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Pour nous reposer des 1700 pages de Maxence Caron sur Heidegger je propose ici une fiche résumé en 9 points de la « pensée » de Heidegger.
Ces points sont formulés à l’aide de citations empruntées à Heidegger lui-même. (Je reprends par conséquent la note précédente. Mais j’y ajoute un point supplémentaire ainsi que la citation exacte correspondant à l’idée selon laquelle nous ne saurions pas encore ce qu’est penser.)
Sous la boutade j’espère qu’il y a une question sérieuse. On dira que j’insulte le maître en mettant sur le même plan, avec le point 4 sur la « voix du sang » et le point 5 sur « l’extermination totale », des dérives idéologiques abjectes et condamnables et une pensée ontologique sublime.
Ma thèse est qu’il ne s’agit que d’un changement de plan d’expression. Sur le fond il y a une cohérence doctrinale profonde entre les 9 points.
4 et 5 ne font qu’énoncer explicitement, dans un contexte marqué par l’hitlérisme triomphant, ce que les autres points disent dans le secret du crime.
Nous ne sortons jamais, avec Heidegger, de l’herméneutique du Dasein en tant que « science allemande » de la manipulation du Volk, du peuple.
Le point 2, par exemple, « nous ne pensons pas encore » est destiné principalement à faire la publicité en faveur du Volk en tant que « peuple de poètes et de penseurs ».
Et comme, pour Heidegger, il faut mettre à l’actif de ce Volk « l’oeuvre » d’Auschwitz on croit comprendre ce que signifie en réalité « penser ».
Les points proposés ne sont pas présentés, pour le moment, dans l’ordre chronologique de leur formulation.
Notons cependant que le point 7 qui, en répudiant le principe d’objectivité en histoire, ouvre la voie à tous les négationnismes, a été formulé en 1925 avant la rédaction d’ Etre et temps.
Ce point éclaire d’un jour cru toute la démarche de Heidegger ainsi que celle des heideggériens « intégristes. »
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1. “La question de l’être est aujourd’hui tombée dans l’oubli… »
2. « Ce qui donne le plus à penser, dans notre temps qui donne à penser, c’est que nous ne pensons pas encore ».
3. « La science ne pense pas ».
4. « La voix du sang provient de la disposition affective fondamentale de l’homme ».
5. « L’ennemi peut s’être enté sur la racine la plus intérieure de l’existence d’un peuple, et s’opposer à l’essence propre de celui-ci, agir contre lui. D’autant plus acéré, et dur, et difficile est alors le combat, car seule une partie infime de celui-ci consiste en frappe réciproque; il est souvent bien plus difficile et laborieux de repérer l’ennemi en tant que tel, de le conduire à se démasquer, de ne pas se faire d’illusions sur son compte, de se tenir prêt à l’attaque, de cultiver et d’accroître la disponibilité constante et d’initier l’attaque depuis le long terme, avec pour but l’extermination totale.”
6. « L’homme est le berger de l’être. »
7. (L’) « …idée d’objectivité n’est pas de mise dans la science historique pour des raisons essentielles ».
8. « La vérité est, en son essence, non-vérité ».
9. « La raison est l’ennemie la plus acharnée de la pensée ».
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La thèse est sans concession : le texte heideggérien est entièrement architecturé par ces points (et quelques autres).
Si Heidegger avait véritablement renié son nazisme il n’aurait, par exemple, jamais écrit le point 6 : « L’homme est le berger de l’être ». Et ce point 6 est rédigé aprés la guerre. (La « petite phrase » est extraite de La lettre sur l’humanisme.)
Il faut en convenir : la quasi sanctification de Heidegger en grand philosophe fait obstacle à une compréhension du sens effectif de son texte.
Elle oblige à pratiquer une gymnastique quasi négationniste. Dans le contexte heideggérien il faut pouvoir soutenir que le thème de « l’oubli de l’être », par exemple, ne mène pas à la reconnaissance de la « voix du sang ».
C’est typique de la stratégie de Heidegger : certains champs sémantiques sont suffisamment larges pour qu’on puisse, en effet, y tracer des itinéraires « innocents ».
Mais c’est précisément par cette indétermination que l’introduction du nazisme dans la philosophie s’effectue.
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très bien
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