L’être-avec heideggérien (Mitsein) est la transposition de la notion de « fraternité aryenne »

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« Absence de l’Autre ? C’est la critique la plus directement « lévinassienne ». Je ne pense pas que l’on puisse être aussi radical. Heidegger pose à plusieurs reprises la question du « Mitsein » dans Etre et temps, de l’être-avec. (§§ 9, 25-27) Cf. Le commentaire que j’en fais dans l’ouvrage collectif Autrui, Bréal 1999 p.180-183. Je m’efforce d’y montrer que l’être-avec est absolument originaire, co-originel à l’existence du Dasein lui-même, que le Dasein est « d’emblée et de prime abord » (comme dirait Heidegger) avec les autres ; que l’être-avec ne surmonte aucun solipsisme antérieur, qu’il n’a pas à être constitué (contrairement à Husserl, Méditations cartésiennes 5), et que par conséquent la solitude n’est pas l’absence de « Mitsein » mais un mode déficient de « l’être-avec ». Reste que certes, le Mitsein heideggerien n’a rien à voir avec l’ouverture au visage de l’Autre chez Lévinas »…

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C’est ainsi que, au cours d’un dialogue internet avec Jacques Laporte et Sylvain Reboul, Jacques Bonniot s’exprimait sur la présence, chez Heidegger, de l’Autre en l’espèce de l’être-avec, Mitsein, en tant que « co-originel à l’existence du Dasein lui-même ».

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Nous avons là affaire à une des innombrables illusions sur le sens d’Etre et Temps. « Dasein » n’est absolument pas un universel, un concept anthropologique au sens où son extension comprendrait tout être humain en tant que vivant disposant d’un langage parlé doublement articulé. Je maintiens mon «absurde et scandaleuse » interprétation : Dasein, dans Etre et Temps, est la transposition leurrante du terme national-socialiste de « aryen ».

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En signant sans correctif et sans remord, pour leur publication future, les Cahiers noirs Heidegger a cherché à léguer aux générations futures le principe d’une fidélité au national-socialisme et à l’hitlérisme. Nous savions déjà que le vrai Dasein, le Dasein allemand, parle la seconde langue de l’être après le grec, ce qui le place ontologiquement au sommet d’une hiérarchie « humaine » en tant que seule et pleine humanité, les Cahiers noirs nous « enseignent » que les juifs sont sans monde, sont sans sol, qu’ils sont les auteurs d’une machination dont un des traits est une déplorable « déracialisation » du peuple allemand.

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Il ne faut pas hésiter, malgré l’abondance et la complexité des méandres du discours heideggérien, à identifier l’opposition centrale qui le structure : le Dasein étant originellement au monde, tandis que les juifs sont sans monde, le Dasein est une sorte de principe de sélection entre humanité authentique et sous-humanité. Etre et Temps est la transposition « académique », sophistiquée, du mythe nazi de l’aryanité. Il était donc nécessaire que co-originellement à « l’être-au-monde » le Dasein puisse expérimenter un « être-avec ». Cet être-avec est au principe du sentiment de la communauté de sol et de sang. Ce n’est pas autre chose, en ce sens, que la « fraternité aryenne ». L’Autre est de ce fait celui qui est un semblable au sens strict ; il est celui qui est strictement un « autre soi-même » le soi renvoyant au sol et au sang de l’enracinement. C’est peu dire que cela n’a rien à voir avec l’ouverture au visage de l’Autre de Lévinas !

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Pour résumer : non seulement chez Heidegger Dasein se dit d’un enracinement dans un paysage, dans un lieu et une terre, mais se dit aussi de la singularité d’un peuple en tant qu’il parle la seule langue vivante de l’être. C’est par là que l’enracinement est un être-au-monde et non simplement une assignation territoriale. Mais, dans le même temps, le Dasein est expérimentation d’un Mitsein en tant qu’expérimentation de cette communauté de terre, de sang et de langue. Sans ce Mitsein le Dasein est une impossibilité. Mais alors qu’on attend d’une ouverture à l’Autre qu’elle dégage un horizon d’universalité, tout visage humain étant susceptible de susciter une expérience d’ordre éthique, le Mistein heideggérien est une fermeture agressive et violente au « danger » que représenterait une telle expérience!

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Il faudra dire et redire sans cesse que l’heideggérisme est la doctrine « académique » d’un Etat criminel génocidaire. Le Mitsein heideggérien est celui d’un peuple qui se pense comme autorisé à exterminer des êtres qu’il évalue en « toute justice » comme étant des sous-humains le menaçant dans son essence.

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L’ « autre » heideggérien s’arrête ainsi aux frontières de la fraternité aryenne. Au-delà les « humains » ne sont que des apparences, bien plutôt des animaux ou nuisibles ou destinés, à la condition d’un dressage adéquat, à la plus impitoyable des servitudes.

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1 commentaire

  1. Madame, Monsieur,
    Je suis extrêmement dubitatif devant le projet de votre blog, où se côtoient des lectures de Heidegger et des photographies de Jean-Marie Le Pen, étrange soupe où l’on a déversé toutes sortes de légumes pourris.
    Votre interprétation du Mitsein est complètement délirante, et je vais vous expliquer pourquoi en quelques points:
    1) La différence essentielle, fondamentale, totale, entre l’apparition d’Autrui chez Lévinas et « l’encontre » d’autrui dans Sein und Zeit tient à ce que chez Heidegger, autrui apparaît sur fond de monde (paragraphe 26). Heidegger veut étudier le Dasein tel qu’il se manifeste de prime abord et le plus souvent. Donc quand il étudie l’être-avec, autrui apparaît dans le monde ambiant (Umwelt), au sein de la zuhandenheit, donc: dans un réseau d’outils composant le monde ambiant. Or, et c’est très important, Heidegger précise que les autres Dasein ne peuvent pas être réduits à la zuhandenheit: donc quand on parle de Mitsein, de quoi parle-t-on? D’être-avec, en quel sens? L’être avec ne doit pas être pensé selon une figuration spatiale, comme superposition ou juxtaposition de choses sous la main. Non: l’être avec est ce que Heidegger appelle un existential, cad une structure ontologique du Dasein: l’être avec, en déduit Heidegger, doit être pensé à partir du souci. Le Dasein a le souci des choses, et devant autrui, il a de la sollicitude. Ce qui est passionnant, contrairement à ce que vous affirmer, c’est au contraire qu’il y a une grande ressemblance, au final, entre le Mitsein heideggerien et l’Autrui de Lévinas: dans les deux cas, ils sont les horizons d’une sollicitude (Heidegger), d’un respect éthique, d’un désir (Lévinas).
    2) Quant à ce que vous dites sur le Dasein, votre interprétation est en effet délirante et scandaleuse. Vous ne pouvez pas dire cela pour tout un tas de raisons. Je ne vous en donne que quelques unes. Tout d’abord, il est insensé de dire que Sein und Zeit est un livre écrit sur fond d’antisémitisme: comment expliquez-vous qu’il soit dédié à Husserl (qui, je le rappelle, était juif d’origine), « en témoignage d’amitié et de VENERATION »)? En plus de cette raison biographique, il y a grande proximité entre Sein und Zeit et la pensée juive (lisez le livre de Zarader au lieu de dire des conneries svp). Et enfin, et je m’en tiendrai là, le Dasein n’exclut nullement les Juifs, il exclut exclusivement certaines visions de l’homme: la vision scholastique de l’homme comme « animal rationale » (animal rationnel), et aussi la vision judéochrétienne, et donc juive, de l’homme comme image de Dieu (cf le paragraphe 10 de Sein und Zeit, si je me souviens bien).

    Je conclurai en vous disant que je ne nie pas du tout l’antisémitisme de Heidegger, ou du moins la dimension anti-juive de certains de ses écrits. Seulement, la question est complexe. Emmanuel Faye en personne n’approuverait pas vos stupidités. Quant au rapport entre Heidegger et le nazisme, ils sont éminemment complexes, regroupant données biographiques, historiques, enjeux philosophiques. Mais il est impossible de dire qu’en 1927, Heidegger est antisémite: son maître, qu’il vénère, est juif, ses élèves sont juifs, son amante est juive. Les premiers signes d’antisémitisme, chez Heidegger, apparaissent en 1933-35 (cf Introduction à la Métaphysique), et là il faut se poser la question de la nature de cet antisémitisme. Reste qu’en 1927, Heidegger n’a rien d’antisémite, et le Dasein n’est absolument pas une vision académique de l’aryen.
    Si vous ne me croyez pas, relisez Hans Jonas (qui était son élève, et qui était juif!), relisez son très beau livre, Souvenirs, où il écrit qu’avec la création de l’Etat d’Israël, les amphithéâtres des cours de Heidegger se sont vidés!
    Bref, votre article, pardonnez-moi l’expression, est une poubelle de l’internet. Vu votre niveau de rigueur et d’honnêteté intellectuelles, écrivez plutôt des articles sur Nabilla ou Cyril Hanouna, mais pas sur Heidegger qui, pour être critiqué, demande quand même plus de sérieux.
    Bien à vous,
    Un lecteur critique mais sérieux de Heidegger

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