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Pour le phiblogZophe il ne s’agit ni de penser sans Heidegger, ni de penser avec Heidegger, mais de penser contre Heidegger. On donnera à ce mot contre les sens qu’il requiert dés lors qu’il jouxte le nom d’un philosophe, réputé essentiel, qui introduit le nazisme dans la philosophie.
Tel est bien le sens de l’appel que je me permets de vous adresser.
Il serait autant sans portée que ridicule que je vous reconnaisse en préalable le droit de penser quelque chose, ce que vous croyez bon, de Heidegger.
Mais il faut d’abord mettre à jour la double pression que peuvent se faire les lecteurs rivaux de Heidegger :
Les uns : en s’appuyant notamment sur le titre « scélérat » d’E. Faye et selon laquelle Heidegger « introduit le nazisme dans la philosophie » certains espèrent nous intimider en nous rendant, nous qui aimons penser en compagnie d’un grand philosophe, objectivement complices d’une entreprise de légitimation d’une des pires horreurs qui n’aient jamais été perpétrées. C’est inadmissible : Heidegger est aussi un grand penseur et quels qu’aient pu être ses engagements, au reste condamnables, il a ouvert des chemins de pensée neufs, chemins que nous ne voulons pas laisser envahir par les mauvaises herbes d’un abandon qui signifierait une acception d’une forme de censure. Nous philosophons, stimulés et parfois même intrigués par Heidegger, et cela n’a rien à voir avec l’idéologie qu’elle soit le fait de Heidegger lui-même ou le fait d’une réduction brutale et inquisitoriale de son oeuvre à des engagements qui n’ont jamais été les nôtres et qui ne le seront jamais.
Les autres : vous dites que vous philosophez vraiment avec Heidegger et, qu’à ce titre, la polémique qui gronde, surtout en France, du fait de ses rapports avec le nazisme, constitue un obstacle voire un prétexte pour disqualifier ou nuire à votre démarche. Osez accepter d’envisager que, du point de vue d’un « philosophe nazi », cela revient à participer pleinement à la perpétuation de la « planque » qu’il a su, il est vrai brillamment mettre en place, et qui est le lieu, malgré vous, de perpétuation d’un fond de justifications d’une politique d’extermination. Ce lieu est la tanière où se repose et se réconforte la « bête immmonde ». Pour notre part nous sommes convaincus qu’en ce moment même des mouvements d’extrême-droite exploitent « comme il se doit » ce fond pour justifier des atrocités actuelles et futures. Nous qualifier de calomniateur, d’inquisiteur, de scélérat manifeste une volonté de persister dans une schizophrénie institutionnelle irresponsable. Vous cherchez à faire croire que nous serions des ennemis de la pensée et, de ce fait, que nous aurions quelque parenté avec les auteurs d’autodafés des années 1930. Le véritable « crime contre l’intelligence », selon nous, c’est d’abord Heidegger qui le commet, en soumettant la philosophie à une instrumentalisation visant à perpétuer une hiérarchie raciste des sociétés humaines. Et il est perpétré, de même, par tous ceux qui font obstacle à une compréhension de l’articulation entre ontologie et politique.
Voilà où nous en sommes : alors que Levinas avait, dés 1976, pointer la possibilité d’une relation étroite entre l’ontologie fondamentale, et notamment entre l’ontologie heideggérienne, et le « Mal élémental » en l’espèce du nazisme, Elisabeth de Fontenay ne trouve pas mieux à faire que de reprocher à Levinas une sorte d’insensibilité à la question du lieu. « …On peut se demander, écrit-elle, si l’une des plus décisives différences entre Levinas et Heidegger ne se trouve pas dans le discrédit dont le premier a frappé les superstitions, génies et autres mystères propres au lieu. »
Il est question de nazisme, rien de moins, de ses résurgences actuelles – Ah! Les Temps modernes! – et du rôle actif que joue Heidegger dans la « déconstruction » de l’humanisme – entendez dans la justification des atrocités – et on nous parle de superstitions, de génies et « autres mystères propres au lieu »!
Notre solution : pensons quelque chose de Heidegger mais pensons contre Heidegger!
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A quand, sur fond des horreurs du Congo, du Darfour, de la nucléarisation de l’armée iranienne, des jets d’acide talibanesques sur des jeunes lycéennes, un numéro spécial des Temps modernes sur le thème :
Superstitions, génies et mystères des lieux de nos terroirs!
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