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Le Struthof est l’unique camp de concentration allemand construit en France. Il se trouve prés de Natzwiller à environ une demi-heure de Strasbourg. (Vichy aura ses propres camps, bien français.) Il était par ailleurs le centre administratif d’un réseau de camps annexes. Dans ces camps annexes la mortalité y était nettement plus élevée qu’au Struthof même. Elle atteignait 80%. Une majorité de déportés juifs, en provenance parfois d’Auschwitz, y fut internée pour faire fonctionner l’industrie de guerre nazie.
Le Struthof est à la limite entre le camp de concentration à régime sévère et le centre d’extermination. Car, pour satisfaire les exigences de la « science allemande » installée à l’Université de Strasbourg, une petite chambre à gaz expérimentale fut construite dans une ancienne salle des fêtes à quelques kilomètres du camp.
Prés d’une centaine de juifs furent gazés dans cette chambre à gaz dans le but de fournir des squelettes appelés à illustrer « scientifiquement » le danger de dégénérescence que constituaient les juifs pour la « race allemande ». Des tziganes furent utilisés comme cobayes pour expérimenter de nouveaux gaz. Bref, il s’agissait de documenter l’anthropologie telle que la concevait l’université hitlérienne.
Ce n’est pas uniquement parce que sont depuis peu accessibles des textes heideggériens d’une violence et d’une abjection inouïes que je me suis permis cette nouvelle inadmissible et provocante « diffamation ».
C’est aussi parce que le Struthof a quelque chose de Heidegger.
Il a été en effet installé dans un site sublime. C’est un grand camp paysager.
Je recommande d’ailleurs au visiteur-lecteur d’emporter avec lui le texte de Heidegger intitulé L’expérience de la pensée. (La thèse est en effet que ce texte de « pure pensée » est en réalité structuré symboliquement sur le modèle de la croix gammée).
Ce que Heidegger appelle « pensée », qu’il oppose précisément à la philosophie, n’est en réalité que la rhétorique « poético-ontologique » du Volk, du peuple en tant que peuple-maître, ne reconnaissant pas d’autre loi que la sienne et l’imposant aux autres peuples y compris sous la forme de « l’extermination totale ». (Expression empruntée à Heidegger).
Au centre de l’image on peut apercevoir la flamme de la mémoire. Elle indique aussi où se trouvait le camp principal >
La flamme est visible à gauche de l’image.
L’image suivante résume bien l’horreur du dispositif : la servitude, la souffrance, l’exposition au sadisme des gardiens, la faim, la mort dans un paysage sublime.
« L’homme habite en poète », certes. Mais le poétique est le fait du peuple de « penseurs et de poètes ».
Les déportés, dans le camp symboliquement exemplaire du Struthof, sont absolument étrangers, « exo-gènes » au paysage.
« L’homme habite en poète »… mais ils ne sont pas des hommes, des « Mensch ». Ils ne mourront pas : ils périront.
Si l’espace, le bâtir et l’habiter ont été mis en avant par Heidegger c’est aussi parce que ces thèmes permettaient de produire une vision « concrète » et « pionnière » de l’antisémitisme et du racisme meurtriers d’Etat.
Au Struthof, et alors même que les paysages de hauteur traduisent traditionnellement la pureté et la supériorité de « l’allemand », la pente du camp de concentration est utilisée comme un instrument de torture quotidien.
Les escaliers qui relient chaque terrasse sont « judicieusement » raides. Des captifs rapportent qu’ils avaient appris à franchir les escaliers en plaçant leurs mains sur leur genoux. (Les baraquements étaient construits sur les terrasses.)
Tout cela forme un magnifique paysage heideggérien. Le « monde ambiant », la « spatialité du Dasein », l »être-pour-la-mort », le « commencement originaire », l' »éthique originelle » et même l' »expérience de la pensée » hantent à jamais ce lieu.
Le Struthof est un cas de la pensée – de la « pensée spatiale » – selon Heidegger.
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Eh bien, en voila un bel exemple de l’application directe d’une doctrine de « pensée » aux champs concrets de l’architecture et du paysage…
Quelle est la pensée qui régit l’habiter d’aujourdh’ui ? le même ? hm…
Babatz, bien installé dans le pays des anarchistes et pret a re-publier…
amitiés.
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je sais pas comment ils ont fait pour survivre la dedans mais c’est complétement horrible et triste a la fois
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