophiques de Heidegger.

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Mais venons-en au « souci » façon La logique comme question en quête de la pleine essence du langage. L’inflexion est très nette. L’historialité, déjà déterminée dans Etre et Temps, prends l’avantage sur l’ontologie pure. Heidegger : « Le souci est la constitution fondamentale de l’être-homme en tant que temporellité, à partir de laquelle seulement devient possible en général n’importe quelle disposition affective. Parce que l’homme est exposé au-dehors dans l’étant, qu’il est transporté dans l’étant et que, en tant qu’étant historial, il est dans l’étirement, pour cette raison il peut seulement être en se tenant dans l’exposition-au-dehors, en répondant pour ou contre elle, et ainsi en soutenant l’épreuve de l’étant qu’il est ». (in La logique…, traduction Frédéric Bernard, Gallimard 2008 page 192 [163 GA38].

SorgeTexte allemand correspondant en GA38

Le souci est corrélatif de l’exposition « au-dehors dans l’étant ». Il ne serait rien si, à l’instar des étants animaux, le Dasein était privé d’une précompréhension de ce qu’est « être ». C’est dans la mesure même où il y a une précompréhension de ce qu’est l’être de l’étant que le Dasein est souci. Il est l’être pour lequel il y va de l’être, de son être. C’est sur le souci que repose l’ensemble des dispositions affectives telles que « volonté », « envie », « penchant », « appétit ». Ces dernières manifestent le fait que l’exposition au dehors implique d’être comme pris « dans » le temps. L’exposition au dehors est expérimentation de la temporalité du temps. L’exposition au dehors… c’est se découvrir ayant été enfant et voué à la mort. C’est se découvrir constamment tendu vers un à-venir.

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Le texte parle par ailleurs « d’étirement » en lien avec l’historialité. S’agit-il d’une forme – forme pervertie par le racisme « spirituel » de Heidegger – de conatus ? Il s’agit effectivement de durer, de « perséverer dans son être » et, pour durer, d’assumer son historialité : esprit de décision, de résolution, d’endurance. L’homme doit soutenir « l’épreuve de l’étant qu’il est ». Mais, précisément, l’être de l’étant allemand se singularise par le fait qu’il occupe le sommet, parlant la seule langue vivante de l’être, de la hiérarchie des « prétendants » à l’humanité.
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Dans des contextes nationaux-socialistes Heidegger s’est plaint d’avoir été mal compris. A l’époque d’Etre et Temps – 6 ans avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir – Heidegger n’était pas vraiment gêné par le fait que l’analytique du Dasein, doctrine du souci comprise, apparaissait comme une approche de la condition humaine universelle. Mais, précisément, il a souvent dit qu’il ne s’agissait pas d’une anthropologie. Il était de fait convaincu que seul le peuple allemand était à même de comprendre en conséquence ce que cela signifiait quant au rapport à l’histoire. Je soutiens ainsi que Heidegger a toujours eu une conception du souci comme « souci aryen » l’expression signifiant que le souci avait surtout pour objet la défense, par l’initiative historiale, du peuple-race en tant que privilégié quant à la compréhension de l’être. Un certain « travail », certaines « missions » et certaines « charges » lui incomberont qu’il sera le seul à pouvoir vraiment mettre en oeuvre. En cela Heidegger a fait partie des nazis qui ont toujours « espérer » en la « solution finale ». Il a attendu avec confiance les grandes décisions historiales relatives à l’extermination de l’ennemi « enté sur la racine intérieure du peuple ». C’est devenu effectif : Auschwitz satisfait, quoique partiellement, à l’ontologie heideggérienne. Cela ne sera pas admis avant longtemps : mais la doctrine heideggérienne du souci et de l’historialité éclaire ceci qu’Auschwitz est une « œuvre » allemande, « proprement » allemande (combien même de nombreux collaborateurs non allemands furent de la partie).

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Il y a en termes heideggériens un « souci de soi » en tant que souci de soi (du soi) d’un peuple-race. Auschwitz est l’expression d’un tel souci de soi raciste.

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Lisons cette phrase de la page 163 (GA38) : « Das Sein des Daseins als Sorge est der Grund der Möglichkeit der Selbstheit menschlichen Seins ». « L’être du Dasein – de l’être-le-là – comme souci est le fondement de la possibilité pour l’être de l’homme d’être soi ». Il faut encore le dire : il y a une apparente universalité du discours heideggérien. Mais le « soi » allemand est l’identité vécue d’un peuple-race parlant l’unique langue de l’être vivante et par ailleurs entravé dans sa quête par « l’enjuivement » (terme emprunté à Heidegger sur ce point tout à fait hitlérien).

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Le souci est, dans le contexte heideggérien (hitléro-heideggerien), ce par quoi tout un peuple, et un peuple-race, est conduit à se saisir de la question de son être en tant que « soi ». L’essor de la démocratie, le progrès technique – le triomphe de la métaphysique et de la machination juive – sont supposément responsables d’une aliénation en tant que « perte d’identité », en tant que perte d’un sentiment de soi tel que l’allemand est comme devenu étranger à lui-même. Ne nous trompons pas : Heidegger ne fait pas qu’écrire un simple chapitre sur le thème de l’aliénation en tant qu’effet, par exemple, de la sphère techno-capitaliste. Le « soi » allemand est celui d’un peuple-race appelé à administrer le monde selon sa compréhension de l’être. C’est un soi esclavagiste et exterminateur, la technique subissant ainsi un supposé tournant en faveur de l’être. L’heideggerisme est en ce sens une apologie de la chambre à gaz.

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Le souci heideggérien est souci de soi d’une communauté raciale, d’un peuple-race à l’identité duquel appartient la vocation, parlant l’unique langue vivante de l’être, d’exercer une souveraineté absolue quant à la question de savoir qui sera maître ou esclave, mort ou vivant, humain authentique ou ombre servile ou nuisible.
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Nous sommes ici en des lieux névralgiques de la topologie heideggérienne. Il nous faudra revenir sur ce groupe de notions et concepts que forment souci, soi, historialité et liberté.

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Ponctuons cette note par la phrase finale du paragraphe d) de la page 161 (GA38) :
« Le souci de la liberté de l’être historial est en soi ce qui autorise que règne pleinement la puissance de l’Etat en tant qu’il est la configuration d’essence d’une mission historiale ».

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Pour Heidegger le IIIème Reich était peut-être « total » mais certainement pas «totalitaire ». Par la triple identité Etat = Peuple = Führer c’est la Liberté du Soi du peuple-race allemand qui s’exprimait.

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