Petit contre-dictionnaire Heidegger : RACE (ET ETRE)

La thèse de l’article est que la notion de race, que Heidegger ne remet jamais en cause comme telle, est une des significations « à distance » que fédère la notion supposée purement ontologique de « être ».

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Le texte de référence se trouve à l’indice a) de la Reprise du § 14 du Deuxième chapitre de la Première partie de La logique comme question en quête de la pleine essence du langage. Il s’agit d’un cours de 1934. Il est publié dans le tome 38 de la GA. Le texte français cité est celui de la traduction de Frédéric Bernard publié chez Gallimard en 2008.

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Souvent nous usons du mot « peuple » aussi dans le sens de « race » (par exemple dans la locution « mouvement national-populaire » (völkische Bewegung).

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Cette précision est importante. Elle signifie que, dans le contexte idéologique de l’époque, le mot « peuple » était souvent entendu comme signifiant « race ». Peuple n’est donc pas ici la communauté politique mais la communauté raciale se définissant comme « allemande ». Le dé-constructeur Heidegger ne questionne pas vraiment cette sémantique.

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Ce que nous appelons « race » est en rapport avec les liens corporels, les liens de sang, unissant les membres du peuple, leurs lignées.

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Il s’agit donc bien de la communauté raciale. Le mythe est donc que, à partir d’un certain moment, des familles sont dites autochtones et déterminent des lignées ayant en commun d’avoir la même provenance de terre et de sol. Pour pallier à l’arbitraire et à la violence de la notion les nazis ont inventé le mythe de l’aryanité en tant qu’origine commune et lointaine des vrais allemands. Mais c’est croire résoudre une difficulté en l’enfonçant dans la brume des temps lointains.
Pour l’instant Heidegger ne rejette aucunement la réduction des liens corporels à des liens raciaux de sang.

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« Race », comme mot et comme concept, n’est pas moins plurivoque que « peuple ». Ce n’est pas un hasard, étant donné qu’il y a une connexion entre les deux.

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D’autre part Heidegger fait une connexion entre « peuple » et « race ». Il n’est absolument pas question, au contraire, de les opposer. Or, précisément, dans une démocratie le peuple est institué en vertu d’un désir commun d’un vivre-ensemble comprenant le principe de la diversité des provenances culturelles particulières. Le peuple s’oppose ainsi clairement à race. Du moins selon une perspective démocratique qui ne soit pas amputée ou pervertie par la réduction du commun aux liens de sang. C’est le cas avec Heidegger qui entend bien ne pas autonomiser la notion de peuple par rapport à celle de race.

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«Race » – Heidegger écrit Rasse – ne vise pas seulement le racial, en tant que ce qui est de l’ordre du sang, au sens de la transmission héréditaire, des liens héréditaires du sang, et de l’instinct vital, mais désigne en même temps souvent ce qui est de race, de bonne race, racé. Or ce caractère racé n’est pas restreint à des qualités corporelles, car nous parlons par exemple aussi d’une « auto racée » (du moins les jeunes parlent-ils ainsi).

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En aucun cas, et comme voudraient nous le faire croire certains heideggeriens, Heidegger n’oppose le deuxième sens au premier. « Race » ne vise pas seulement le racial »… La race au sens « racial » est donc pleinement intégrée dans ce cours entièrement soumis à l’autorité hitlérienne. Mais le mot a un autre sens quoique voisin.

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Racé : c’est la réalisation d’un certain rang, cela impose certaines lois, cela ne se rapporte pas en premier lieu à l’aspect corporel du peuple dans la famille et les lignées. Ce qui est racial au premier sens n’est pas du tout nécessairement racé, cela peut très bien au contraire être fort peu racé.

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Ce passage nous éclaire sur la conception heideggérienne de la « rasse ». Le racé « est la réalisation d’un certain rang ». Précisément une part essentielle du texte heideggérien est vouée à la construction du « rang » allemand. Parlant la seule langue vivante de l’être le peuple allemand est ainsi particulièrement racé. « Etre » c’est l’Inégal, ce en vertu de quoi le peuple allemand est spirituellement racé. Les cadres nazis n’ont pas seulement à justifier la pureté de leur sang mais aussi à acquérir les titres de noblesse de leur caractère racé notamment en s’ouvrant à la spiritualité heideggerienne.

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C’est absolument catastrophique. La philosophie elle-même devient un motif de « racé-lité » et comme en supplément (spirituel) de la « racia-lité ».

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La «question de l’être », le fait d’être particulièrement apte à l’entendre, voilà qui contribue au « racé » en sus de la « race ». Je soutiens ainsi que « être » est un des équivalents de « rasse ». Est racé celui qui, notamment en vertu de sa langue, sait faire pertinemment la différence entre « être » et « étant ». Et tout se boucle quand on se souvient qu’il vaut mieux, pour être parlé par la langue de l’être – et ainsi avoir de la race – avoir de bonnes origines de terre et de sang. Et cela même exclut les juifs.

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On pourrait ainsi écrire ce que veut dire être pour Heidegger.
On écrit être en majuscule devant une parenthèse regroupant la constellation des fonctions sémantiques directes ou indirectes que le mot, contextuellement, accomplit.

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ETRE [race, racé, tenue, destin allemand exceptionnel, souveraineté absolue…]

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Une description fine pourrait être faite, à terme, de «être » comme d’un nuage de significations.

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Voici le texte allemand correspondant :

HB (2)HB (1).

La copie du texte comporte un dernier paragraphe qui n’est ni commenté ni traduit.
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