Le rasoir de Heidegger – Pour une histoire du corps philosophant

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Une histoire de la manière dont les philosophes se rasaient serait à faire. Qu’est-ce que la « scénographie » pileuse de la tête nous apprendrait sur leur manière de vivre et de penser ? Cela ne serait au reste qu’un chapitre d’une histoire plus générale du corps philosophant.

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Avec Heidegger nous apprenons cependant immédiatement quelque chose. Il a guidé son rasoir au gré de quelques admirations dont celle qu’il a éprouvé jusqu’à la mort pour Hitler ou, pour le moins, jusqu’à ce qu’il reproche à son fantôme de ne pas en avoir assez fait. Sa dernière grande admiration fut ainsi pour lui-même, grand penseur mondialement célèbre et nazi invétéré.

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Imaginons ainsi le rasoir de Heidegger. Tenu par des mains admiratives de Nietzsche il laissa tout d’abord au-dessus de la bouche une moustache mesurément drue. Heidegger regarde intérieurement vers l’étoile Nietzsche mais ne la clone pas. Il a au reste une petite idée derrière la tête : faire mieux que Nietzsche.

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Les philosophes venaient d’entrer dans l’ère de la photographie. Désormais leur image littérale pouvait être diffusée massivement et dans le monde entier.

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Il était plus facile, du point de vue de la dignité philosophique selon Heidegger, de s’approcher davantage de Hitler comme modèle. Le penseur pour l’âme du peuple ; le dictateur pour sa direction. Le rasoir de Heidegger coupa en conséquence une partie de l’ancien hommage à Nietzsche. La pilosité heideggérienne changea ainsi d’univers. Cela ne fut pas sans conséquence puisque Heidegger fit de Nietzsche le dernier métaphysicien et que ce serait lui, désormais, qui allait porter, notamment grâce aux grandes décisions hitlériennes, le flambeau d’une pensée de l’être qui serait libre de métaphysique

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Ma collection de photographies de Heidegger est trop pauvre pour dater avec exactitude le retour de la grande moustache. Toujours est-il qu’après la seconde guerre mondiale Heidegger a guidé son rasoir de manière à voir réapparaître une grande moustache. Elle n’était plus nietzschéenne mais, cette fois, elle était heideggérienne.

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Et elle était heideggerienne aussi dans le sens où cette moustache est parfaitement allégorique de la méthode et de la duplicité heideggeriennes. Elle comprend en effet la moustache hitlérienne. Le poil hitlérien n’a pas disparu. Heidegger l’a seulement dissimulé dans sa propre moustache. Le langage corporel de Heidegger a mis à l’abri l’être de Hitler. On ne voit pas, ou plus, la moustache adolphique. Mais elle ne cesse pourtant d’être là. Surtout pour les lecteurs prévenus du rôle central que Heidegger fait jouer aux Deckname, aux « mots couverts », aux « mots de code ».

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La dernière moustache de Heidegger, grand synthèse personnelle entre Nietzsche et Hitler, est un tel Deckname non verbal, un « nom de code » pileux.

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Heidegger veille sur le national-socialisme.

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On peut compléter cette vitrine par les moustaches adolphiques de Julius Streicher, éditeur antisémite acharné et condamné à mort au procès de Nuremberg.

Julius Streicher.

 

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