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L’expérience de la pensée est un court texte que Heidegger a écrit en 1947. L’heideggérisme français en fait grand cas. Henri Birault a ainsi publié un essai volumineux, publié chez Gallimard, et intitulé Heidegger et l’expérience de la pensée.
Tout va bien puisque, selon un mythe en vigueur chez de nombreux philosophes, la démission de Heidegger du rectorat hitlérien de 1934 signifierait une prise de distance décisive du penseur à l’égard d’une compromission rapidement qualifiée par lui-même de « grosse bêtise ».
C’est une mythologie à laquelle nous n’adhérons pas.
Heidegger n’a jamais cessé d’être nazi et hitlérien. Et s’il a relevé ici ou là quelques défauts c’est pour les « relever » par une démarche visant à donner des fondements à une biopolitique d’extermination dont le nazisme hitlérien pouvait à ses yeux se targuer d’en avoir écrit les premières pages.
Je fais cette proposition : les problématiques heideggeriennes de la déconstruction, de la fin de la métaphysique, de la vérité de l’être, de la langue de l’être sont suspendues à l’horizon d’une révolution culturelle ultra conservatrice dont la dynamique repose sur le retour – « éternel » – d’une situation antérieure au « tu ne tueras pas » de la loi mosaïque.
Dans sa forme L’expérience de la pensée est ainsi forgé sur la symbolique de la croix gammée.
Cette croix gammée tourne de droite à gauche, de l’orient à l’occident, du lever au coucher du soleil.
C’est ainsi que la première page de gauche du texte – les pages de gauche sont en italique – célèbre le lever majestueux de la croix gammée :
Quand, dans le silence de l’aube, le ciel peu à peu s’élève au-dessus des montagnes.
Le critique qui regretterait qu’un esprit comme celui de Heidegger se soit abandonné à des tels clichés « poétiques » ne verrait pas qu’en réalité notre spécialiste en « grosse bêtise » ne fait ici, en 1947, que de hisser à nouveau le drapeau hitlérien.
La dernière page du texte, comme il se doit, célèbre le couchant de la dynamique du symbole :
Quand le soleil du soir, débouchant quelque part dans la forêt, revêt d’or les fûts…
Nous y sommes : la croix gammée a fait un tour!
Il y aurait donc bien comme une « aube dorée » heideggérienne.
Et cela au coeur même de l’institution philosophique. Faut-il alors s’étonner que quelques gros bras néo-nazis semblent parfois se mouvoir dans l’espace public comme s’ils étaient à nouveau chez eux?
Les « grecs » et les « allemands » – selon Heidegger – érigés idéologiquement en pilotes de l’Europe du crime.