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Il n’y a pas encore si longtemps Nicolas Plagne, pour enterrer le livre d’Emmanuel Faye (Heidegger, L’introduction du nazisme dans la philosophie) écrivait ceci :
Proche de la Révolution conservatrice et d’Ernst Jünger, Heidegger était loin de la répulsion de Mann devant le nazisme mais admit par sa démission douter du régime dans lequel il avait placé ses espoirs d’une renaissance nationale, certes brutale et injuste à certains égards, mais selon lui nécessaire (la «raison d’Etat» si l’on veut).
On appréciera l’aimable formule « brutale et injuste à certains égards » suivie de l’expression « nécessaire ». Et puis, surtout, voilà notre anti-cartésien patenté dit avoir douté du régime « dans lequel il avait placé ses espoirs »! Je ne joue pas vraiment sur les mots. Car si Heidegger a douté de quelque chose c’est précisément de la capacité de ce régime à pratiquer la biopolitique d’extermination à grande échelle! Heidegger est un nazi total, et le démissionnaire de 34 est en réalité un enragé que le parti dégage de la direction de l’université, qu’il faut prendre avec plus de diplomatie, pour le laisser « ontologiser » à souhait le nazisme. Heidegger s’est constitué ainsi, selon nous, en super-recteur du fondamentalisme nazi. (Bref, un « recteur transcendantal »…)
Je propose une « petite glose » de la page 19 de La logique comme question en quête de la pleine essence du langage.
On assiste ainsi au spectacle comique et déjà passablement ridicule que ce sont précisément les nombreux médiocres partant en guerre aujourd’hui comme hier contre le rationalisme et l’intellectualisme qui s’y enlisent sans rien y voir et s’y engloutissent.
Heidegger (paraît-il devant des « officiers nazis ») cherche à bien tenir son rang! Il se « vend » comme le penseur du nazisme. Et s’il a été parfois taquiné il se met en position de répondre par une surenchère qu’il va justifier. Les médiocres rationalisent et intellectualisent leur soi-disante destruction de l’intellectualisme et du rationalisme. Seul Heidegger tient la route. C’est là son offre de service à l’appareil du parti. Et ce n’est pas seulement de l’ordre du verbe. Par divers recoupements j’ai acquis la conviction que, lorsqu’Heidegger a fustigé l’indigence des dirigeants nazis, c’était en réalité pour leur reprocher de ne pas avoir pu mettre en oeuvre un vaste programme de « solutions finales ». La folie en partie spenglérienne de cette conception réside dans la certitude que le bon usage de la technique consiste dans l’utilisation de l’avantage des technologies de meurtre de masse pour assurer, par le « vide », une domination pour « mille ans ». (Et cela s’est peut-être joué à propos de la bombe atomique).
Mais continuons.
Il ne suffit pas de vitupérer contre l’intellectualisme pour le surmonter, mais il y faut la consistance et la rigueur d’une pensée entièrement neuve et assurée. Cela ne viendra pas du jour au lendemain ni sur commande. Cela ne viendra pas tant que la souveraineté et la puissance de la logique traditionnelle ne seront pas brisées de fond en comble.
L’ambition intellectuelle de notre trans-recteur fait absolument corps avec le nazisme. J’ai déjà suggéré ailleurs qu’un des objectifs de la « logique » heideggérienne était, en détruisant notamment tout horizon d’universalité, de faire en sorte que certains meurtres ne soient plus précisément des meurtres. Ailleurs, dans La logique…, il laisse entendre que la dimension de meurtre – mais s’il le disait clairement cette dimension précisément ressortirait – disparaît du fait même de la différence ontologique. Les « Allemands » ont une vocation ontologique. Et ce n’est pas être meurtrier que de vouloir « simplement » purifier la terre de l’ontique. La formule heideggérienne d’Auschwitz c’est : moins d’ontique et plus d’ontologique! Qu’est-ce que cela a de meurtrier?
Cela exige une lutte dans laquelle se décide notre destin spirituel et historial, une lutte pour laquelle nous n’avons aujourd’hui même pas encore les armes et dans laquelle nous ne connaissons même pas encore l’adversaire, si bien que le péril nous guette de faire à notre insu cause commune avec lui, au lieu de l’attaquer.
Pour le dire de manière crue : discuter avec l’adversaire c’est encore se mettre sur un terrain où il joue gagnant. Et, comme il le suggère au reste dans l’ Introduction à la métaphysique, il ne s’agit pas non plus pour l’essentiel de livrer une guerre classique. Il faut exterminer et trouver la « pensée » qui corresponde à une fondation ainsi constituée. Le projet est bien celui d’une « civilisation » qui aurait intégré le rejet de l’interdit de meurtre. La magnificence de Heidegger est l’habillage, la publicité mais aussi le voile de dissimulation de cette monstruosité. Les notions de « tournant », de « commencement originaire », d' »historialité » nomment diversement, chez Heidegger, le rôle de fer de lance meurtrier de l’europe que doivent jouer les « allemands ». Les élèves idéaux de Heidegger sont les cadres supérieurs de cette conception thanatocratique de la domination. Ils doivent s’initier à la nouvelle parole.
Il faut savoir que ce qui tient notre histoire sprituelle remonte à deux mille ans en arrière. Cette histoire, dans sa force configurante, est encore aujourd’hui du présent, même si la plupart n’en ont pas la moindre idée.
Heidegger, ici, joue l’historialité contre l’histoire, contre les pesanteurs de l’archéologie. Mais, nous allons le voir, il va s’agir de faire encore mieux que les grecs. Notamment en se délestant de la tradition de leur transmission humaniste. L’objectif de Heidegger est selon nous de faire barrage à une conception qui ajointe humanité, progrès et technique. Le Volk doit rester maître d’une puissance meurtrière paraît-il éclairée d’une perspective ontologique et s’en justifiant.
Nous gardons, pour dire cette lutte, le simple mot de la tradition : « logique ». Ce mot doit nous maintenir en mémoire que notre être-le-là historial, et avec lui toute explication dans laquelle s’engage notre pensée, sont portés par la logique des Grecs. Le nom de « logique » doit nous obliger à la tâche de questionner plus originalement et plus profondément ce qui s’est imposé aux Grecs, avec la logique, comme la puissance qui les a façonnés, comme la grandeur de leur être-le-là historial, et qui a depuis lors établi son empire sur l’esprit en tant que logique occidentale.
Mais pourquoi s’évader de cet empire? Il s’agirait de donner tort à la célèbre réplique d’Aristophane : « Grecs du monde entier unissez-vous! » Il ne faut plus que le modèle grec d’un développement humain général – occidental mais en réalité mondial et « cosmopolitisé » – permis par une maîtrise technique de la nature, réprime la vocation historiale du Volk. De manière plus directe, mais nous y revenons toujours avec Heidegger, la technique doit surtout demeurer, « ontologiquement », une sorte de différentiel d’extermination. C’est pourquoi j’ai pu dire que, pour Heidegger, le « joyau » du nazisme était la chambre à gaz. Et les dirigeants ont été des indigents à perdre aussi bien l’avantage que de ne pas avoir donné toute l’extension requise pour « sélectionner » l’ontique de l’ontologique.
L’interprétation nazie de la différence ontologique, interprétation proposée par Heidegger lui-même, est la clé de la conception heideggérienne du bon usage de la technique.
Seul un long et douleureux détachement peut nous mettre en liberté et nous préparer à être capables de créer la nouvelle figure de la parole. Nous prenons nos distances avec la condescendance qui se donne à bon marché l’illusion d’une supériorité sur la logique en n’y voyant qu’un fatras de formules. Nous apprenons à prendre au sérieux la puissance d’une pensée qui s’exerce depuis longtemps, et la nécessité d’en arriver avec elle à un dépassement créateur, sans lequel un changement de notre être-le-là serait sans assise.
Heidegger consolide sa représentation de fondateur de la « spiritualité nazie ». Il faut bien connaître l’adversaire. On peut le nommer : humanisme universaliste, progressisme, socialisme, droits de l’homme… Cette « nouvelle figure de la parole » que l’on peut se réprésenter naïvement sous les traits d’un joli aphorisme ontopoétique heideggérien a en réalité quelque chose à voir avec la parole qui était celle des SS quand ils daignaient s’adresser vocalement à leurs victimes. Elle est, cette nouvelle parole, une lame de sélection entre l’ontique et l’ontologique, la différence ontologique faite arme meurtrière. Arme qui tue déjà dans la mesure où elle rend innommable et inqualifiable le meurtre. L’ontique, c’est aussi un nom heideggérien pour la « sous-humanité ». C’est le nom des « poux », des « cafards ».
En voulant cela, nous comprenons qu’une refonte des sciences, à supposer qu’elle soit en encore possible, ne peut s’accomplir qu’ainsi : à partir d’un renversement de l’attitude du savoir avant toute science. Ce renversement ne s’opérera que dans la mesure où s’accomplit un long et inlassable questionnement ne reculant devant aucun bouleversement, un questionnement qui nous fait entrer dans la décision ultime.
Le langage du renversement! Précisément il faut renverser, pour Heidegger, tout ce qui se revendique de l’universel. Le techno-scientifique doit s’affiner et s’affirmer comme « différentiel d’extermination ». En 1934 il s’agit d’entrer dans la « décision ultime », cette esquisse de la solution finale.
Par les puissances sagesse et erreur, être et apparence, l’homme est dominé d’égale façon, et il ne s’agit pas de jouer une puissance contre l’autre, car c’est précisément de la discordance des deux que l’homme reçoit sa vocation.
Le « druide nazi » (Deleuze) a parlé.
La logique n’est donc pas pour nous un entraînement pour arriver à une manière meilleure ou pire de procèder dans la pensée, mais un questionnement qui mesure pas à pas les abîmes de l’être; non pas la collection desséchée des lois éternelles de la pensée, mais le site où à lieu ce qui dans l’homme est digne de question, ce qui fait sa grandeur. Mais la logique est ainsi bien moins encore l’expression brouillonne d’une vision du monde, elle est au contraire un sobre travail auquel ne peut nous engager qu’une impulsion authentique due à l’urgence d’une nécessité essentielle.
Le « nomos » heideggérien de la terre, qui s’apparente en l’occurrence à une sorte d’oeuf gigantesque du Volk souverain, doit être protégé et délivré de tout ce qui, notamment en tant que « conception du monde », le dissoudrait dans un « socialisme » non national. La formule a son sens : Heidegger cherche à fonder logiquement un national-socialisme capable de s’opposer à un international-socialisme. La condition, on l’a vu, étant de pouvoir user d’un « différentiel d’extermination ».
La nouvelle figure de la parole est une sorte de novlangue destinée à cultiver en toute magnificence un unilatéralisme radical et ontologicopolitique. Heidegger apparaît ici pleinement et clairement comme le « penseur » de la révolution culturelle nazie. Tel est l’enjeu de La logique…
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A gauche l’ancien (?) recteur transcendantal de l’Université hitlérienne, à droite Hitler lors du congrès de Nüremberg de 1934. Continuité d’une « magnificence ».
Notons le soin particulier avec lequel Heidegger a toujours soigné son image. Fidèle nazi jusqu’à la tombe il a joué sur l’invraisemblable et l’incroyable pour perpétuer une version toute en « grandeur interne » du nazisme.
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A la fin de son livre sur Heidegger Pierre Bourdieu écrit que le penseur est moins le sujet que l’objet de ses stratégies rhétoriques les plus fondamentales, celles qui se mettent en oeuvre lorsque, guidée par les schèmes pratiques de son habitus; il est en quelque sorte traversé, telle un médium, par la nécessité des espaces sociaux, inséparables d’espaces mentaux, qui entrent en relations à travers lui.
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vous proposez des voies de compréhensions toujours aussi intéressantes,mais je pense qu’aucuns d’entre ceux qui critiquent Heidegger n’aient véritablement saisie,à part peut etre Michel Bel-d’ailleurs, auriez vous de ses nouvelles?-le mécanisme par lequel sa phénoménologie retienne encore toute l’attention:c’est à dire que la lecture d’Etre et Temps,la manière de le lire,aura toujours davantage de force de persuasion,liée à la structure meme du texte, que ses comtempteurs ne sauront jamais le deplorer.
Comme le remarquait monsieur Bel aux cours de ses nombreuses interventions,la séduction de cette oeuvre réside dans la juxtaposition d’un certain nombre de facteurs:un langage et des problématiques qui restent authentiquement philosophiques, mélées a des considérations politiques dont toute l’horrible teneur n’est révélée que tardivement ,à mesure de la publication de la gesamtausgabe.
Ce à quoi s’ajoute un langage codé,pour parler comme monsieur Goldschmitd,qui travaille l’oeuvre en profondeur mais dont on ne peut prendre véritablement conscience qu’en lisant l’oeuvre en allemand.
à cet égard l’équivoque la plus flagrante, et qui peut fournir l’entière mesure de la problématique, commence dès le chapitre 27, avec la fameuse « dictature du on », qui reste à la fois une authentique description phénoménologique (on ne retirera pas cela à Heidegger, et surtout pas la possibilité de l’interpréter de cette manière, sinon je pense que ni Derrida,ni Lévinas n’auraient renouveler jusqu’à la fin leur dette à l’égard de Heidegger), mais qui peut tout aussi bien etre le terreau intellectuel et fertile jetant les bases du nazisme….
De là à dire qu’il fut le pape de cette tragédie…. il n’y à qu’un pas que l’erudition certaine d’un Michel Bel m’a parfois fait franchir, mais tout ce qu’il à dit-et Dieu sait s’ils comprenaient ces réticences- me semble encore recéler une part d’indécidabilité.
Bien à vous.
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Puis-je vous dire par quelle phrase, – liée à l »‘accord secret » qu’Heidegger, dans ce cours, révèle avoir passé avec Hitler – , le dictateur Heidegger déguisé en professeur tranquille, a ordonné l’assasinat de Röhm, la décimation de la SA , la décapitation de von Schleicher et de quelques autres ou dois-je encore me taire?
S’opposer à la SA n’est pas s’opposer au régime, contrairement à ce qu’affirme sottement Fédier qui tient cette idée absurde de Ritter, encore moins à Hitler qui était le bon cheval sur lequel il avait misé. Pour le nouveau et dernier Dieu Heidegger, il ne doit y avoir qu’une force armée, celle de l’Etat chargé de la « mission historiale ». Maintenant trouvez la phrase et vous aurez compris pourquoi Heidegger a quitté le rectorat en mars 34. Il ne fallait pas que l’opinion publique pût penser qu’il était mêlé à cette sale affaire, pourtant nécessaire à ses yeux pour pouvoir devenir le généralissime germanique chargé de faire accomplir la mission purificatrice et ordonner l’une après l’autre les tâches nécessaires à cette fin.
Je tiens à préciser, contrairement à ce qu’a laissé croire un périodique français, que le cours d’Heidegger a eu lieu au semestre d’été, c’est-à-dire d’avril à juin inclus, et non après juin , et que la nuit des longs couteaux, bien préparée par le conditionnement du gourou et commanditée par lui avec l’accord de l’Armée et du »Casque d’acier », a eu lieu le 30 juin, aussitôt après la fin du cours. Heidegger, l’Armée et le Casque d’acier étaient intimement associés dans le cadre du « Service du travail » ; service du travail, – active préparation militaire déguisée – , que le recteur Heidegger a imposé aux étudiants dès 33. En 1933 Heidegger demandait également aux étudiants d’entrer dans la SA. Devant les réticences de Röhm à se plier à ses ordres et à se soumettre à l’Armée pour assurer la mise en place du Führer principe au niveau de l’Etat, Heidegger, suivant en cela les préceptes de Machiavel germaniquement relus par Fichte et par Hegel, a jugé « incontournable » de le liquider et de « refonder » le « mouvement ». Tout est dit dans le cours , bien sûr de manière feutrée, pas folle la guêpe!
Faites un rapprochement avec l’ordre de la mise à feu des bûchers dans Der Ister en 1942 et avec la leçon sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel où Heidegger dit que la tâche la plus urgente pour la réalisation de l’oeuvre consiste à « préparer le bûcher avec du bois approprié et choisi jusqu’à ce qu’il prenne feu enfin », et je crois que vous ne pourrez plus douter de ce que BEL ne cesse de dire depuis des années. Mais pour bien comprendre tout cela il faut remonter jusqu’à l’année 1905 où Heidegger a fait l’expérience de ce qu’il nomme « le néant » c’est-à-dire le moment tragique où il a vécu , adolescent , un effondrement moral complet du fait de la répression ecclésiastique de certaine chose jugée passible de l’enfer éternel.
Vous comprendrez alors facilement qu’il ait voulu changer de monde. Mais les esprits ne sont pas encore prêts pour comprendre la paranoïa des millions de fois criminelle du « libérateur » qui se prenait pour le « cygne blanc » de Messkirch. II faut du temps, beaucoup de temps pour commencer à dissiper les brumes. Nietzsche disait qu’il fallait un siècle; nous n’en sommes pas très loin.
M.B.
07.03.2008
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Heureux de vous retrouvez sur ce blog:).
Rassurez-vous, la lecture de nietzsche et de hegel,en particulier ,chez le premier, la présentation des catégories de la psychologie des profondeurs (je conseil à tous de lire la présentation claire et succinte faites par deleuze dans son Nietzsche) et chez le second la compréhension de la Belle ame et de la conscience malheureuse m’ont permis de lire heidegger sous un angle plus critique et de tenir à distance en les mettant à jour, les effets des passions mortifères qu’induit une certaine lecture.Je pense qu’effectivement-tout en étant globalement d’accord avec vous pour des raisons que je n’exposerai pas ici, faute de temps et de préventions morales,-que le probleme majeur réside dans la dyssymétrie latente et fatalement perenne entre la réception française débarrassée des oripeaux institutionnels, pour les besoins de la cause( que vous avez longuement évoqué et qui me semble juste: doctrine antimarxiste,rejet du christianisme,mais surtout,plus subtilement comme le pensait BOURDIEU,besoin de substituer sa philosophie existentielle à celle de sartre pour permettre à ses comtempteurs de placer leur bille dans le champ universitaire français; je pense à beaufret et ses disciples:les stratégies de pouvoir ont eu, toujours d’après bourdieu, autant d’importance-,et, ce faisant, ont contibué à occulter, pour les besoins de sa postérité(celle de Beaufret), les textes ambigus sinon ouvertement nazis- et la prise de conscience dans toute sa plénitude, des problèmes éthiques graves que posait un livre comme Sein und Zeit; que l’adhésion profonde pour des raisons intimes à l’ontologie heideggérienne…..je ne vous apprend rien que vous ne sachiez déja sur ces aspects et bien d’autres,dont je devrais d’ailleurs davantage me préoccuper comme l’etude en profondeur des passages problématiques de l’oeuvre( j’ai tenté de le faire,avec mes moyens intellectuels encore peu assurés, par une tentative de lecture symptomale (dieu que je trouve cela encore trop présomptueux…) sur deux oeuvres que j’ai beaucoup lus: Etre et Temps et les problèmes fondamentaux de la phénoménologie-, livres ayant une tel densité intellectuelle qu’ils ne m’ont pourtant pas empécher d’y voir,malgré le génie (psychopathologique?) des analyses(Lévinas n’a jamais cessé de le penser…) des prémisses de possibilité du Mal;ne serait que par l’acuité du regard qu’elles engendrent
Mais là,je me laisse gagner par ce dont j’aimerais m’extirper,et vous dire que j’en suis arriver à ces conclusions-peu ou prou les memes que les votres….parce que l’ouverture radicale du regard phénoménologique n’est effectivement pas très sain à la longue et c’est le moins que je puisse en dire..
Cette expérience mentale me laisse autant l’impression trouble de choses que je ne peux plus nommer ( les mots et les phrases faisant, malgré tout le talent littéraire ou oratoire supposés, écran aux affects et aux choses memes) et la volonté de quitter cette pensée
qui malgré son génie réelle ou diabolique( je sais quelle option vous présentée ) reste quand meme assez mortifère….
Il faudrait que vous compreniez que j’avais dans une seconde période, lorsque je me suis intéressé en tant qu’étudiant en philosophie à l’immuable affaire heidegger,l’esprit déchirée entre mon adhésion à vos thèses, et le doute nécessaire de les mettre en question ne serait que par « polémos »,et par le fait que tous ce qui s’écrit sur les autres blogs n’est guère satisfaisant , étant entendu que la manière dont les auteurs des blogs(à l’exeption, bien entendu, de celui sur lequel on se trouve) parlent de heidegger ne permet pas de décider et de savoir ce qu’ils en ont retenu, ie la façon dont ils l’ont reçu-mais vous avez déja dit tout ce qu’il fallait dire sur les intentionnalités différentielles de la réception de cette oeuvre-que ce soit à la source de l’oeuvre( qui es déja biaisée pour les raisons liées a la vie intime de heidegger , d’après vous ( vous voyez que je ne peut décidément toujours pas feindre de me départir de ces pseudo-précautions écrites) ou pire, lorsqu’ils cèdent à la tentation des habitudes que peuvent faire prendre un blog, à savoir le déversoir d’humeurs;ce en quoi, de quelque bord qu’ils fussent, ils donnent objectivement des gages à l’étude sereine de heidegger, puisqu’on le sait, ces querelles médiocres d’étudiants(je pense au site « paris4philo »dont certains intervenants ne disent pas que des choses insensées,au reste) renforce tout un chacun dans le sentiment que son oeuvre écrite est de toute façon supérieure à ces vaines querelles…..
Bref, l’étude de heidegger, comme vous ne cessez de le dire, à encore de beaux jours devant elle, à tord ou à raison.
Excuser le coté désordonné de mes interrogations( elles surgissent aléatoirement tant il est vrai que la confusion est grande entre l’aspect institutionnel, personnel, passionnel que suscite l’oeuvre de heidegger et j’ai parfois du mal à structurer mes idées et mes raisonnements), mais j’aimerais savoir s’il vous est arrivé-puisque vous dites etre allez en allemagne-de rencontrer ou d’avoir quelque echo de gens etants sur la meme longueur d’onde que vous vis à vis de heidegger; à savoir donc qu’il fut le véritable créateur du nazisme et le conducteur du génocide: en effet, je ne peux pas croire un seul instant que vous soyez le seul sur cette terre et à fortiori de part et d’autre du Rhin à emettre cette théorie,ou à tout le moins, ne pas avoir connaissance d’autres personnes y adhérant elles aussi.
J’ai une volonté peut-etre désincarnée mais rationnelle de croire qu’il y a forcément des gens en allemagne qui connaissent l’exactitude du role de Heidegger,et, si telle n’est pas le cas….
Enfin, une autre chose m’a profondément intriguée, s’il m’est permis de revenir à ce qui ne devrait plus retenir l’attention d’un esprit vulgairement curieux( compte tenu de la thèse centrale qui nous retient tous), c’est de revenir malgré tout un instant au contenu de l’oeuvre meme, nonobstant le fait qu’ elle est à bien des égards biaisée et faussée dans une orientation intentionnelle qui n’est pas celle que l’on a cru, c’est lorque vous avez affirmé sur ces pages memes, que Heidegger avait mené un combat que vous avez qualifié de « déloyal » vis à vis de Husserl, je vous cite, en inventant l’Etre qui n’existerait pas, et l’etre de l’intentionnalité qui « n’existerait pas davantage »: il y a là, à mon sens, un abime de questionnement, et j’aimerai moi meme en savoir davantage sur ce que vous entendez par cette péremptoire affirmation qui contraste un peu avec le souci pédagogique de nombres de vos développements, dont je vous sais gré d’avoir fait preuve tout au long des années précédentes(je vous ai lu avec beaucoup d’attention).
Pardonnez la lourdeur syntaxique de mes phrases mais je n’ai pas encore su trouver le bon moyen d’exprimer par le langage toutes les questions/objections et développements qui me traverse l’esprit quand il s’agit de Heidegger; le comble n’est-il pas qu’il s’agit là d’une problématique typiquement Heideggérienne?……
Autre question, à laquelle je pense que vous n’avez pas répondu( et pour cause, puisqu’on ne vous l’a pas posée…) : pensez vous que, malgré toute l’horreur que vous lui prétée,-et je suis, meme si c’est terriblement difficile, moi aussi arrivé à etre convaicu par tout ce que vous dites; donc plus la peine de croire que vous préché dans le desert, désormais on est au moins deux….-qu’il existe donc, tout de meme dans Etre et Temps ou les problèmes fondamentaux des analyses phénomenologiques qui ne sont pas toutes mises au service-en tout cas cela me semble impossible formellement ou pour certaines d’entre elles, si comme on le pense ces livres expliquent dans le détail les modifications, ou en tout cas ce qui dans la vie quotidienne releve de modifications mentales et psychiques déterminant en partie notre manière d’appréhender les « etants »,et ainsi, notre subjectivité-de l’impérialisme totalitaire….je ne veux pas que vous vous sentiez obligé de répondre de la meme façon que jusqu’à présent( je ne veux pas vous désesperer) mais c’est une question qui se pose dans la mesure ou, là encore, cette oeuvre mondialement traduite et commentée ne peut pas ne pas avoir lésé qu’une seule personne; en l’occurence vous, Michel Bel; et, j’ajoute que c’est dans ces moments là que l’on regrette intensément les disparitions, prématurées au regard de l’intensité des interrogations, de Lévinas, Derrida, Bourdieu et bien d’autres, auxquels on aurait eu envie de soummettre vos interprétations du commentaire du RHIN, de DER ISTER, de l’histoire du concept de temps,et de bien d’autres interprétations que vous avez mené ici longuement…., et de voir leurs réactions(d’indignations? mais vis à vis de qui?, de vous ou de Heidegger).
Je me rends compte que je ne suis pas très satisfait des présomptions de vos reponses attentues, par la manière meme dont j’ai structuré mon texte; tout mon souci ici étant de vous amener à me repondre d’une façon peut etre différentes de la façon avec laquelle nous n’avons pas encore fait le tour de ces questionnements….sans arrogance ou mépris vis à vis de vous, cela va de soi, vu les « gages » de compréhensions mutuelles que je vous ai donné.
Aussi si j’ai pu etre convaicu par vos thèses, c’est qu’effecivement, IL NE S’AGIT PAS exlusivement de thèse mais de parole et d’écrit authentique de Heidegger mis en évidence par Farias Faye et vous, et qu’en conséquence il devrait suffire à discrédité,c’est bien le moins, Heidegger pour l’éternité, ne serait que la volligue vernichtung…
Dans ces conditions, il me semble qu’au jour d’aujourd’hui, la seule question essetiel qui demeure est celle-ci: peut-on, et si oui,comment?,continuer à feindre de ne pas tenir compte de l’engagement de Heidegger, s’il est prouvé qu’il a fondée le nazisme,d’une part(bon, la question est un peu tandancieuse car elle amène une réponse évidente….)et si tel est le cas comment continué à lire la grande oeuvre prestigieusement publiée chez gallimard , et singulièrement les 3 cours mis au programme de l’agrégation en 2007?
s’il se trouve qu’il s’agit là d’oeuvres incontestablement philosophiques mais qui contiennent dans leur essence meme l’esprit dans lequel le Reich s’est constitué?
Voilà une situation factuellement ou virtuellement(selon que l’on adhère ou non a telle ou telle hypothèses,de fait je ne sais plus trop…) inédite et ahurissante dans l’histoire de la pensée pour ne pas dire de l’histoire tout court.
Toujours dans l’optique que ce dont il s’agit au fond-une phénoménologie des essences ne soit pas que ratiocinations scolastiques, si scolastiques qu’elles en soient fauses et qu’il ne s’agisse plus de phénoménologie, mais de paranoia; sur ce sujet je pense qu’il a put mettre en évidence une distinction fondé entre l’etre et l’étant, meme si ,comme le dit Emmanuel Faye, il ne l’aurait pas inventée,qui donna lieu justement aux analyses phénoménologiques que nous savons et qui sont si pointus que je me demande meme et je vous demanderai d’etre attentif à cette interrogation qui vient de surgir à l’instant et qui me semble primordiale, si, pour autant que l’on adhère à la vérité de cette distinction(entre l’etre et l’etant), Heidegger, paradoxalement, puisque la phénoménologie consiste entre autre à penser le « cela va de soi » dans note rapport aux temps aux futurs et aux modifications de l’humeur et de la subjectivité qui vont avec( Husserl en a peut etre parler mieux-et, pour le coup débarrassé des connotations pour ne pas dire plus que l’on sait- que Heidegger), que donc Heidegger n’aurait-il pas été en mesure de penser voir de maitriser sa présumée paranoia, pour autant que cette possibilité lui fut donnée autrement que par la medecine ou la psychanalyse…
Il me semble, quand je lis Etre et Temps, que les passages qui ont tant enthousiasmés Lévinas sont probablement ceux qui relève de ce que j’essaye lourdement et confusément de faire paraitre, et le pire, c’est que je pense que l’on peut s’en rendre compte certainement pas dans le cadre et le contexte intellectuel requis pour ce genre de lecture; j’entends par là le fait qu’il faut reprendre pied avec la vie, retrouver une activité qui engendrera un nouveau regard , alors que la mise entre parenthèse radicale du monde contibue à nous aveugler sur la teneur meme de la phénoménologie je crois que reside là l’ecueil majeur peut etre l’impensé du pensé contre lequel doive paradoxalement lutter les phénoménologues puisque c’est leur métier
Ecueil contre lequel seul peut lutter un mouvement de va-et-vient entre le réel qui ne serait pas mis entre parenthèse, un imaginaire de toute façon nécessaire( qui n’a pas d’imaginaire, qui n’est pas à un moment ou à un autre de son existence frustré par le réel?,et qui, au lieu de s’en plaindre ne fait pas l’effort louable de penser rigoureusement ses contradictions existentielles malgré la lourdeur du jargon auxquels on se soumet, bon je sais bien qu’en ce qui concerne HEIDEGGER, cela relevait de la pathologie),et le réel banalement sous la main qui constitue le non dit ou l’impensé mentale de Heidegger que vous avez appelé paraphrénie etc ….voilà quelle sont mes interrogations profondes regroupées sous forme de patchwork ,entre l’oeuvre que je persiste à regarder ou à continuer à lire malgré mon adhésion, encore relative, à vos propos: situation peu banale, n’est-ce pas?
Peut etre que le malaise de cette affaire est à la mesure d’une limite franchie par heidegger: celle qui sépare la volonté de penser la totalité de la vie humaine(entreprise qu’il à dévoyé et qui recèle, dans son essence meme,une part de vanité dangereuse) et la frustration qu’engendre une telle attitude: vouloir etre plus que ce que l’on est et ainsi adhérer sans fausse pudeur à des régimes qui nient une réalité démocratique qui l’oppresait…..cela reste bien sur impardonnable.
Pour conclure ce long message, je dirai que l’on ne pourra jamais véritablement connaitre la psyché de Heidegger, et que , quoi qu’il en fut de son action historial, j’espère que l’on continuera à s’interesser à la philo et peut etre meme à lire sur ce blog ou ailleurs des échanges riches et courtois n’ayant pas nécessairement pour objet Heidegger, « L’enfer des philosophes en France » (Jacques Derrida).
Par la récurrence et la résurgence à intervalle régulière de cette affaire, ne cédons pas nous meme à l’étalage des « passions tristes »qui ne sont pas présentes ici mais qui se font nettement sentir ailleurs auprès de ceux qui n’y ont pas compris grand chose, et ainsi,en m’écartant délibérément du cas de heidegger,pensons aux contradictions qui nous animent et qui entrave partiellement-qu’on en soit conscient ou non -l’amour que l’on porte à cette noble matière de l’esprit que l’on nomme philosophie; ayons conscience à travers la singularité de nos expériences, des limites de la philosophie qui, et c’est a la fois sa nécessité essentielle et son péché circonstantiel, nous amène presque toujours à adopter la posture de la belle ame,imposture suicidaire, aurait pu dire Hegel….ou lacan
Je reste bien evidemment disponible pour répondre à vos réponses,et, éventuellement , vos malentendus,dont je ne veux espérer la présence.
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Au fait, je n’ai pas retrouvé cette phrase mystérieuse à laquelle vous faites allusion, semble-t-il ,dans Etre et temps, paru aux éditions gallimard, que je ne possède pas, ne disposant que de la traduction-numérique- d’Emmanuel Martineau.
Sans doute s’y trouve t-elle aussi; et ,non,décidément,je ne souhaite pas que vous vous taisiez.
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Cher Stephen,
je vous remercie de votre commentaire et de vos appréciations critiques. Ce qui m’intéresse, vous l’aurez compris, ce n’est pas qu’on croie à ce que je dis mais que le lecteur découvre par lui-même la vérité, peut-être à partir de ce que j’ai découvert moi-même et que j’ai exposé en partie dans divers blogs et dans divers écrits.
Il faut sérier chez Heidegger l’aspect psychanalytique, l’aspect philosophique, l’aspect sophistique, l’aspect religieux, l’aspect gnostique, l’aspect politique, l’aspect scientifique, l’aspect esthétique, l’aspect historiographique, l’aspect historial ,c’est à dire la praxis historique, et l’aspect historiologique (théorie de l’histoire notamment opposée à celles de Marx, de la Bible et de Saint Augustin) et, dernier point l’aspect « poétique » qui n’est pas une pratique esthétique mais thérapeutique (Cf. Cours sur le Sophiste de 1924).
Je ne puis vous répondre sur tous ces points en quelques minutes. Je vous répondrai plus longuement et en détail ultérieurement.
En ce qui concerne l’ordre donné à Hitler par Heidegger, à la suite de l’accord secret dont il fait état dans le cours du semestre d’été 1934, vous en trouverez la substance aux pages 194 et 195 de la traduction de Frédéric Bernard aux Editions Gallimard.
Fédier a fait tout ce qu’il a pu pour détourner l’attention du lecteur de ces passages clés dans lesquels est affirmée la nécessité de la refonte politique. Mais Fédier est l’incarnation monstrueuse du contre sens français.
Dans ma contribution précédente j’ai expliqué pourquoi Heidegger, tout en donnant ouvertement des ordres ne pouvait pas se permettre de tenir un autre langage en public. Ce cours du semestre d’été est un maillon supplémentaire de la longue chaîne de préparation et de réalisation de l’ontocratie heideggérienne. La volonté d’ontocratie ne commence pas en 1927, mais en 1909 très exactement après un ressentiment d’adolescent de cinq ans et une rumination incessante. Pour comprendre l’action persistante d’Heidegger et le rôle de sa haine n’oubliez jamais que la vengeance est un plat qui se mange froid.
La paranoïa d’Heidegger a consisté à attribuer toutes ses souffrances au peuple juif et à vouloir l’éradiquer de la planète pour se débarrasser définitivement de lui considéré comme ennemi de la « race allemande », pour pouvoir jouir sans entrave dans l’esprit de la « souche parente » grecque. La paraphrénie est un type très particulier de paranoïa pratiquement indécelable car l’individu qui en est atteint semble parfaitement adapté à la vie courante. En fait la coubure de son action est si grande qu’on ne peut la percevoir dans les propos et dans les actes sauf dans les incidentes bizarres qui renvoient de loin en loin à cette courbure. Personne en regardant le paysage ne voit la courbure de la Terre. Il en est de même pour la paraphrénie du psychopathe. Il faut prendre du recul par rapport à toute sa vie pour la voir en partant, bien sûr du traumatisme initial qui lui a donné un comportement de résilience dévoyée pour reprendre la très belle expression de Boris Cyrulnik. Il n’y a jamais eu d' »oubli de l’être » sauf dans l’être malade de Heidegger. Il n’y a jamais eu de « prius » grec sauf dans le délire imaginaire du lecteur d’Hypérion et des Ages du monde.
Tout Être et temps est une préparation au combat contre la conception juive de l’histoire (mosaïque ou /et marxiste) conception à laquelle il faut ajouter la version libérale sous tous ses aspects aussi bien philosophiques qu’économiques.
A bientôt.
Merci de me lire
M.B. 08.03.2008
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Le cours du semestre d’été 1934 est sûrement le plus bel exemple de rhétorique disimulatrice que nous ait laissé Heidegger. Mais pour le comprendre il faut déjà connaître en profondeur sa manière de parler et savoir à qui il s’adresse. A l’instar de Gorgias il accompagne son frère médecin auprès des malades pour faciliter la prise de la potion et il demande au médecin d’intervenir en des termes qui ne sont pas ceux du langage courant car il doit se méfier des dangers. Il ne tient ni à se faire lyncher ni à subir le sort de Giordano Bruno. Par ailleurs il ne doit pas brusquer ses victimes s’il veut réussir l’oeuvre entreprise, à peine commencée à cette date. Elles ne doivent se douter de rien. Il doit feindre d’être leur ami.
Je suis scandalisé de voir l’aveuglement de la quasi totalité des philosophes français devant la sophistique de Heidegger. Il est temps que Socrate revienne. Si seule l’autorité de l’Etat doit remplir la mission historiale comme le proclame haut et fort Heidegger, c’est que la S.A. doit disparaître. Après avoir joué son rôle pour la prise de pouvoir elle doit maintenant s’éclipser. Puisque Röhm ne veut pas se plier, il doit disparaître. Hitler doit obéir aux ordres. « Le souci » a parlé, « le souci » « autorise ». L’élimination est incontournable. Ce n’est que le début d’une longue noria de crimes dont Heidegger en personne en 1939/1940 dira qu’elle est aussi nécessaire que l’anéantissement Heidegger cumule les rôles de César Borgia et de Gorgias. Il est très fort. mais quand les gens sont de vrais philosophes, ça ne passe pas. J’ose encore espérer qu’il reste des philosophes en France et qu’une lecture plus attentive de la bible dionysienne et antichrétiene d’Heidegger leur ouvrira les yeux. J’aimerais tant que ce soit déjà fait.
09.03.2008
M.B.
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Oui,…. mais tout cela reste terriblement complexe pour quiconque n’a pas aperçue,de près ou de loin, la présumée si singulière expérience mentale de Heidegger….,ce d’autant plus que nos spéculations se heurtent aux murs infranchissables des risques de l’inconséquence; du reste, plus chez ceux qui défendent aveuglément Heidegger, que chez ceux qui le recontextualise dans les directions que vous suggérées, directions qui restent en partie spéculatives et recèlent encore une part évanescente d’indécidable (je fais allusion ici EXLUSIVEMENT au concept d’oubli de l’Etre-une imposture?, qui ne peut quand meme pas avoir berné tout ceux qui s’en sont réclamées, et non des moindres-et à ce dont je vous ai, de manière bienveillante, demandé de répondre, concernant le « duel » dit déloyal entre Husserl et celui qui nous occupe( au reste, je ne voudrai pas avoir l’air d’un petit maitre présomptueux qui s’arroge le droit de « dire » une vérité sur un personnage historique dont la lecture l’a troublée….)
Enfin, je suggère, à titre personnel,que ceux qui sont engagés dans le meme « faisceau » de problématiques vis à vis de Heidegger viennent sur cette moderne agora pour nos éclairer de leurs lumières, dans le souvenir présent de la richesse substantielle de vos échanges passés, notamment de ceux qui vous ont opposés à monsieur Teitgen.
N’en déplaise aux autres, pour qui j’ai beaucoup de respect par ailleurs,mais qui parfois me donnaient plus l’impression de venir en « touristes » pour en parler, ce qui, au regard de la gravité des faits, n’est vraiment pas de mises-peut etre avait-il compris mieux que nous, qui sait…-, l’aspect nécessairement stérile du débat, et étaient peut etre en définitive aussi lucides….
Pour la dernière partie de votre message, je pense en effet, sur le fond, que c’est une voie de compréhension vers laquelle je me dirige moi aussi et, après avoir lu Heidegger de manière immanente comme tant d’autres, vais-je réorienter mes lectures à partir du sel de ce que vous en dites-sans etre fermé aux autres hypothèses, memes diamétralemnent opposés- en tachant de m’arreter là ou il y aurait finalement trop d’incertitudes et de vaines conjectures.
Peut etre voyez vous, dans mes prudences excessives, trop d’inconséquences, moi j’y verrai encore de manière latente l’imprégnation de « l’effet d’érudition »-dont vous avez également parlé- d’une oeuvre dont il est terriblement difficile d’admettre la monstruosité…..vous savez déja cela et ne crainds pas de vous désespérer à nouveau. Il faut continuer le polémos.
N.B: dans l’esprit de mes digressions précédentes, je suggère que nous nous limitions volontairement dans un premier temps, et si vous le souhaitez, à l’analyse du corps du texte d’Etre et Temps, meme dans l’optique intentionnelle problématique et nazie (ou présumée telle…), pour que vous puissiez me proposer votre lecture différentielle ou m’indiquer les passages »phénoménologiquement » problématiques-hormis ceux dont tout le monde peut s’indigner,chapitre 27 et 74 à mon sens- de cette oeuvre; pour le reste cela relève, comme vous le dites, d’un effort et d’un travail de recherche personnel dont vous nous avez indiqué à de nombreuses reprises les pistes; mais je voulais moi aussi « serier » la problématique, ne serait-ce que pour vous éviter de répéter les axes de vos développements, ayant lu la quasi-totalité de vos posts des années précédentes, et pas seulement sur ce blog d’ailleurs.
Bien à vous.
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Monsieur Stephen,
Je n’ai pas encore eu le temps de vous répondre de manière détaillée mais permettez-moi de vous donner une des clés de compréhension de « l’Œuvre heideggérien ». L’œuvre de Heidegger, ce n’est pas tel bouquin ou tel autre, c’est sa vie. C’est cette vie qu’il a voulu événement historial, événement de pensée transformateur de l’histoire. Sa vie de « re-né », d’enfant élevé dans la confession catholique commence en 1905 au moment où le traumatisme d’adolescence va le faire renaître en dio-nysos (le deux fois né). L’incubation va durer jusqu’à la découverte de la Naissance de la tragédie de Nietzsche et de son Essai d’explication en 1909. En 1911 après sa longue convalescence tout est terminé. Sa résolution est prise. Dionysos va s’affirmer contre le crucifié et pour mieux l’éradiquer va chercher à éradiquer les origines du christianisme, à savoir le peuple juif en totalité. Heidegger accomplit une révolution radicale. Pour cela il prend deux maîtres d’une compétence politique et métaphysique incontournable: Platon (théorie de la libération des prisonniers de la caverne) et Machiavel (théorie de la pratique de la libération). Il va réintégrer ces deux maîtres à une lecture de Hegel et considérer que le peuple allemand est Dieu en devenir. Ce dieu en devenir guidé par Heidegger choisi par l’être pour conduire la dernière phase de l’éternel retour du même est chargé d’une mission: éradiquer l’esprit juif, le sang contaminateur et redonner à la « race allemande » sa fonction de « prius ». Cette mission implique deux tâches: rassembler et séparer (1929). Pour réaliser ces deux tâches, il faut des « travailleurs allemands » dont l’essence sera définie dans les Concepts fondamentaux en 1941. Pour que ces travailleurs puissent œuvrer ensemble il faut qu’ils se constituent en loge et en parti. La loge-parti sera créée en 1919. Heidegger met en pratique cette année-là son « regard phénoménologique » Après avoir renouvelé la phénoménologie selon ce qu’il prétend être l’esprit d’Aristote, à savoir la substitution du « regard généalogique » au « regard eidétique » développé notamment par Husserl (cf. Le cours sur le Sophiste de 1924 où la chose est exposée en détail. J’ai écrit un livre sur ce sujet qu’aucun éditeur ne veut publier. Mais les éditeurs sont une chose, la vérité en est une autre). La rencontre avec Hitler en 1919 a été déterminante. Tous deux vont mettre en œuvre avec Drexler et Feder l’organisation qui deviendra ce qu’ils appellent l’incarnation politique du « christianisme positif »(24° point du NSDAP)c’est-à-dire la pratique du mal comme réalisation du bien (cf. : « Le bien c’est le mal », « le mal c’est le bien » – cours sur Schelling 1936). Le terme de christianisme est ici une injure au Christ. C’est l’imposture hégélienne et l’imposture nietzschéenne qui s’affichent. Feuerbach a été repensé à travers Machiavel. L’amour feuerbachien censé être « l’essence du christianisme » a été remplacé par « la violence qui restaure ». Il s’agit de restaurer le prétendu être oublié depuis les Grecs à la suite de la prétendue « dérive » de Platon et de la prétendue « falsification » de l’esprit grec, (le « logos » grec) notamment de celui d’Héraclite, par Philon d’Alexandrie (Introduction à la métaphysique – 1935). Heidegger a voulu faire croire à « l’oubli de l’être » pour imposer sa « restauration ». Pourquoi nos philosophes se sont-ils laissé prendre à la glue de l’attrape-mouches? Peut-être que parce que comme Beaufret, Jouhandeau et quelques autres connaisseurs du Banquet de Platon ils aiment les saveurs « délicates », comme disait Fichte. Hölderlin avait dit tout ce qu’il fallait dire dans son Hypérion pour que l’esprit grec soit compris. Vous connaissez la suite. Je ne peux pas vous écrire un livre sur quelques pages de blog. « Qui veut la fin veut les moyens » C’est une parole d’Heidegger. Relisez « Hegel et son concept de l’expérience » et « le mot de Nietzsche : « Dieu est mort » » dans « Chemins… ».
Je préfère vous exposer les choses de vive voix.
10.03.2008
M.B.
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Et bien ,puissions-nous un jour échanger de vives voix, courtoisement….
Je vous remercie encore de votre présence et de la disponibilité que vous manifestez à l’égard de la mienne, moi qui ne vous suis probablement pas d’une grande utilité, pataugeant encore trop dans mes confuses contradictions….
N’ayant donc rien de fondamental à vous apprendre; pas davantage la possibilité immédiate de me procurer les dernieres traductions Heideggeriennes (moins encore les livres hermétiques dont il s’est imprégné et qu’il est nécessaire de lire pour mieux le comprendre), je ne puis que me contenter d’évoquer une fois de plus les seules pistes qui,toutes vos considérations sur sa vie intime et sur sa rhétorique codée retenues, me tombent sous la main: notamment les rapports entre phénoménologie et paranoia.
J’y ai beaucoup réflechi et je pense que tous ce que j’ai voulu exprimer dans mon long message du 8/03 avait pour but de manière confuse certes, et par tatonnement, d’etre amené à creuser davantage les causes des conséquences que vous analysé et interprété comme si vous les connaissiez sans avoir véritablement besoin de nous éclairer sur les fondements ultimes de vos certitudes: je comprends parfaitement votre démarche,et s’il y a un malendentu qui peut ou qui a pu s’installer subrepticement dans nos « réponses mutuelles » c’est je crois, sur ce plan là qu’il réside.
Il y a donc simplement chez moi la volonté de croire encore aux analyses phénoménologiques, dont je ne peut penser, je vous le redis et insiste peut-etre de façon enteté, qu’elles me semblent toutes relevés d’un mysticisme irrationnelle.
En meme temps , cette trop grande attention aux structures mentales de l’existence, le fait que la phénoménologie de l’Etre semble « commencer » par un détournement du regard vers ce « qui va de soit », est aussi et simultanément une forme possible de paranoia ( qui avait donc pour fin ultime en l’analysant comme le fait Heidegger d’en trouver un responsable : le christianisme et sa racine juive; si telle fut sa véritable intentionnalité alors effectivement, alors « tel ou tel bouquin » de Heidegger ne peut se mesurer qu’ à l’aune de cette intenTionnalité perverse et du traumatisme initial qui en fut la cause supposée…nous sommes, malgré mes interrogations techniques qui subsiste,- et qui subsiste que parce que je crois qu’il faut aussi « déconstruire Heidegger » sur le terrain strictement « technique », c’est à dire l’ontologie radicalement décontextualisée de ses intentions politiques, cela me semble aussi la seule façon véritable de convaincre ceux qui précisément ne peuvent pas ne pas etre victime du, présumé pour autant que l’on n’a pas fait ce travail, « effet d’érudition que vous avez judicieusement rappelé -bien d’accord sur ce point dont on peut penser qu’elle peut etre en mesure de la penser par son objet meme)…..sans compter qu’on peut aussi l’interpréter, comme le fit,et vous l’avez opportunement rappelé, J-f courtine, comme une perversion des catégories éthico-religieuses….les mailles du filets heideggerien ne sont donc guère disposés de nous laisser filer entre elles, si vous me permettez cette familiarité.
Il y a aussi une chose importante qui vient aussi sans qu’en s’en rende compte, dans la « mise entre parenthèses du monde » comme on dit, nécessaire pour étudier très scolastiquement ce genre de livres, qui vient disais-je entraver notre compréhension, c’est le fait que notre perplexité sur l’existence ou non de l »Etre » est aussi fondée, me semble t-il, sur le fait que le mouvement meme du regard phénoménologique s’abstrait meme de toutes authentiques compréhensions par les conditions memes de sa réalisation prolongée: j’entends par là , et je pense que vous l’avez aussi « vu » et vécu, qu’il y a des modifications de perceptions évidentes dans la vie quotidienne selon notre activités nos projets, notre rapport au futur etc ….tous cela c’est l’objet du reste, de la phénoménologie; mais je veux dire par là, que notre regard peut se « boucher » sur ce que l’on lit et qui nous parait, par une orgueilleuse volonté de ne pas s’en laisser compter, abscons…. et qu’on abandonne donc sans préventions aucunes et un peu »sans gene », ce qui nous permet de critiquer a postéiori sans avoir suffisamment travaillé les livres objets de notre mécompréhension.
Je vous redis que tout cela ne concerne que STRICTEMENT le corps du texte d’Etre et Temps et de celui des problèmes fondamentaux, et je vous re-dis que j’ai bien conscience de ne pas avoir l’inconséquence bete et naive de prolonger cette immanente lecture; sinon je ne vous aurais pas autant lue, cela « va de soi ».
Mais je pense sincèrement qu’il faut refaire-je ne vous le demande pas formellement et respecte votre expérience d’ancien professeur de philosophie, du reste, je le pense pour la communauté philosophique-un immense travail de relecture de ses oeuvres, non seulement à l’aune de l’apport considérable de la recontextualisation de ses dernières décennies, mais aussi en ce qui concerne ce qui, dans son ontologie meme, relève d’une tojours présumée imposture: celle de l’Etre.
Voila aussi ce qui me semble stimulant intellectuellement, car l’on ne peut se contenter, comme l’on fait certains et comme continu à le faire d’autres, sur les blogs, de débats stériles et toujours mal assurés dans leurs tenants et leurs aboutissants: faire cela, c’est ce condamner à débattre sur le mode de la « re-dite » et du oui-dire » et ainsi donner sans qu’en s’en rende compte des gages à l’étude immanente de heidegger puisque ce mode de « bavardage écrit » est l’objet de ses analyses: c’est comme cela qu’il nous « piège » à distance si je puis dire; tous cela vous le savez, mais je ne m’adressais pas là singulièrement à votre personne, mais s’il en est qui nous lisent ici…..
Autre chose, j’aimerais savoir comment se construit intellectuellement chez vous ce que vous appelez l’imposture Nietzschéo-hégelienne: est-ce celle au travers de laquelle Heidegger les a perverti, ou bien est-ce leur pensée intrinsèque? ou les deux à la fois?
Voilà. je pense avoir suffisamment structurés mes questionement, et espère encore bénéficier de vos lumières, je vous en remercie encore.
Une dernière chose, comment,de quelles façons avez-vu su qu’il y eu ce « drame » au foyer saint-conrad, n’ayant moi meme jamais lu autre chose que ce qu’on nous en dit ,semble t-il, banalement, c’est à dire qu’il ne sait rien passé autre que le simple fait de la présence d’un directeur d’étude, monsieur grober…. tous cela reste bien mystérieux, à mes yeux,est-ce la cause de sa crise existentielle grave qui n’est pas étrangère à son rejet du christianisme, comme vous l’affirmez sans cesse?
Au reste, il nous est bien difficile de nous maintenir trop longtemps sur ce terrain là, sans donner l’impression, peut-etre nécessaire, de remuer la boue….meme si ce n’est nullement notre intention…..
Peut-etre effectivement, devrions-nous nous dire aussi toutes ces choses oralement…..
Encore merci pour votre présence.
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J’ajoute que l’Etre, lorsque l’on referme un bouquin qui en parle longuement, nous apparait ainsi comme une entitée mystérieuse, désincarnée pour autant que l’on oublie le cheminement exact de telle ou telle analyse phénoménologique, induisant confusément mais surement l’idée que l’Etre ne serait qu’une paranoia déguisée, puisque l’on considérerait que ce concept s’éloigne trop, par le jargon trop hasardeux qu’il déploierait, des actes réels de la conscience,donc du sol originaire de la phénoménologie husserlienne….çà aussi je peut le comprendre et y adhèrer en partie;mais cela ne reste qu’une voie possible de compréhension tant que l’on aura pas prouver rigoureusement l’imposture du concept d’Etre.
Peut-on absolument affirmer que ce concept ne serait que l’excuse de personnes-celles qui l’étudient et y croient-qui, au fond, ne sauraient pas s’adapter comme on dit au monde dans lequel ils devraient vivrent,et ainsi, n’auraient comme seul recour possible que leur imaginaire, auquel correspondrait opportunément l’Etre ?
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Cher monsieur Stephen,
Je suis en train de vous préparer un texte assez long qui répondra je l’espère de manière construite à toutes les questions que vous m’avez posées. Je vous remercie de votre intérêt pour « la Chose » car Heidegger nous introduit au cœur de la plus grande inversion des valeurs qui ait jamais existé dans un prétendu dépassement qui n’est qu’un mirage passionnel. Pour vous dire les choses en deux mots: Nietzsche et Renan ont inventé un modèle de l’Anti-Christ, Heidegger l’a réalisé. Lisez et relisez et relisez encore le cours du semestre d’hiver 1931-32 sur les « prisonniers de la caverne » et le Théétète et vous verrez à la fois le rôle de la libération et de l’éros. Bien que la lecture politique vienne au premier rang des préoccupations seule une lecture psychanalytique peut permettre de venir à bout du drame mis en scène par Heidegger à la suite du traumatisme créé par le contraste initiation/ répression vécu au foyer saint Conrad à l’automne 1905. L’incubation a mis six ans à produire le renégat qui est passé comme le philosophe de la caverne platonicienne de sa passion de « libération personnelle » à la passion de « libération nationale » puis « planétaire » (cf. L’introduction à la métaphysique -1935 et la métaphysique de Nietzsche -1940). Or pour se libérer il faut avoir été enchaîné. Tout ce qu’Heidegger et l’archevêché de Fribourg ont voulu tenir secret éclatera au grand jour en son temps. A votre avis quelle peut être la signification d’une mutation d’office d’un supérieur des études dans un établissement religieux? On ne mute pas d’office pour n’importe quelle raison. Il me semble que nos philosophes et nos analystes ont manqué là de curiosité. Toutes les allusions de Heidegger sur les « amants » nous mettent sur la voie. Mais peut-être touchons-nous là un sujet trop brûlant pour certains philosophes y compris pour ceux qui ont été formés par Jean Beaufret. On ne s’intéresse pas par hasard aux présocratiques et Jouhandeau le savait très bien dont la contribution à l’hommage à Jean Beaufret est offerte comme la cerise sur le gâteau. Je ne puis vous en dire plus pour l’instant. Lisez le Hölderlin de Bertaux, il vous apprendra beaucoup de choses.
Je ne peux partager votre dénigrement de la phénoménologie si c’est de celle de Husserl dont vous voulez parler. La mise en évidence de l’intentionnalité dans l’approche de la connaissance et dans l’édification de la science autant que de dans celle de l’imaginaire est indépassable. Heidegger vicié dès le départ par les théories de Nietzsche, de Gobineau et de Vacher de Lapouge et par son expérience propre n’a rien apporté. Sa référence au dernier Dilthey est un souffle de poudre de perlin pinpin qui cache son intentionnalité maligne repeinte aux couleurs de la libération philosophique. Pour avoir beaucoup travaillé sur la période 1905-1933 (28 années importantes de la vie intellectuelle et affective de Heidegger) j’ai beaucoup appris sur ses « dispositions affectives ». Quand on cherche assidument la vérité on la trouve mais il faut y mettre le prix. Je crois qu’il est encore trop tôt pour parler, mon apport ne serait pas compris. François Fédier joue actuellement un rôle démoniaque très dangereux. Il ne veut pas perdre la face à cause des engagements qu’il a contractés. J’ai le sentiment fâcheux qu’il y perdra son honneur. Pourquoi veut-il à tout prix défendre le bourreau de l’humanité? Le bourreau n’a pas besoin de lui. Il a tendu son filet sur le monde et les poissons se laissent prendre en masse. Seuls quelques pêcheurs chevronnés ont vu clair. Mais que peuvent faire quelques pêcheurs à la ligne en face d’un tsunami stupide aussi aveugle que criminel? Demandez mon mail à « Skildy », il vous le donnera- je l’y autorise – et nous pourrons communiquer autrement que par clavier interposé ce qui à la longue finit par être très lassant.
Bien à vous
Mon texte détaillé et documenté suivra.
MB 17.03.2008
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Cher Stephen,
ne vous impatientez pas , le texte est en cours d’élaboration. Il porte sur trois points principaux: la lecture, le fond, le jugement des tiers. J’ai dû interrompre momentanément mon travail pour satisfaire d’autres tâches; veuillez m’en excuser.
M.B
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Mais je vous en prie,
prenez votre temps ,j’ai tout le mien, et que monsieur « Skildy » ne se gene pas pour vous donner mon mail.
Bien à vous.
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mon texte a été envoyé mais Skildy ne l’a pas publié pour des raisons que j’ignore. J’ai travaillé pour rien.
michel bel
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Bon, et bien attendons la « réponse » de « Skildy », mais c’est tout de meme très étrange….. n’oubliez pas que vous pouvez me l’envoyer via mon adresse électronique….
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encore faudrait-il que j’aie votre adresse. Personne ne me l’a envoyée
voici la mienne: michel.mb@wanadoo.fr
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Réponse à Monsieur Stephen
sur le site :
Le PhiblogZophe
« Heidegger : une page nazie du « démissionnaire »
Diffusé sur le blog en trois fascicules
Premier fascicule
Cher Monsieur Stephen,
Vous êtes sur la bonne voie et vous avez posé les bonnes questions. J’ai relevé dans votre participation depuis le 08.03.2008 trois centres d’intérêt qui me paraissent fondamentaux :
Celui qui porte sur la lecture et sa méthode
Celui qui porte sur le fond de la pensée de Heidegger
Celui qui porte sur les appréciations des tiers.
Je vais donc répondre à toutes vos questions car j’aime beaucoup l’honnêteté avec laquelle vous abordez les problèmes, ou plutôt, si l’on veut être plus circonspect, non pas « les » problèmes, mais le seul problème qui se pose au lecteur qu’il soit philosophe ou historien, celui de la nature exacte de l’ « heideggérianité », c’est-à-dire, à la fois de son essence et de sa facticité. Commençons par la lecture.
1° – Comment faut-il lire Heidegger ?
a) première approche de la question.
Vous venez de prendre conscience des limites de la lecture dite « immanente » qui a été le dogme catastrophique de l’Ecole Normale en France, Althusser excepté. Mais Althusser est un cas à part. Bien que je ne partage pas toutes les conclusions de sa lecture, dont certaines me paraissent être d’ordre passionnel – notamment l’affirmation de la création d’une science de l’histoire par Marx -, il n’en reste pas moins que c’est lui qui m’a appris à lire, de conserve avec d’autres auteurs. Quand on a été formé dans la confrontation Granel/Althusser on ne peut qu’avoir appris à lire. Althusser, Lacan, Foucault, Nietzsche, Marx, Freud, Canguilhem, Lévi-Strauss, ont été pour moi des maîtres à penser remarquables et on ne peut plus après eux retomber dans la platitude d’une « lecture immanente » superficielle et insipide. Tout texte a une profondeur qui est celle du contexte social, du vécu de l’auteur, de sa culture propre, pour ne parler que de ces références-là, que la lecture prétendument immanente, appauvrissante par nature et par choix délibéré, laisse forcément échapper.
Avant de lire un texte, quel qu’il soit, il faut se demander quel est son statut et quel genre de lecture on veut lui appliquer. Est-ce un texte juridique, un texte littéraire, un texte scientifique, etc.… ? Et non seulement quel est son statut apparent mais aussi son statut réel car l’apparence cache quelquefois une tout autre réalité. C’est ainsi qu’un texte d’apparence philosophique peut s’avérer être un texte politique et un texte d’apparence poétique, un texte de nature militaire, une passation d’ordres, déguisée pour être rendue méconnaissable par ceux à qui elle n’est pas destinée et qui ne verront en elle qu’un banal intérêt poétique. Ceci étant et indépendamment de son statut réel, tout texte peut faire l’objet d’une lecture commandée par les visées du lecteur que cette lecture soit d’ordre juridique, politique, psychanalytique, esthétique, etc. Il y a la lecture que fait l’auteur et la lecture que tout lecteur peut faire de l’auteur et du texte de l’auteur selon telle ou telle perspective. Ces lectures lorsqu’elles sont rigoureuses ne relèvent pas de l’arbitraire interprétatif mais du constat instruit par telle ou telle pratique sociale ou professionnelle tenant compte de tous les contextes d’intelligibilité que la lecture immanente ne peut pas prendre en compte.
Quel est le véritable statut du texte heideggérien et de quels types de lecture peut-il relever ? Il m’est apparu très vite après un temps de fréquentation suffisant pour pouvoir bien connaître l’auteur et ne pas être victime d’un regard naïf que la polarisation de l’attention des philosophes français sur un seul texte de Heidegger, en l’occurrence Être et temps, était une aberration. Considérait-on comme négligeable le reste de son œuvre, c’est-à-dire la quasi totalité de celle-ci ? Ou cette situation était-elle due au fait que la quasi totalité de l’œuvre resta pendant longtemps inaccessible au public français et que les autres écrits connus, coupés de leurs contextes d’origine, ne paraissaient pas majeurs ? Pendant de longues années nous n’avons eu en France qu’une traduction incomplète d’Être et temps accompagnée de quelques jalons du parcours conceptuel et politique d’Heidegger tels que le mémoire sur Duns Scot, les Chemins de forestiers, le cours sur Schelling, les recueils de « Questions », mais le paysage complet nous échappait toujours. La leçon inaugurale bien que traduite très tôt après sa présentation resta longtemps inaccessible et il fallut attendre les colères académiques de Granel pour avoir la traduction du Discours de rectorat. Mais ce n’étaient là que quelques pièces d’un puzzle géant pour la reconstitution duquel l’ensemble des pièces nous manquait.
Pourquoi cette œuvre, étant donné son importance dans l’histoire du siècle, ne nous était-elle pas présentée de manière chronologique selon l’ordre de production ? Pourquoi non seulement les traducteurs mais encore Heidegger lui-même en organisant la publication de la Gesamtausgabe avaient-il brouillé les cartes ? Pourquoi les écrits publiés, souvent mal traduits, voire volontairement dénaturés, faisaient-ils l’objet d’interprétations arbitraires soit dans le corps du texte lui-même soit dans les présentations annexes qu’il s’agisse des préfaces, des postfaces ou des commentaires d’accompagnement publiés à part ? L’histoire de l’introduction d’Heidegger en France est un « poème » qui dépasse largement ce qu’en a dit de manière parfois irrespectueuse pour les penseurs qu’il n’aimait pas Dominique Janicaud – je pense à ses propos sur Bourdieu . Que dire de toutes les interprétations partisanes inscrites dans la « déconstruction » de Derrida, dans l’éloge de « la voix si juste de Martin Heidegger » prononcé par Jean Beaufret, et de l’ « anatomie d’un scandale » de tel autre laudateur peu scrupuleux dont l’entêtement dans la déraison n’en finit pas de s’étaler au grand jour. Corbin, après les toutes premières traductions du rhéteur de Fribourg, s’étant retiré de la course pour se réfugier dans un contexte littéraire arabo persique, l’adoration des thuriféraires français prit le pas sur la lecture critique. Ce qui n’eut pas été possible si la publication chronologique des cours, des conférences et des écrits d’Heidegger avait été faite d’emblée.
Le désordre de la publication entretint l’illusion de la profondeur et de la « grandeur » en faisant corps avec le caractère d’apparence ésotérique de l’œuvre, principalement après la défaite de 1945. Le mystagogue avait su créer la mystification que ses disciples s’employèrent avec un grand zèle à perpétuer. Quelques trublions vinrent bien tendre sur le pré de Heidegger la « largeur de leur langue » mais ils furent vite chassés et considérés comme des pestiférés par les grands prêtres du sacerdoce heideggérien. « Touche pas à mon pote » disaient en substance Beaufret, Fédier, Derrida, Vezin, Mattei et leurs succédanés. Mais c’était qui leur pote au fait ? Ils avaient beau vouloir atténuer sa réputation sulfureuse une odeur de mouches collait toujours à sa vareuse et à son sac tyrolien.
En contre poids à cette attitude laudative essentiellement d’ordre affectif, la visée conceptuelle s’avérant très difficile à réaliser pour des raisons tenant au caractère propre de l’œuvre, la visée philosophique qu’on était en droit d’attendre et qui se faisait toujours désirer fut déviée vers une visée des actes, celle de l’engagement nazi de Heidegger dans l’épaisseur de l’histoire proprement dite. Et, pour « la monnaie de la pièce », vers ses amourettes de professeur d’université avant que ne soient connues celles de son stade avancé de géronte concupiscent. Mais rien d’essentiel n’était encore mis à jour quant au « fond » de sa pensée c’est-à-dire en ce qui concerne les rapports étroits entre son histoire conceptuelle et l’histoire du Reich à proprement parler, entre son « regard » sur l’histoire et l’ « histoire » déterminée par son regard, entre sa visée ontologique privée et sa réalisation ontique nationale, publique.
C’est dans ce contexte bibliographique nébuleux que commença mon approche symptomale proprement dite. Il fallait fixer les repères avant de s’aventurer dans la jungle des textes ou, selon d’autres occurrences, en fonction des variantes subtiles des métaphores utilisées par le gourou, en pleine mer. C’est seulement au terme du voyage qu’il serait possible d’apporter une réponse à la question : « Qu’appelle-t-on penser ? », question que Granel et Althusser, selon leurs perspectives différentielles, pour ne pas dire antinomiques, avaient remise en honneur.
b) Enquête sur le « non-dit » heideggérien
Puisqu’Heidegger ne cessait de parler de son « non dit » et que ce « non dit » était continuellement présent dans toute son œuvre sans jamais, en aucun endroit, être précisé, il fallait bien arriver à « mettre la main sur lui » d’une manière ou d’une autre. Ce fameux (ou peut-être ce « fumeux ») « non dit » sous jacent, permanent, la lecture immanente pouvait bien, certes, en repérer l’existence nominale mais elle était incapable de mettre en évidence sa teneur conceptuelle. De quel « non dit » s’agissait-il ? On ne s’avance pas en pleine mer sans bathyscaphe. Depuis quelques temps les historiens nous en avaient offert un : le grand secret de la « solution finale ». Pouvait-il y avoir un rapport entre la « solution finale » nationale socialiste et le « non dit » de Heidegger, voire entre la « solution finale » et le fameux « secret » dont il nous entretenait sans cesse et dont il exprima avec tant de force l’existence et la nécessité dès le printemps 1934 ? (Cours du semestre d’été, La logique… NRF, p.188)
Ses prises de position répétées en faveur d’Hitler, son absence de critique devant la pratique nazie des fours crématoires, son appel à la « pensée fidèle » en 1951, le tout assorti de la publication de ses cours sur la métaphysique truffés de propos sur la violence en 1953, firent tomber la réponse comme un couperet. En publiant conjointement Être et temps et son Introduction à la métaphysique de façon à rendre plus explicite ce qui ne l’était pas encore suffisamment dans Être et temps Heidegger révélait publiquement son acceptation pleine et entière des visées politiques du nazisme et les crimes du régime. Devant tant d’horreur et d’inhumanité il osait parler « sereinement » comme s’il s’agissait de la plus exquise gentillesse, de la « vérité interne » et de la « grandeur de ce mouvement ». Qui donc pouvait vraiment connaître la vérité interne du nazisme si ce n’est celui qui l’avait lui-même créé ? Quant à la « grandeur » de ce « mouvement », seul pouvait la louer celui qui adhérait pleinement à ses principes, à son ontologie raciale pseudo mystique et à ses crimes, c’est-à-dire à ses méthodes génocidaires d’éradication et d’anéantissement de l’humanité.
La publication des cours sur Nietzsche en 1961 confirma son implication pleine et entière dans le processus d’anéantissement. Ses cours ne se contentaient pas d’annoncer la « Vernichtung » dès 1939, ils l’exigeaient : « Le construire, disait-il en 1939, va de décision en décision. Le penser constructeur et éliminateur est du même coup anéantissant. Il écarte ce qui auparavant et jusque là assurait la consistance de la vie. Cette façon d’écarter débarrasse la voie de toutes fixations susceptibles de gêner l’érection d’une hauteur. Le penser constructif et éliminateur peut et doit nécessairement effectuer ce déblayage, parce que, en tant qu’érection, il fixe déjà la consistance d’une possibilité plus haute. » (NRF, p. 497, 4° §). Il est inutile d’en dire plus. Tout est parfaitement clair. Les dernières pages du cours sur Nietzsche intitulé La volonté de puissance en tant que connaissance sont insoutenables. Elles indiquent aux Allemands quel chemin ils doivent prendre « à partir de Nietzsche » : celui de « l’anéantissement ». Ce chemin est censé être celui de la « justice ». « L’essence de la vie humaine, dit-il, est justice », et son « caractère métaphysique » signifie : « la vitalité de la vie ne consiste en rien d’autre que dans ce penser constructeur, éliminateur, anéantissant ». (Nietzsche I, Gallimard pages 493 à 510).
Brasillach a été condamné à mort pour moins que ça. Ses propos étaient insoutenables, c’est certain, mais lui au moins ne commandait pas le génocide et ne faisait pas ressortir son caractère de nécessité métaphysique inéluctable et ne voyait pas en lui la « mission historiale » dévolue à un « peuple » par « l’Être ». Il ne s’agit pas de réhabiliter l’un aux dépens de l’autre, ce n’est pas du tout notre pensée, il s’agit de montrer à quel degré d’horreur et d’inhumanité est arrivé Heidegger et combien plus que Brasillach il méritait la peine de mort pour son incitation au génocide et pour son conditionnement des esprits à cette barbarie qu’il qualifiait de surcroît pour faire bonne mesure d’ « acte poétique ». La « justice » ainsi conçue, enseignait-il encore, est « l’origine essentielle du caractère poétifiant et impératif de toute connaissance et de toute création. (…) Le penser constructeur est dans le même temps éliminateur et du même coup anéantissant ». (NRF p 497). Imprégnés de ce conditionnement et soumis par serment à l’obligation d’obéissance les constructeurs de l’empire germanique ne pouvaient que tuer, déblayer la Terre et anéantir une partie de l’humanité considérée par eux comme leur ennemi héréditaire majeur, leur ennemi suprême. La shoah par balles et la shoah par crématoires nous ont montré de quoi il s’agissait.
Heidegger dans ses cours sur Nietzsche apparaît à la fois comme le pape du nazisme, c’est-à-dire comme son guide spirituel diffusant sa doctrine ontologique, et comme le commandant suprême de la tuerie. La lecture chronologique des « commentaires « des hymnes de Hölderlin confirme cet état de fait. Les ordres adressés à Hitler, répercutables à partir de lui aux SS, au SD et à l’Etat major militaire dont Hitler en 1938 devint le commandant suprême (OKW), sont contenus dans ces pages, depuis l’ordre de la « corvée de bûches » donné dès 1936 jusqu’à celui de la « mise à feu des bûchers » donné au semestre d’été 1942 en passant par l’obligation de l’intensification de la corvée de bûches. La « colonie » avait été le premier « commandement» donné par le gourou, l’embrasement des bûchers avec « l’éclair enveloppé dans l’hymne » fut le second. (cf. Approche de Hölderlin, Souvenir, NRF p.149). L’ordre d’embrasement contenu dans « der Ister » : « Jezt komme, Feuer ! » fut l’accomplissement de ce qu’il avait annoncé à Rome en 1936 dans sa conférence sur Hölderlin et l’essence de la poésie: « De notre propre main saisir l’éclair du Père, Lui-même, et tendre au peuple le don céleste enveloppé dans l’hymne ». (Approche de Hölderlin, NRF p.56). On comprend mieux dès lors ce que signifiait pour Hitler cet énoncé sibyllin : « L’aryen est le Prométhée de l’humanité ». Carl Schmitt venu au secours d’Hitler après ses tueries ignobles de juin 1934 fut l’ « Epiméthée » qui justifia à la fois ses actes et ses paroles. On connaît sa parole infâme après la nuit des longs couteaux : « Hitler défend le droit ». Heidegger devant, Carl Schmitt derrière, et au milieu l’assassin. Les trois créateurs ont beau être « sur des monts séparés » ils constituent une seule et même structure et appartiennent « au même massif » comme dira Heidegger en 1954.
Mais qui pouvait connaître le rôle exact joué par Heidegger de 1933 à 1945 ou, si l’on veut remonter plus haut dans le temps, de 1919 à 1945, à l’exception de quelques rares initiés tenus au secret absolu ? Dès le début du cours sur le commentaire de la Germanie, au semestre d’hiver 34, juste après la nuit des longs couteaux, Heidegger qui savait parfaitement de quoi il parlait puisqu’il était à l’origine de ce savoir, mit en garde ses auditeurs contre une interprétation erronée de ses propos. Cette interprétation ne pourrait être qu’un « contre sens essentiel », disait-il alors, de la part de ceux qui prenaient scrupuleusement le cours en note et qui ne savaient « ni de quoi il était parlé ni à qui il était parlé » (NRF p.49-50). Comment ne pas penser dès lors que cette tuerie de la nuit des longs couteaux c’était lui qui l’avait commanditée puisqu’il en parlait avec une si grande compétence ? Et s’il n’était pas seul à l’avoir ordonnée, du moins avait-il, de toute évidence, participé à la décision
A qui Heidegger s’adressait-il donc? Il n’était pas nécessaire d’être grand clerc pour le voir. Le docteur Bollinger qui assistait au cours, le comprit tout de suite. Il était facile de voir qu’après son départ précipité du rectorat, Heidegger tout en se dissimulant afin de préserver sa « réputation », dirigeait le Führer. Il fut tout aussi évident par la suite pour une oreille avisée, de constater qu’il commandait la colonisation et l’extermination par Hitler interposé et que, dans le même temps, par ses cours et ses conférences, sans en avoir l’air, il conditionnait les futurs « travailleurs » allemands, c’est-à-dire les soldats et les ouvriers qui participaient, selon son expression, au « bâti de l’œuvre », c’est-à-dire à la construction de son « national socialisme » « exterminateur ». Contrairement à ce que fit Hegel, contemporain de Napoléon qui donna un sens de l’extérieur à la conquête napoléonienne, Heidegger n’interprète pas le mouvement en se situant à côté de lui en simple spectateur. Il le dirige. « Diriger, enseigne-t-il alors, est le fait d’assigner une direction et l’introduction en celle-ci » (Nietzsche I, p.494). Cette aptitude au commandement, ajoutera-t-il en 1941, « suppose la remémoration initiale de l’être ». (Concepts fondamentaux, 1941, NRF p.121-122). Mieux, dans son esprit, cette aptitude est imposée par l’être lui-même. C’est elle qui est à l’origine de l’ « être en faute » Heidegger est censé obéir aux ordres de l’être. « Connaître c’est commander, dit-il, parce qu’issu d’un impératif ». (Nietzsche I, p.473).
Bien qu’ayant lu à plusieurs reprises ces paroles décisives il me fallut un certain temps pour comprendre qu’en dépit des apparences Heidegger n’expliquait ni Nietzsche, ni Hölderlin, mais effectuait une passation d’ordres de type militaire en langage codé. Hellingrath qui avait édité l’œuvre d’Hölderlin était un officier. Heidegger s’adressait à des officiers lettrés dont certains n’étaient pas étrangers au cercle de Stefan George, officiers qui, une fois conditionnés par le gourou de l’Université devaient se persuader qu’Hölderlin était le prophète de la Germanie comme David avait été celui du Christ selon la tradition évangélique juive, tradition sémitique, considérée par lui comme ennemie de la race aryenne et de sa « tradition propre » . J’ai dit race et tradition aryenne, pardon ! Heidegger n’emploie jamais ce terme « aryen ». Il parle de la « race allemande » et de « la tradition grecque », la « souche grecque » étant pour lui une « souche parente » de la « souche allemande ». Comme on peut le voir, c’est un peu plus compliqué au niveau des énoncés mais sur le fond ces « dits » reconduisent à la même réalité. C’est qu’Heidegger ne fait pas dans le simple, euphémisme oblige ! Quand on est à sa place, il faut savoir prudence garder. Platon a éminemment recommandé cette attitude au philosophe-roi. Quand on donne des ordres aussi criminels que ceux de l’anéantissement de la « race » juive, il est bon de savoir écouter tous les conseils de prudence.
d) Le statut de la « poésie » heideggérienne
Mon passage épisodique, en tant que soldat de seconde classe dans les secrétariats de l’Etat major, m’avait appris à voir au début des années soixante comment les ordres militaires pouvaient être transformés en discours anodins portant en apparence sur autre chose que ce dont il était question. Seul celui qui avait accès au « secret » du code choisi pouvait comprendre ce qui était réellement dit, ou comme le précise Heidegger avec insistance dans son cours de 1934 préparatoire à la nuit des longs couteaux : « être au fait ». Appeler « poésie » un génocide tout simplement parce qu’en grec « poésie » signifie « action » (cf. Platon Le banquet) et chez Aristote, plus particulièrement, « traitement médical » – le « poios » (le traitement) venant après l’«épistémè » (le diagnostic) (cf. Cours de Heidegger sur Le Sophiste ») – est une imposture sans précédent. Mais sur le plan de la dissimulation, quel merveilleux stratagème ! Qui oserait supposer que derrière un discours apparemment poétique se cache une passation d’ordres éminemment criminelle ? Et pourtant l’Introduction du cours de 1934 sur la Germanie , dix ans après le cours sur Le Sophiste nous met bien sur la voie : « la poésie n’est pas un jeu » dit-il. Il s’agit pour la Germanie de devenir « assez forte pour supporter un lourd bonheur » c’est-à-dire pour allumer « les flammes d’un bûcher funèbre ». (NRF p.24-25 ; 27).
« La poésie » ainsi entendue, pour Heidegger « est le commencement et la fin de cette science qu’on nomme la philosophie » (La Germanie, NRF p.33. Cette citation de Hölderlin, Heidegger l’a reprise à son propre compte. « Le combat pour la poésie, dit-il, est d’abord un combat contre nous mêmes » (p.34), c’est-à-dire contre la conscience morale d’essence humaniste, socialiste et chrétienne, qu’Heidegger s’est employé à détruire dans Être et temps, – discours servant de conditionnement préparatoire au combat nationaliste antisémite, nécessaire pour rendre effective la réalisation de l’empire germanique, d’essence à la fois raciste et exterminatrice. « Les Athéniens, dit Hölderlin, sans poésie ne seraient jamais devenus un peuple philosophe » (p.33). Heidegger cite bien Hölderlin, seulement il donne un tout autre sens au mot « poésie » que celui que lui a attribué Hölderlin. En cela consiste toute sa ruse (sa « mechané » aurait dit Phèdre – cf. le discours d Phèdre dans Le Banquet de Platon). Puisque la poésie n’était pas un jeu, mais l’acquisition d’un nouvel état d’esprit, d’une nouvelle foi, nécessaire pour entreprendre « le commencement d’une nouvelle histoire », il était nécessaire de savoir ce qu’elle représentait réellement. La publication du cours sur Le principe de raison (ou de fond) –plutôt de fond que de raison du reste – nous le dit clairement : la poésie est, pour Heidegger « ce qui met la vie des hommes en jeu ». Certes pour arriver à cela il fallait faire un « saut ». Mais Heidegger « saute ». Il aime bien « sauter ». Tout le monde le sait. Depuis 1929, depuis sa leçon inaugurale ce n’est plus un secret pour personne. C’est Nietzsche qui lui a appris à sauter lors de sa lecture de la Naissance de la tragédie en 1909, et depuis cette date, il ne s’en prive pas (Cf. La volonté de puissance en tant qu’art, NRF, p.197). Le cours sur le Sophiste trente ans avant son cours sur le Principe de « raison » (Satz vom Grund), mais édité seulement en 1957, avait suggéré au peuple allemand qu’il devenait urgent de se voir administrer un traitement médical afin de ne pas succomber à la maladie grave, source de déchéance irrémédiable, inoculée par la présence et la culture d’un peuple d’« origine étrangère » Après le diagnostic nommé « épistémè » devait nécessairement venir le traitement (« poios »)
Dès lors plus aucun doute n’était possible.
Connaissant l’existence du « combat » de l’ « apostat » Heidegger révélé par ses soins à Engelbert Krebs en janvier 1919 dans une correspondance privée,
connaissant l’existence du groupe d’intellectuels métaphysiquement et politiquement actifs en 1915, groupe auquel Heidegger participait en tant que « surplomb de valeur absolue » et dont l’existence est révélée dans la conclusion du Duns Scot – conclusion ajoutée après la soutenance de thèse et qui se présente comme un véritable manifeste d’ « impérialisme mystique » –
connaissant d’autre part les nombreuses conférences faites par Heidegger sur la « libération des prisonniers de la caverne » et présentées comme la « doctrine de la vérité », notamment le cours du semestre d’hiver 1931-32, il devenait impossible de considérer désormais Heidegger comme un ange de cathédrale confiné dans une niche. N’est-ce pas Heidegger lui-même qui déclara en 1963 : « A partir de 1919, je mis en pratique le regard phénoménologique » (cf. Mon chemin de pensée et la phénoménologie, Questions IV, NRF p.168).
Compte tenu de ce que nous savons aujourd’hui de sa conception de la « phénoménologie », ces mots ne pouvaient signifier qu’une seule chose dans la bouche de Heidegger en 1963 après la publication sur l’Introduction à la métaphysique destinée à éclairer Être et temps conçu lui-même comme une tâche à accomplir : « j’ai créé le parti nazi pour conquérir le pouvoir afin de réaliser ma « Wandlung » ». Au début en suivant les conseils de Maurras dont il connaissait bien les écrits (Cf. « Si le coup de force est possible… »), Heidegger avait espéré le conquérir par la force mais cette voie-là s’avéra être un échec. Le putsch de novembre 1923 lui servit de leçon – de plus il avait le grave défaut d’être illégitime. Il comprit alors qu’il valait mieux acquérir le pouvoir par la ruse en laissant croire à une acceptation apparente de la démocratie en jouant le jeu des élections législatives et des plébiscites. Pour cela il fallait préparer l’opinion à voter pour les nationaux socialistes grâce à un conditionnement approprié, bien ciblé, ce qu’il avoua en 1941 dans son cours éclair sur les « Concepts fondamentaux ». On n’apprend que par l’expérience. On est trop impulsif quand on est un jeune dictateur. Il ne faut jamais être empressé, si on veut « mener une œuvre à son efficace », dira-t-il en 1930 dans son cours sur La phénoménologie de l’esprit de Hegel, sinon on risque de faire tout capoter dès le départ. Heidegger, alors âgé de quarante et un ans, y faisait l’éloge de « la patience » tout en indiquant, sans en avoir l’air, ce qu’il voulait réaliser avec l’aide de ses disciples déjà libérés de la caverne, mentalement s’entend. Il leur demandait de : « dresser constamment le bûcher avec du bois approprié et choisi jusqu’à ce qu’il prenne enfin » (NRF p.123-124) Comme il donnait par cette image un exemple de patience personne ne pouvait croire que c’était là son but véritable. C’est ainsi que procédaient les alchimistes autrefois et, grâce à ce stratagème ils pouvaient duper tous leurs auditeurs et passer tranquillement leur chemin.
Telle m’apparut alors la réalité de la pensée de Heidegger. Il suffit de lire ses cours de 1930 à 1933 pour se rendre compte de la véracité de la « chose », notamment le cours sur La métaphysique d’Aristote dans lequel Heidegger, durant le semestre d’été, quelque peu tempéré par l’âge faute d’être assagi – il aura quarante deux en septembre – rectifie le tir par rapport à l’attitude du « tyran » en ce qui concerne la manière d’utiliser la « force » pour parvenir au « pouvoir » (NRF p.79). Il faut adjoindre à cela le cours sur l’Essence de la vérité du semestre d’hiver 31-32 où il montre quelle « méthode » il faut suivre pour parvenir à une « libération » réelle et pour former celui qui doit devenir le futur chancelier (NRF p.62). Ce ne sont là que quelques jalons sur un chemin bien plus fourni encore en éléments de repérage.
d) La raison d’être fondamentale de l’empire génocidaire
Il restait à trouver la raison de cette décision odieuse et de sa réalisation obstinée quel que fût le prix à payer en vies humaines pour la conduire « à son efficace ». Le cours sur la Germanie l’avait révélé explicitement en 1934, c’était la « conscience malheureuse ». Le nazisme devait être vu comme un acte passionnel accompli pour sortir d’un état de détresse engendré par une lourde frustration affective et par une violente ambition contrariée relative à l’obtention d’un « rang ». (NRF p.127-128). Cette « disposition affective » sera réitérée dans le cours sur le Rhin en 1935 (p.243-245,251, 258-259), et ne cessera de l’être dans tous les cours qui suivront. Le premier cours sur Nietzsche parlera ouvertement de la « haine » qui structure la personnalité et qui est éminemment « lucide ». On ne peut que lui laisser la responsabilité d’un tel propos.
Quand cette « conscience malheureuse » structurante et conductrice de l’histoire puisqu’elle est « l’aiguillon qui fait avancer l’événement sous les formes et aux étapes le plus diverses de l’histoire mondiale » (La Germanie NRF p. 127) a-t-elle pu apparaître dans sa vie ? Pour le savoir il était nécessaire de remonter à son enfance ou simplement, plus proche de nous, à son adolescence. La crise affective de 1911 nous met sur la voie. Pour comprendre cette crise dans laquelle le jeune Heidegger était « déchiré entre les pôles les plus opposés », comme il le dira en 1934 il faut remonter à l’automne 1905, à la mutation soudaine de Groeber et à la souffrance morale qui s’ensuivit dans son esprit, souffrance provoquée par la rupture forcée de ses relations avec son « paternel ami ». Il y a là un épisode de sa vie qui n’a jamais été éclairci et qui apparaît fondamental pour comprendre la suite des événements. Car le « Dasein » heideggérien n’est pas né du néant. Il n’est pas davantage le produit d’une conception intellectuelle purement désincarnée. Il est, comme le dit Heidegger lui-même, suivant en cela les nouvelles analyses de Dilthey : « une personne vivante de l’histoire en marche » et il faut, précise-t-il, le « décrire » et « l’analyser » dans cette « entente » (Prolégomènes à l’histoire du concept de temps, 1925, NRF p.175). Dans la leçon sur le Théétète il dit encore : « L’enracinement et la force du Dasein décident seuls du sens que peut avoir l’objectivité des objets. (…) Plus l’entente de l’être procèdera originairement de la profondeur du Dasein, plus sera fondé le droit au concept d’être, c’est-à-dire la nécessité dans laquelle se trouve la philosophie de porter cette entente au concept » (De l’essence de la vérité 1931-32, NRF p .237).
Il faut lire tout ce qu’Heidegger écrit dans sa présentation du Théétète, sur la « tension de l’éros », pour bien comprendre le sens de cette phrase. La « conscience malheureuse » et l’ « éros » contrarié sont tout un. Mais Heidegger sur ces questions-là a voulu « garder le silence » pour que l’entente ne s’effectue que sur le mode du « non dit », du sous-entendu et du « secret ». Plus sournois que moi, c’est bien évident, tu meurs ! Tout ce qu’il dit dans le § 28 du cours de 1925 consacré aux « prolégomènes à l’histoire du concept de temps », se rapportant au « silence », à la « discrétion » et à la « disposition affective » au sein de l’être-ensemble est particulièrement éclairant. Mais les lecteurs aujourd’hui n’ont plus d’oreille, semble-t-il, pour entendre ce type de propos. Les conditions sociales répressives qui ont conduit Heidegger à émettre ces paroles sourdes pour qu’elles ne soient entendues que par d’autres compatriotes victimes de la même pression morale, théologique et juridique ont disparu. Mais entendons nous bien, l’enracinement du Dasein qui a conduit un quarteron d’érastes humiliés et se considérant comme offensés à la création du national socialisme est toujours présent. « Dans la communication, au sein de l’espace public, dit encore Heidegger, il est nécessaire que l’appel du Dasein à lui-même et à sa disposition affective originaire et de bon aloi ait lieu sur ce mode du discours et de l’explication qu’est le silence » (Prolégomènes p.387).
N’attendons pas davantage d’aveux de la part de Heidegger. Son discours est verrouillé par la « doxa » c’est-à-dire par le souci constant de la « réputation ».Cette réputation à laquelle Machiavel et Botero ont accordé tant de place dans leurs écrits et à laquelle Théodore, dans le Théétète, accorde tant d’attention afin de ne pas être discrédité. La parole de prudence de Théodore est particulièrement mise en évidence par Heidegger dans son introduction à la lecture du Théétète. Quand on a compris que la constitution et la direction de l’empire germanique nazi reposent sur ce secret-là, on a compris tout le mouvement et son refus des demi-mesures considérées comme étant pires que le mal. Il importe ensuite de faire les ajustements nécessaires avec la logique du « rang » et celle du « souci de réputation » pour comprendre les modalités de la progression de la dictature nazie, même si elles donnent l’impression au premier abord d’être contradictoires et incohérentes. La passion maligne, avait noté Nietzsche, doit souvent se présenter comme le contraire de ce qu’elle est pour pouvoir à terme triompher d’une opposition qui risquerait de la détruire si elle apparaissait au départ dans sa vraie nature. La persécution de certains homosexuels par les nazis relève de ce canevas-là. Mais personne ne nous oblige à être dupe des apparences. La maison brune était ce qu’elle était et la disposition affective de Heidegger vis à vis de son « paternel ami » est restée dans le « silence gardé »
Le fil rouge de la construction du national socialisme ayant été repéré, à savoir la « disposition affective » d’Heidegger présente tout au long de l’œuvre, dès lors tout se tenait. Il était facile de voir que « l’histoire future » « s’enracinait » dans « l’avoir été » pour satisfaire une passion contrariée dont l’objet initial s’était métamorphosé en « objet idéal abstrait »: la « Germanie », d’abord, ensuite l’amour de soi exacerbé : l’« Être » en tant que « Moi absolu » ne tolérant aucun concurrent. – Freud nous a montré comment la pulsion soumise à une tension très forte savait réaliser ce genre de transformation par substitution d’objet et exacerbation de la poussée ; et Husserl, quant à lui, bien que sur un autre registre, comment s’opérait un « changement de regard » à la faveur d’une « conversion » intentionnelle permettant de passer « du vécu au connu » et, de manière plus élaborée encore, du vécu à une construction conceptuelle, fût-elle délirante. Le comportement d’Heidegger toujours fidèle à lui-même pouvait se limiter ainsi à une seule idée qui demeurerait éternellement, croyait-il, « comme une étoile au ciel du monde ».
Avec la saisie du sens de la « conscience malheureuse » et la visée de la réaction de l’adolescent de seize ans à l’événement traumatisant par son caractère à la fois incitatif et répressif qu’il eut à subir nous assistons à l’émergence d’une nouvelle mouture de l’ « achilléisme ». Ayant eu le sentiment d‘être réduit à néant par les jugements réprobateurs de ses supérieurs et par leurs décisions irrévocables, Heidegger, en devenant adulte, a réagi non seulement en se vengeant pour apaiser la rancœur et le ressentiment de sa passion contrariée, mais encore en tentant de construire un nouvel empire dont il serait le Dieu, – le « dernier dieu » (cf. Beiträge). Car « c’est seulement autour d’un dieu que se construit un monde », disait-il dans ses cours sur Nietzsche à la fin des années trente, visiblement influencé par les théories de Campanella et de Stirner d’une part et par le théâtre de Schiller (Don Carlos), d’autre part. L’ « achilléisme » dans l’épopée homérique avait présidé à la destruction de Troie à la suite de la rupture de la liaison d’Achille avec Patrocle, après qu’Hector eut tué Patrocle. La ville de Troie toute entière, dans la mesure où elle était la ville d’Hector, fut considérée par Achille comme la cause principale de son malheur. La rupture de la liaison du jeune Heidegger avec Groeber allait présider maintenant à la destruction des Juifs censés être pour lui, la cause de tous les malheurs qu’il avait subis depuis son entrée au petit séminaire de Constance.
Heidegger parle souvent de la souffrance affective d’Achille dans ses textes et notamment dans les cours de 1931-32 sur l’Essence de la vérité et sur le Théétète (NRF p. 164 et 284. «Les autres ne remarquaient pas ses pleurs ». et « Je suis d’avis que je vais vaincre Hector »). Hector a privé Achille de son ami Patrocle, Achille va venger cet affront en détruisant Troie. La passion achilléenne n’a pas de mesure. Elle venge à la fois la frustration subie, l’ami perdu et l’ambition anéantie. Cette douleur qui va présider à l’accroissement de la volonté de puissance est également évoquée sous une autre forme dans le cours sur l’Eternel retour du même, sept ans plus tard, à travers l’allégorie du serpent noir qui pend de la bouche du jeune berger et que ce dernier devra vaincre en lui coupant sa tête d’un fort coup de dents puis en la crachant. (Nietzsche I, NRF p.341 à 345). L’allusion à la situation personnelle d’Heidegger est plus qu’évidente. Achille et Zarathoustra sont devenus ses modèles de prédilection. Ils vont lui servir à canaliser sa haine. Ils ne sont pas les seuls. A ce premier noyau de cristallisation viendront s’ajouter ensuite les frustrations professionnelles puis les frustrations pécuniaires qui leur sont liées et enfin les frustrations d’ordre national.
(A suivre)
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Réponse à Monsieur Stephen
sur le site :
Le PhiblogZophe
« Heidegger : une page nazie du « démissionnaire »
Diffusé sur le blog en trois fascicules
Deuxième fascicule
e) La gigantomachie des « érastes » « libérés »
Cette situation de départ comprise, des pans entiers de l’histoire du nazisme qui jusque là étaient restés obscurs se révèlent en bloc : la raison de la valorisation du corps masculin, principalement de ses formes plastiques, l’érection de statues à la gloire des tyrannoctones, le culte de la « camaraderie » dans la Hitlerjugend, les références constantes chez Heidegger aux « amants », et surtout l’utilisation du faux prétexte d’homosexualité pour éliminer tout individu, toute institution ou toute catégorie sociale gênante. L’accusation avait une double fonction : elle permettait d’éliminer les gêneurs et par contrecoup de blanchir à peu de frais les accusateurs en revalorisant leur image de marque auprès du public. C’est ainsi que furent supprimées les congrégations afin de faire entrer toute la jeunesse allemande dans la Hitlerjugend et dans les autres mouvements de jeunesse nazis. Heidegger par Hitler interposé faisait semblant aux yeux des esclaves de la caverne de défendre la moralité alors que toute son action allait dans le sens opposé. L’homosexualité étant aux yeux des « créateurs » et des « gardiens » la force principale des guerriers selon les exemples grecs qu’ils vénéraient, il n’était nullement question pour eux de la combattre mais au contraire de faire croire qu’ils la combattaient. Alors on sacrifia un certain nombre d’homosexuels pour faire plaisir aux esclaves de la caverne formés dans la pensée chrétienne et dans la moralité sémitique tout en les trompant habilement par cet acte même. Trotski ne s’en laissa pas conter à ce sujet. Une fois les officiers indésirables condamnés, une fois les congrégations religieuses interdites, il ne fut plus question de lutter contre l’homosexualité. Machiavel n’avait-il pas recommandé de faire semblant de respecter les mœurs et les apparences religieuses pour se faire bien voir du peuple et pour s’assurer son soutien ? Et du soutien du peuple Heidegger en avait besoin pour faire la sale guerre de sa « gigantomachie » prétendument « père de toute chose ». La lutte contre l’homosexualité fut un effet médiatique, une mascarade qui dura en gros deux ans mais qui fit beaucoup de mal afin de faire acquérir une crédibilité de façade au mouvement, plus grande que par le passé. La lutte apparente contre l’homosexualité fut l’équivalent de l’activation d’un soufflet de forge sur les braises d’un forgeron. Elle servait à maintenir une température élevée tant qu’il y avait des fers au feu. Et les fers avec la guerre sur tous les fronts et surtout avec la mobilisation totale de la population, les nazis n’étaient pas prêts de les enlever. Au contraire ils en ajoutaient sans cesse de nouveaux. L’accusation servait dans toutes les occasions.
Il y eut cependant un procès qui n’eut jamais lieu tant il était gênant pour les nazis sur le plan des mœurs, ce fut le procès Grynspan. Ce fut un des rares cas où l’accusation d’homosexualité ne fut pas portée contre l’ennemi parce que l’attaché d’ambassade von Rath qui avait été tué par le jeune Grynspan, alors âgé de dix sept ans, ne devait en aucun cas être compromis. Le procès qui devait être exemplaire n’eut jamais lieu. L’avocat de Grynspan avait visé juste. Il avait mis l’accent sur la plaie des nazis, très exactement là où le bât blesse et où l’accusation se retourne contre l’accusateur. Alors on s’arrangea pour faire disparaître le jeune Grynspan sans que le procès ait lieu. Il fut déporté et la publicité qui devait être faite autour du cas de ce jeune juif homicide ne vit jamais le jour ; il faut dire que la nuit de cristal avait fait un nettoyage par le vide tellement conséquent pour venger l’honneur de l’attaché d’ambassade défunt qu’un procès exemplaire à de fins de dissuasion ne paraissait plus nécessaire. Les libérateurs au lieu de porter les accusations en passant par la fenêtre comme ce fut le cas pour Röhm et pour von Fritsch allaient maintenant passer par la grande porte et opérer sur une vaste échelle. Ne nous attardons pas pour l’instant sur l’attitude d’Heidegger pendant ses treize années de règne souterrain, – les années de conquête et de libération – où il devait par prudence rester dans l’ombre et ne pas s’afficher aux côtés de ses opérationnels. En ce sens la prise de position publique de 1933 fut une grande imprudence qu’il qualifia de grosse « sottise » (Dummheit). Mais il ne pouvait plus revenir en arrière, elle était faite, elle était faite ! Tout au plus pouvait-il tenter de la faire gommer dans les rapports officiels au cas l’affaire tournerait mal et où la réalisation de la mission se changerait en vinaigre. Car il devait aussi penser à préserver les arrières pour sa réinsertion éventuelle au cas où le dieu ne réussirait pas à créer son « monde ».
Après la défaite, Heidegger ne cessa de déployer ses efforts pour relancer une « reprise » du combat mais dans cette tâche il épuisa ses forces en vain. L’attitude négative d’Eugène Fink, pourtant un de ses meilleurs élèves, selon ses dires, fut son ultime échec. Il le réprimanda épistolairement le 30 mars 1966, ce qui ne l’empêcha pas de lui indiquer le sens de son existence et de lui avouer au cours du séminaire qu’ils conduisirent conjointement la même année que son chemin de pensée, à lui Heidegger, partait du logos pour aller au feu. Peu de temps auparavant dans la publication de ses Chemins il avait déclaré ouvertement « qui veut la fin veut les moyens ». Confronté à l’absence d’effet immédiat de son levain, c’st-à-dire dire à l’absence d’impact de ses conférences, de ses cours, de ses séminaires et de ses lettres il ne lui restait plus qu’une action à accomplir : rédiger son testament, ce qu’il fit en 1966, l’année même où il essuya un refus de la part de Fink. Il pensa alors que jeter son filet sur le monde serait plus efficace que de continuer de pêcher à la ligne dans le bassin étroit de le Germanie: ce fut la grande entreprise de publication de la Gesamtausgabe réalisée à des fins de diffusion à grande échelle. Comme son prédécesseur antisémite Paul de Lagarde, il la qualifia d’ « œuvre de dernière main ». Le clin d’œil au pionnier était évident. Tous deux étaient allés « aux choses même ». Si de Lagarde s’était arrêté en chemin, Heidegger, en revanche, lui, était allé jusqu’au bout de sa trajectoire. Pour ménager sa sécurité il demanda aux journalistes qui l’avaient interrogé de ne publier ses réponses à leurs questions qu’après sa mort.
La lecture symptomale en s’appuyant sur la recherche attentive des indices et des jalons relatifs au « non-dit », disséminés dans toute l’œuvre, finissait par porter ses fruits. Ayant clairement perçu l’image aujourd’hui effacée que le puzzle cherchait à reconstruire il restait à terminer la figure perçue en complétant l’assemblage des éléments existants avec les pièces nouvellement acquises par la recherche.
f) Les nouveaux apports de l’édition.
Aux éléments du casson déjà connus Emmanuel Faye vint ajouter la traduction de nombreux passages significatifs de cours et de séminaires d’Heidegger encore inédits en France assortis de l’original allemand pour que le lecteur pût prendre une connaissance précise de la réalité du texte. Dans le même temps, mais pour des raisons diamétralement opposées d’hagiographie partisane et par voie de conséquence, dissimulatrice, sous le patronage de François Fédier, la révélation de plus en plus précise de la direction du mouvement nazi par Heidegger se laissait appréhender aux éditions Gallimard grâce à la publication de plus en plus abondante des cours, des séminaires et des écrits du professeur « libérateur », et ce malgré les préfaces biaisées, les traductions falsifiées et les tentatives de détournement de sens de François Fédier et de ses collaborateurs. La publication au début de l’année 2008 de la traduction du cours sur « la logique » du semestre d’été 1934 (c’est à dire se déroulant d’avril à juin inclus) par Frédéric Bernard, fut la cerise sur le gâteau que j’attendais avec impatience. Fédier a beau vouloir dédouaner Heidegger de toute participation au régime politique nazi après son abandon prématuré des fonctions rectorales, le cours de Heidegger confirme cette participation d’une manière aveuglante non seulement en 1933 mais également dans la période qui suit. Encore faut-il savoir lire les litotes, les métaphores et les euphémismes de Heidegger pour pouvoir le voir.
L’accord secret passé entre Heidegger et Hitler d’une part et l’ordre d’élimination de la S.A. devenu une entrave à la souveraineté étatique pour l’accroissement de la volonté de puissance d’autre part, nous sont lancés en pleine figure et Fédier ose dire qu’il n’y a pas dans ce cours de prise de position de Heidegger sur la politique du jour (p.146) Mais c’est réellement prendre les gens pour des abrutis incapables de penser par eux mêmes et les y laisser. « L’accord secret » est mentionné page 76 et la volonté de ne reconnaître que la souveraineté de l’Etat pour laquelle Heidegger a fait campagne lors du plébiscite de novembre 1933 est déclarée page 74 et réitérée page 194 et 195. Qui dit « pleine souveraineté de l’Etat » dit , par contre coup, élimination des S.A. car les deux forces sont devenues incompatibles. Cette formule d’Heidegger est peut-être un euphémisme ou une litote mais elle dit bien ce qu’elle veut dire. Lorsque Heidegger « autorise » en se désignant lui-même comme « le souci », cela aussi veut dire quelque chose. Il est facile de voir qui commande même si les phrases sont chantournées de telle façon que le commun des mortels non habitué à manier la rhétorique n’y voit goutte. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’Heidegger dise ouvertement à Hitler : « Va-s-y maintenant, tue-le ! » ou plutôt, comme certain chef d’Etat le fit pour tel navire gênant : « Neutralisez-le ». Heidegger est beaucoup plus fin. Il dit « le souci de l’être-là historial autorise que règne pleinement la puissance de l’Etat en tant qu’il est la configuration d’essence d’une mission historiale » (La logique comme question en quête de l’essence du langage, NRF p.194.) N’est-ce pas bien dit cela. ? « Ah ! Telle est la puissance de la rhétorique disait Gorgias, que rien ne lui résiste ». Sauf les philosophes rigoureux, cela va de soi. Voilà pourquoi Heidegger disait qu’ils étaient « le danger par excellence ». Eh bien j’ose affirmer devant François Fédier et son maître à penser Martin Heidegger : « Oui ! Je suis le danger. ». Pour la dictature de l’« érasto-cratie » heideggérienne et pour les continuateurs sans scrupule de l’œuvre de leur prétendu philosophe, oui je suis le danger car je révèle la vérité qui a été constamment dissimulée, en reconstituant pas à pas la figure du puzzle, c’est-à-dire en identifiant la personnalité qui a exercé le pouvoir et détenu le véritable commandement durant toute la période de l’expansion militaire et de la dictature génocidaire nazi. Que je sois cru ou pas, m’importe peu. Voilà les faits. Ils ne se démontrent ni ne se prouvent à l’aide de marteaux pilons. Ils se laissent seulement apercevoir grâce au diagnostic. La tête de ténia du nazisme n’était pas logée dans la tête d’Hitler mais dans celle d’Heidegger. Une tête du ténia ne se laisse jamais appréhender directement. On ne recueille au premier abord que les anneaux produits par la bête. N’oublions pas toutefois que sans la tête les anneaux n’existeraient pas. Entende donc qui a des oreilles pour entendre ! disait quelqu’un de beaucoup plus grand qu’ Heidegger. Qu’il me soit permis ici de réitérer son conseil de sagesse et de lucidité.
« Commander », « autoriser », « être-en-faute » par rapport à la morale régnante, « avoir le souci de », diriger une « mission » instaurée après la prétendue « prise de conscience » d’un « oubli de l’être » : autant d’affluents qui renvoient tous à la même source originelle Heidegger. Veut-on toujours tenir à employer le terme de « phénoménologie » pour continuer à parler de cette œuvre? Demandons-nous alors : de quelle phénoménologie s’agit-il ? Est-ce d’une phénoménologie purement mentale comme chez Husserl ? Ou est-ce d’une « phénoménologie historiale » ? Heidegger n’est pas Hegel. Il ne conçoit pas la phénoménologie comme une interprétation des événements historiques mais comme la « réalisation d’un possible » (cf. Être et temps). Après avoir lu et assimilé la Logique de Hegel (cf. Duns Scot 1915, NRF p.203), il n’a aspiré qu’à une chose : incarner historialement l’absolu qu’il croyait être lui-même en tant que conscience de la totalité, en faisant passer sa volonté de puissance sans cesse sous jacente, « de la puissance à l’acte ». « la philosophie de l’esprit vivant, de l’amour engagé , écrivait-il en 1916, se trouve aujourd’hui devant la tâche considérable de prendre une position engageant les principes par rapport au système de vision historique du monde le plus puissant en plénitude comme en profondeur, en richesse de vécu comme en, élaboration conceptuelle, – par rapport à Hegel qui a résumé dans sa pensée tous les motifs fondamentaux de la problématique philosophique surgis avant lui » (Duns Scot, NRF, p.231). Mais Hegel, dira-t-il quelques années plus tard, regarde en arrière ; or ce qui importe, c’est de regarder en avant. Et le seul penseur qui regarde en avant, c’est-à-dire vers le futur, pour lui, c’est le poète Hölderlin. C’est avec Hölderlin perçu comme « poète-prophète » qu’il va tenter de construire sa Germanie. Hitler était incapable de penser cela. Toute son œuvre le prouve. Il avait besoin d’avoir derrière lui un philosophe pour le guider et dont il soit le bras actif . Avide de fonder un Ordre comme il le confia à Rauschning, il aspirait à être le Hugues de Payns d’un nouveau Saint Bernard. C’est dans cette perspective là qu’Heidegger dira : « Chaque fois qu’un art advient l’histoire recommence ». On ne peut s’empêcher pour comprendre ces paroles de penser aux croisades, à l’enseignement de Saint Bernard sur la nouvelle milice et à l’art cistercien.
Heidegger est féru de mystique médiévale. Être choisi par l’intellectuel le plus puissant de son époque, cela flattait la vanité d’Hitler (cf. Mein Kampf, Tome I). Il a vu dans la doctrine de son maître l’exposition de la vérité absolue et il s’est mis entièrement à son service. Il a sacrifié sa vie et celle de millions d’hommes pour « la conduire au triomphe » (cf. Mein Kampf). Heidegger et lui sont en total accord sur l’usage de la violence. Entre Mein Kampf et l’introduction à la métaphysique il n’y a sur ce point aucune différence et je mets au défi François Fédier et tous les thuriféraires français de Heidegger de me prouver le contraire. Et s’il n’y avait encore que l’Introduction ! Mais il y a aussi, le cours de 1933 sur l’essence de la vérité, le cours de 1931 sur l’allégorie de la caverne et le Théétète, le cours de 1942 sur Der Ister. Et il y a pour accompagner cela, en 1933, la volonté de voir Hitler, chantre de la violence et de l’antisémitisme par excellence, devenir chancelier de l’Allemagne. Tous ces indices et ces faits font beaucoup de faisceaux convergents. Et que dire du discours de rectorat et du cours de 1934 sur la « logique », qui exigent la soumission intégrale de la jeunesse au « service du travail » – préparation habile au service des armes – qu’Heidegger recteur de l’université a institué en 1933 en plein accord avec l’association « Le casque d’acier » agissant pour le compte de l’armée et soumise à son autorité. (cf. Hugo Ott, Heidegger, Payot p. 158, et Revue des deux mondes 1° juillet 1933, Jacques Maupas La politique militaire de l’Allemagne P.49-76). Qui dans ces conditions est donc le Président du Reich ? Est-ce Hitler ou Heidegger ? Est-ce le chancelier fantoche ou le mystagogue travesti en philosophe et présentant toutes les vertus machiavéliennes d’un dictateur mystique ou plutôt, pseudo mystique ?
Heidegger dès 1915 est prêt à construire un « impérialisme mystique ». Il a vu les forces et les faiblesses de Lueger et de Schönerer. Il a assisté à la pratique du commandement militaire. L’année suivante, comme par hasard il va choisir pour épouse la fille d’un officier prussien. En 1933 il prendra comme guide Clausewitz. Nous sommes au cœur de l’irénisme le plus suave, n’est-ce pas ? En 1927 n’avait-il pas dit dans Être et temps que « c’est dans le combat que se libère toute la puissance du destin commun. » ? (NRF, p.449). Entre 1916 année de la publication du Duns Scot et 1933 il y a un fossé à combler. Mais ce fossé n’est pas profond. Celui qui veut fonder un Reich le prépare. Et pour le préparer, rien de mieux que de rassembler autour de soi des partisans et de se constituer une armée. 1933 est bien l’année où Heidegger met en pratique sa vision « phénoménologique » du monde appuyée sur une interprétation renouvelée de la logique d’Aristote, une interprétation qu’il emprunte à la logique hégélienne et dans laquelle le passage de la puissance à l’acte est réalisé par la médiation de la négation (cf. Être et temps § 82, p.502). Heidegger prônant l’extermination comme condition de la justice pratique la « négation de la négation ». Il ne se contente pas d’en parler. Il la fait mettre en acte par l’artisan de sa politique impérialiste : celui qu’il a tiré violemment hors de la caverne pour le libérer du joug de l’enseignement chrétien et de la loi de Moïse, à savoir le disciple « luegérien » de Guido List : Adolphe Hitler. Qui était donc en 1919 le vrai président du Reich dont parle Hitler dans Mein Kampf en précisant pour ceux qui avaient assisté à cette conférence économico-antisémite que « C’était celui qui avait présidé quelques temps auparavant la conférence de Feder » ? On ne change pas le président du futur Reich à venir comme on change de chemise. Il se trouve que ce « président » était aussi celui qui exposait une « nouvelle conception du monde » pour laquelle « il fallait mener le combat afin de la conduire à la victoire ».Tout cela est exposé clairement dans Mein Kampf encore faut-il vouloir le lire attentivement, en le passant au peigne fin et non en le parcourant au pas de charge comme l’a fait Kershaw dans sa biographie d’Hitler. Kershaw dont j’apprécie beaucoup le travail par ailleurs a fait preuve sur ce point précis d’une défaillance lourde. Il n’a pas vu quelle était l’identité véritable du « président », désigné par Hitler dans Mein Kampf à l’aide d’une périphrase afin d’éviter de le nommer. Malheureusement ce n’est pas la seule erreur d’interprétation qu’on puisse trouver dans ce livre. Son jugement sur Rauschning et la survalorisation du pouvoir charismatique d’Hitler sont du même ordre. En revanche les précisions qu’il apporte sur de nombreux autres points sont capitales.
Je m’arrêterai là pour mettre un terme à l’exposé de la méthode de lecture utilisée. La quête des éléments éparpillés d’un puzzle peut difficilement s’effectuer autrement. Il faut commencer par rassembler les pièces pour pouvoir reconstituer l’image disloquée. Mais avant de pouvoir les rassembler il faut au préalable consacrer de longues heures à les repérer. « Rien n’est plus facile, dit Heidegger en 1959 que de découvrir quelque chose après qu’il vous a été indiqué dans quelle direction porter le regard » (Terre et ciel de Hölderlin, Approche de Hölderlin, NRF p.197). Or justement dans quelle direction faut-il porter le regard quand on lit Heidegger ? Pour qui conçoit un Reich d’une ampleur planétaire caractérisé par une Wandlung sans compromis comme la concevait Heidegger, la réponse est dans Campanella : Dans la Cité du Soleil, en effet, la communauté des « Solariens » est gouvernée par un « prêtre souverain » appelé « Soleil » ou encore « le Métaphysicien ». Ce prêtre « commande à tous aussi bien dans le spirituel que dans le temporel ». Comme Campanella Heidegger voit dans la religion l’armature indispensable de la communauté. Comme lui il précise que cette religion doit comporter une structure trinitaire. Son discours de rectorat en 1933 montre clairement qu’il envisage comme Campanella la réunion de la communauté sous l’autorité d’un « pape » disposant à la fois des deux pouvoirs. La métaphore du « berger de l’être » a-t-elle un autre sens ? Le « Métaphysicien » dans cette tâche est assisté de trois princes à qui incombent les fonctions militaires, techniques et reproductrices. (cf. La cité du soleil, Fayard Mille et une nuits, pp 13-17). Naturellement le Campanella d’Heidegger a été revisité par le Zarathoustra de Nietzsche. Pour qui sait lire ces deux auteurs la réponse à l’énigme posée par Heidegger prend aussitôt un caractère d’évidence. L’ambitieux paranoïaque qui veut être adulé comme « Prince de ce monde » – il envisage une volonté de puissance et une Wandlung planétaires – doit se présenter d’abord sous le visage d’un « libérateur ». Chez Machiavel ce libérateur est en même temps un « rédempteur ». Machiavel, Campanella et Nietzsche sont les trois clés fondamentales qui permettent d’ouvrir les portes de la forteresse heideggérienne. Une fois le pont levis abaissé on n’a plus de peine à comprendre son discours. Mais avant d’abaisser le pont-levis la forteresse demeure hermétique.
Sur le plan symbolique il n’est pas inutile de rappeler qu’Heidegger a fait sculpter sur le dossier de sa chaise à la Hütte un soleil rayonnant représentant son visage et qu’il a fait apposer sur sa tombe après sa mort une étoile à huit branches, symbole du soleil, autant que de Zarathoustra et du pouvoir politique. Ajoutons que pour Heidegger comme pour Campanella « l’emblème du soleil est image et face de Dieu ». L’image du soleil est reprise dans la conférence Hebel, l’ami de la maison qu’il offrit en cadeau à son ami Eugen Fischer. Pour Campanella il s’agit du Dieu chrétien, pour Heidegger du « dernier dieu », c’est-à-dire de sa propre personne ayant libéré la Terre du Dieu chrétien et de ses racines juives.
g) La relecture d’Hitler à la lumière d’une enquête approfondie
Que représentait Hitler à côté de ce soleil ? En 1922 Hitler dit à Möller van den Bruck « Je ne suis qu’un tambour et un rassembleur ». Ces propos ne faisaient que reprendre ce qu’il avait dit en 1921 au rédacteur en chef du journal pangermaniste la Deutsche Zeitung « je ne suis pas le chef et l’homme d’Etat qui sauvera la patrie qui sombre dans le chaos. Je ne suis que l’agitateur qui sait rassembler les masses(…) Je ne suis pas l’architecte qui a une idée claire du plan et du dessein du nouvel édifice, capable de poser une pierre après l’autre, fort de sa tranquille certitude et de sa créativité. J’ai besoin d’un homme plus grand derrière moi, d’un homme sur l’autorité duquel je peux m’appuyer ». Ces propos rapportés par Rudolf Pechel, par Auerbach et par Tyrell ont été repris par Kershaw dans sa biographie d’Hitler (Flammarion, tome I, p.260). Malheureusement Kershaw du fait de sa lecture trop rapide de Mein Kampf n’a pas su écouter Hitler correctement. Il a préféré son interprétation d’historien à la parole originale d’Hitler. Il a laissé ainsi échapper la réalité historique de la naissance du nazisme et du même coup sa véritable essence. Cette essence que seul connaissait « l’architecte » qui avait crée le mouvement et qui écrivait en 1927 dans Être et temps : « Si vous étiez calme vous seriez fort »(…) « Avec l’histoire il en va ainsi que le principal n’est pas ce qui fait du tapage et ce qui saute aux yeux. De même que les nerfs sont invisibles, l’essentiel ne se voit pas à l’œil nu ». Et encore : « Pouvoir passer dans la pratique, c’est là désormais la justification par excellence de toute science ». Comme le prouve son cours de 1927 sur les problèmes fondamentaux de la phénoménologie, il considère à ce moment là de sa vie la philosophie comme une science, et déclare encore dans Etre et temps : « philosopher sans y incorporer l’histoire, me semble être pour ce qui est de la méthode une survivance métaphysique ». (Être et temps, NRF p.466-467). Nous avons là me semble- t-il tous les ingrédients nécessaires pour comprendre le rôle précis qu’a joué Heidegger dans l’élaboration et la conduite du troisième Reich. Ce qu’Heidegger en 1927 entend par « historicité », c’est la participation directe à l’histoire réelle, non le recours à l’historiographie. « Une systématique tirée par abstraction de l’historiographie, écrit-il, est méthodologiquement inadéquate. De même que la physiologie ne peut faire abstraction de la physique, de même la philosophie précisément parce qu’elle est critique ne peut faire abstraction de l’historicité » (Être et temps, § 77, p.467). Il me semble qu’un philosophe, lisant ces lignes, ne peut pas commettre la même erreur que Kershaw. En rapprochant les fragments épars dans toute son œuvre du fil conducteur maintes fois disloqué la lecture symptomale permet de faire apparaître un profil du personnage que la simple lecture immanente était incapable de donner.
Si l’on tient compte du désir émis par Heidegger à l’âge de vingt ans, de guérir l’âme et le corps du peuple allemand, désir qu’il émit en 1910 au vu de « l’état de déchéance » de son peuple, et si l’on tient compte par ailleurs du fait qu’Hitler fut pris en considération par « l’état-major » des intellectuels du parti , ce qui à l’époque étonna beaucoup Hitler qui en fut flatté, le qualificatif de « président du Reich » attribué à Heidegger en 1919 per les membres du DAP n’apparaît nullement déplacé. Sachant que Feder faisait partie des membres fondateurs du mouvement et qu’Heidegger faisait partie du mouvement depuis les années les plus difficiles comme le rappelle en 1933 le journal des étudiants nazis Der Alemann , tous les éléments relatifs à la mise en pratique heideggérienne de la phénoménologie et à son incarnation dans l’histoire nous invitent à penser qu’Heidegger a bien fondé le parti nazi en 1919. Une idée majeure traverse alors son esprit – elle sera reprise en 1927 sous diverses formes : « la répétition mobilise l’avenir » (Être et temps p.456) « plus haute que la réalité s’érige la possibilité. La seule entente de la phénoménologie qui compte c’est de s’emparer d’elle comme possibilité ». (Être et temps, p.66)
Pour ma part je n’ai pas besoin de réunir d’autres faits pour comprendre qui fut Heidegger. Indépendamment des concordances que j’ai recueillies par ailleurs, ces seuls faits suffisent pour comprendre que la « conscience malheureuse » qui présida à la création du national socialisme, fut le ressentiment tenace éprouvé par Heidegger à la suite de son humiliation et de son châtiment, et sa volonté de vengeance. Le « grand homme » dont parle Hitler dans Mein Kampf réunissant en lui les capacités du créateur de programme et de l’homme politique n’était pas Hitler, mais Heidegger en personne. Du point de vue d’Hitler il était rare qu’ « un grand théoricien » fut aussi un « grand chef. ». Et l’agitateur Hitler de conclure : « La réunion du théoricien, de l’organisateur et du Führer en une seule personne est la plus rare qu’on puisse trouver sur cette terre ; cette réunion produit un grand homme »..
En présence de telles déclarations et de bon nombre d’autres portant sur « la vérité » éternelle » de la théorie nouvelle, sur la « mission », sur la « vision » d’objectifs futurs à long terme, Kershaw conclut : « A n’en point douter c’est à lui-même qu’Hitler pensait ». S’il avait eu une connaissance plus approfondie de la « philosophie » sur laquelle s’appuyait Hitler ou de ce qui lui tenait lieu de « philosophie », il n’aurait pas pu émettre un jugement aussi erroné. Mais on ne peut pas demander aux historiens d’être des philosophes pas plus qu’on ne peut demander aux philosophes d’être des historiens. Heidegger était les deux à sa manière. Mais sa pensée était tellement dévoyée par son traumatisme de prime adolescence qu’il conduisit cinquante millions de personnes à la souffrance et à la mort. Il serait temps que les « philosophes heideggériens » français prennent également conscience de leur erreur d’interprétation. Deux erreurs d’interprétation visant un même personnage, cela fait beaucoup. Fallait-il qu’Heidegger fût éminemment pervers pour tromper les hommes à ce point. Mais faut-il encore se le demander ?
Ainsi s’achève la lecture symptomale que j’ai entreprise depuis plus de trente ans après avoir buté sur les insuffisances de la lecture immanente. Elle a porté ses fruits au-delà de mes espérances car je ne m’attendais pas au départ à trouver, grâce à elle, ce que j’ai trouvé. A savoir : non seulement la vision d’un Heidegger théoricien du III°Reich, ce qui nous avait été bien dissimulé, mais encore commanditaire de tous les actes de barbarie effectués au plus haut niveau par les opérationnels du Reich agissant sous son commandement, commandement déguisé en acte « poétique », en commentaires d’œuvres de poètes ou en cours apparents de philosophie.
Voilà pour la lecture. Venons-en maintenant au « fond ».
2° Le « fond » heideggérien
a) L’émergence de Dionysos
Compte-tenu de tout ce que nous avons vu, quel peut bien être le « fond » heidegérien ? Et d’abord y en a-t-il un ? Si l’on en croit Heidegger lui-même, « il n’y a pas de philosophie de Heidegger » (Essais et conférences, Préface de Jean Beaufret p. VIII). Qu’y a-t-il donc sous ce nom dans la Gesamtausgabe et dans les traductions françaises de la bibliothèque de philosophie chez Gallimard ? L’œuvre d’un sophiste qui a conduit au III° Reich et les traces du commandement qu’il a effectué pour le réaliser. Le constat est affligeant. En voyant les compétences réelles de Heidegger dans le domaine de la pensée et en constatant le dévoiement de cette dernière à des fins passionnelles des millions de fois criminelles on se dit : « Quel gâchis ! ». Comment Heidegger qui fut un esprit brillant, éminemment doué en est-il arrivé à cette situation et pourquoi ? Instruits de ce que nous a appris la psychanalyse nous sommes aussitôt conduits à penser à un événement traumatisant survenu à un moment critique de sa vie, aux conséquences irréversibles. Nous avons déjà rencontré cet événement à la lumière de la lecture symptomale. Comment cet événement a-t-il donc pu dévoyer sa pensée au point de le faire basculer de la recherche philosophique de la vérité dans une construction historiale impérialiste conduisant à plus de cinquante millions de morts et à des génocides insoutenables ? Le travail des analystes sur la paranoïa nous éclaire évidemment beaucoup pour comprendre le cas Heidegger mais pas suffisamment.
Aussi étonnant que cela puisse paraître c’est à deux œuvres littéraires qu’il faut se référer pour comprendre le dévoiement heideggérien. La première est celle d’Homère. Nous en avons déjà parlé. La deuxième est celle de Racine et là l’événement est inattendu. C’est dans Athalie que nous trouvons un comportement semblable à celui de Heidegger dans l’attitude du personnage de Mathan, renégat par vengeance et par dépit de ses origines communautaires et religieuses. Achille et Mathan sont les deux clés qui permettent de comprendre le changement de la « disposition affective » originelle d’Heidegger. Elles seules nous permettent de comprendre l’acceptation du travestissement du mal en bien et du bien en mal (Cours sur Schelling, 1936, et annexes). Les raisons d’ordre intellectuel avancées par Heidegger sont des « élaborations secondaires » survenues après coup qui, si elles gardent un intérêt documentaire ne nous éclairent nullement sur les raisons de l’acte. Pourquoi Heidegger est-il passé de la religion chrétienne au dyonysisme nietzschéen ? Pourquoi est-il passé de la pratique philosophique à la haine de la philosophie c’est-à-dire à ce comportement d’hostilité conceptuelle et historiale qu’on peut à juste titre qualifier d’« allosophie » ? Une seule cause originelle préside à tout cela : l’intolérance à la frustration. Le comportement déviant et hostile d’Heidegger est le résultat de la souffrance et de l’humiliation engendrées par une grande frustration, insurmontable, aux effets néfastes exponentiels résultant d’une illusion passionnelle aux mirages pseudo « satisfactoires ».
Heidegger, c’est un effet de leurre aussitôt traduit en tragédie historique grâce à l’utilisation de rôles littéraires préétablis, déjà là, prêts à être endossés par un acteur de l’histoire. Trois de ces rôles sont accessibles au premier coup d’œil – ils ne sont pas limitatifs -ce sont : le « Julien l’apostat » d’Ibsen, « le Prince » de Machiavel, le « Zarathoustra » de Nietzsche. Ce n’est pas pour rien qu’Heidegger en 1919, à trente ans, parle de son comportement d’« apostat », Ce n’est pas pour rien qu’il insiste sur le rôle du libérateur des prisonniers de la caverne. Derrière le philosophe platonicien c’est le « rédempteur » machiavélien qui pointe son nez issu en droite ligne des relectures de Machiavel par Fichte, par Hegel et par Nietzsche. Ce n’est pas par hasard qu’il éprouve le besoin d’écrire à la fin de sa vie : « Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? ». Un paranoïaque ne se limite jamais à un seul modèle, il en superpose plusieurs, quelquefois un grand nombre, afin de confectionner le modèle composite qui à terme lui conviendra le mieux ? C’est ainsi qu’on voit Heidegger osciller, depuis 1910, entre Abraham a Sancta Clara, le philosophe libérateur de Platon, le thérapeute d’Aristote, le logicien Kant, l’Hypérion de Hölderlin, le Don Carlos de Schiller, le Dionysos de Nietzsche, le Prométhée d’Eschyle , le Phèdre du Banquet, le Sophiste du Gorgias, le Moïse de la Bible, créateur des « tables de la loi », Saint Bernard de Clairvaux initiateur des croisades, le Rembrandt éducateur de Langbehn, l’artiste créateur qui se dissimule derrière son œuvre, le « logos » de Hegel qui commence d’emblée par l’absolu, l’officier d’état-major Scharnhorst et l’alchimiste qui s’active à ses fourneaux pour effectuer la transmutation de l’humanité, pour finir par revenir, à la fin de sa vie, à un Abraham a Sancta Clara revu et corrigé par ses soins, qu’au fond il n’a jamais quitté. Comme on le voit, il y a pléthore de modèles. La liste n’est pas limitative. Le théâtre de Schiller à lui seul a été pour l’adolescent Heidegger un peuple de modèles (Abraham a Sancta Clara, Wallenstein, Carl Moore, Don Carlos, le marquis de Posa, etc.). Tous ces modèles ne nous intéressent que parce qu’ils nous permettent de comprendre le seul modèle qui compte aujourd’hui pour nous en tant qu’objet d’étude atypique : Heidegger. Tout agent historique après avoir joué son rôle, peut devenir à son tour un modèle. Les exemples de Moïse, d’Alexandre le Grand, de César et de Napoléon sont trop connus pour qu’on puisse les négliger lorsqu’on veut faire une approche d’Heidegger.
Qui est Heidegger ? Un modèle particulier de dictateur, le dictateur entièrement dissimulé exerçant son pouvoir et son ambition de manière totalement invisible dans le cadre d’une tyrannie légale ayant l’apparence de la légitimité. Heidegger c’est le modèle anti-modèle. Le seul désir de toute sa vie, désir qu’il mit en application sur le plan politique dès janvier 1933, avec une violence inouïe, fut d’être le Dionysos de Nietzsche en lutte à mort contre le crucifié et ses racines sémitiques. Le combat de Heidegger est celui qu’il expose de manière non équivoque dans sa présentation de Nietzsche tout au début de son cours sur Les concepts fondamentaux de la métaphysique. Il se résume en quatre mots :
« DIONYSOS CONTRE LE CRUCIFIÉ ».
Tout Heidegger est là. Tout son travail intellectuel à partir de cette visée consiste à falsifier la tradition philosophique pour l’adapter à cette finalité. Tous les auteurs de la tradition vont être équarris pour recevoir le profil que le gourou veut leur voir prendre. Leurs concepts sont passés à la moulinette du sophiste pour être resservis dénaturés. Pas un concept important n’échappera au transmutateur dans l’alambic de sa haine : la liberté, la justice, la vérité, l’être, l’art, la poésie, la conscience morale, l’impératif catégorique, l’imagination, la conscience transcendantale, la transcendance, le logos, dieu, la vie, le socialisme, le travail, le bien, le mal. Il serait trop long de les énumérer tous. Il s’agit d’une transmutation complète du lexique philosophique et du vocabulaire de la langue courante, destinée à confondre le bien et le mal de façon à faire triompher une vision délirante du monde et une conception paranoïaque de l’absolu. Tout se cristallise autour de la notion de « salut » et d’ « être-en-faute », ses deux concepts opératoires fondamentaux autour desquels gravitent les concepts de « genos », de « logos » et de « feu ». Cette galaxie de concepts prétendument salutaire repose sur une assise gnostique qui s’est donné pour tâche de rendre le « logos », prétendument dénaturé par le christianisme et notamment par Philon d’Alexandrie (Heidegger dixit), à sa pureté originelle censée être la visée héraclitéenne. La pureté pour Heidegger consiste à remonter du logos johannique qui a bercé son enfance au logos héraclitéen qui est censé satisfaire son adolescence en ne contrariant plus sa libido. Le retour aux grecs représente chez lui un retour à la pleine liberté érotique. Le maître mot de son traité sur les catégories et la signification chez Duns Scot est emprunté à Nietzsche. Il parle en toute clarté :
« L’instinct qui fait de la philosophie »
C’est à partir de cette perspective exprimée pour la première fois en 1915 qu’il faut comprendre le reste de son œuvre. Heidegger a voulu libérer l’amour des « lacets » de la morale et, en complément, l’ambition du « rang » et de « l’excellence » des exhortations à l’humilité. En deux mots, il a troqué les versets monacaux de l’Imitation de Jésus-Christ contre l’ouverture nietzschéenne à « l’ivresse » du plaisir sensuel et du « péché actif », le crime (« le plaisir veut la profonde éternité »(Zarathoustra) – « pour l’aryen le crime est un acte viril » (La naissance de la tragédie). Ces positions nietzschéennes sont explicitées dans Les concepts fondamentaux de la métaphysique, dans La volonté de puissance en tant qu’art et dans l’Introduction à la métaphysique. A l’ivresse du plaisir et du crime s’ajoute encore celle de l’orgueil (cf. Heidegger, premier cours sur Nietzsche, 1936, La volonté de puissance en tant qu’art). Ce « renversement / dépassement » des valeurs traditionnelles est censé faire de la philosophie « une fête de la pensée » (1936) (Nietzsche I, p.15).
(A suivre)
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Réponse à Monsieur Stephen
sur le site :
Le PhiblogZophe
« Heidegger : une page nazie du « démissionnaire »
Diffusé sur le blog en trois fascicules
Troisième fascicule
Depuis la fin du XIX° siècle et le début du XX° maints philosophes ont lu Nietzsche à commencer par Bertram et Jaspers sans devenir pour autant des assassins. Que s’est-il donc passé chez Heidegger ? La raison de son « Einsatz » (son passage à l’acte) demeure une énigme. Cette dernière est d’autant plus énigmatique que sans un « homme-instrument », c’est-à-dire sans un démiurge Heidegger n’aurait rien pu faire. (cf. Dostoïevski, qu’il connaissait bien, Pensées d’un souterrain).Tout est donc à mettre au compte de la poussée de la libido trop longtemps contenue et contrariée faisant exploser à terme le barrage qu’on lui a imposé. Cette visée freudienne de la libido est tout à fait juste. Le courant continu de la libido doit se libérer. Quand il ne peut s’écouler normalement il le fait de manière détournée. Il y a chez Nietzsche et chez Freud des milliers d’exemples de cette situation. Nietzsche a bien vu que la libido trop longtemps contrariée devenait perverse. Edgar Poe, quant à lui a su peindre à merveille la perversité dans ses Nouvelles histoires extraordinaires. C’est dire à quel peint le phénomène est bien connu. Avec Heidegger cependant nous sommes devant un nouveau cas de figure, un cas exceptionnel, unique : la figure de « l’Anti-Christ » nietzschéen mis en œuvre pour la première fois, non plus dans une œuvre littéraire où il aurait pu servir d’exutoire, comme ce fut le cas pour Nietzsche, pour Baudelaire, pour Mallarmé, mais en situation historique réelle où il prétendit faire une « expérience », grandeur nature, « avec la vérité ». Heidegger dans toute son œuvre, joue sa conception de la vérité contre celle du Christ. C’est-à-dire sa conception de la déité contre celle du nazaréen, c’est-à-dire encore celle du dieu volonté de puissance en devenir dans un peuple et dans son guide contre celle du dieu–amour créateur, la conception de « la guerre, père de toute chose » contre la conception du dieu–père créateur de ses propres enfants.
La libido de Heidegger avait besoin de cet orgueil pour s’exhausser après s’être sentie violemment humiliée. Elle ne voulait plus de « père-juge », plus d’entrave, elle voulait la liberté absolue et pour cela, par-dessus la condition humaine, elle rêvait d’être dieu. Le seul dieu. Le seul « dieu deux fois né » : Dionysos. Or ce Dionysos, ce dieu qu’il qualifie de « prototypique », d’entrée de jeu, dans le commentaire de l’hymne « le Rhin », il le présente comme « le dieu de la mort la plus terrifiante, celle de l’extermination », « le dieu de l’Hadès ». Nous ne sommes plus dans les parages de l’ivresse de Bacchus, nous sommes dans le brasier de la « diké », de la justice implacable du justicier qui déclare que « ce monde n’aurait jamais dû exister ». Un seul être aurait pu dire cette parole, c’était le Lucifer de Böhme dont l’existence était censé être antérieure à celle du Christ et que le père était censé avoir relégué à l’abîme pour offrir son pouvoir au Christ. Heidegger après son aventure humiliante et frustrante au petit séminaire de Constance s’identifia-t-il à cette figure de Lucifer ? Un certain nombre d’indices dissimulés ça et là dans son œuvre tendraient à le laisser croire. Mais si tel est le cas, ce qui n’est pas impossible dans le domaine de l’identification au niveau de l’imaginaire, il faut encore comprendre comment cette identification a pu conduire à un passage à l’acte aussi monstrueux. On devine aisément qu’Heidegger a voulu être le seul Dieu et se venger du Père et du Fils qui, par la médiation des ecclésiastiques qui lui ont rendu la vie rude, du moins à ses yeux, lui ont infligé des blessures devenues assassines, en ne laissant subsister aucune trace de leur présence dans l’univers.
a) L’ « Einsatz » heideggérien. (Le mot signifie en allemand, à la fois « passage à l’acte » et « opération militaire »)
Influencé par les théories de Feuerbach et de Durkheim Martin Heidegger se serait-il pris, étant donné le sens qu’on lui connaît de son « excellence » personnelle et sa croyance très forte en « l’excellence de sa race », pour le seul dieu conçu de manière non anthropomorphique, c’est-à-dire pour « la seule transcendance vraie » ? La manière dont il parle de la « transcendance » dans la conclusion de son Duns Scot ne laisse guère de place au doute. Heidegger n’est pas le premier à avoir déliré à partir de Böhme. Louis Claude de Saint Martin lui a montré le chemin et après lui, Schelling, Hölderlin, et Nietzsche lui-même, ont fait un bout de route avec le cordonnier de Görlitz un tantinet dérangé. On se souvient de la célèbre parole de l’auteur d’Ecce Homo : « Je ne conçois pas que dieu existe et ne pas l’être ». Dans le domaine de la paranoïa gnostique, Heidegger a eu d’illustres prédécesseurs, jusqu’à Lenau qui, dans son Faust, n’hésite pas à écrire que pour obtenir la vraie puissance il ne sert à rien de faire un pacte avec le diable, il faut être le diable lui-même. Heidegger dans Être et temps dira que l’histoire n’est peut-être pas loin d’être le diable en personne (NRF, p. 466). Dans la conception du « christianisme positif » qu’il partage avec Schelling (cf. son Schelling et la Philosophie de la révélation), et d’une manière générale avec tout le courant de « l’idéalisme allemand », l’histoire a bien cette présence-là. La pratique du mal est, pour tous, la condition sine qua non de la création du bien. La condition de son incarnation dans le réel, de sa réalisation au sens propre du terme. Et ce n’est que de réal-isation que rêve Heidegger, c’est-à-dire du fait de « rendre réel ». Il veut faire éclore l’être dans l’étant, transsubstantialiser l’ontologique en ontique. C’est cette réal-isation transsubstantielle qu’il nomme « l’événement » (Ereignis). L’événement « événementialise » l’être, dira-t-il, en le faisant apparaître sous forme d’étant. Et ce, grâce à sa médiation personnelle. C’est lui qui a été choisi par l’être pour cette tâche, a-t-il confié un jour à Jean Beaufret. Pour exercer cette fonction. « L’être a besoin de penseurs », dit-il. Il ne peut rien faire par lui-même si ce n’est accorder sa faveur au penseur et, par sa médiation, à un peuple, ou se retirer. Qui ne voit que ce narcissisme paranoïaque est particulièrement délirant. Il est compensateur certes, à sa manière, d’une situation frustrante – Heidegger a besoin d’être reconnu – mais à ce point la paranoïa franchit les bornes du tolérable. La résilience qu’il a tentée pour sortir de la nasse est devenue une « résilience dévoyée ». En perdant tous les repères de la présentation du réel sur le plan métaphysique Heidegger finit par prendre pour certitude ce qui n’est qu’une conviction délirante et au nom de cette conviction il s’autorise des actes nécessaires. Il impose le nettoyage de la Terre comme s’il se prenait pour le valet de ferme de l’être chargé par son maître mental, de nettoyer les « écuries d’Augias » (l’expression est de Heidegger. (Cf. Correspondance avec Elisabeth Blochmann).
Inutile de vous dire qu’il m’a fallu des années pour arriver à comprendre cette position démente tellement elle est aux antipodes de ma façon de penser et des traditions humanistes, chrétiennes, socialistes ou socialisantes dont nous sommes en France les héritiers directs. La présence dans le vingt quatrième point du programme nazi d’une référence au « christianisme positif » est encore un indice supplémentaire de la création de ce programme par Heidegger. Hitler dans Mein Kampf parle du « créateur du programme » au singulier. Il va de soi que cette écriture du programme du « socialisme national » – (« national » est un euphémisme pour éviter de dire racial, il désigne ceux qui sont nés de la même « souche ») – a été effectuée en plein accord avec les membres de la « corrélation » dont il se considère comme le « surplomb de valeur absolue ». Le courant d’idées qui circule entre les membres de cette corrélation est ce qu’il a appelé, en 1916, le « va-et-vient » de la « transcendance ». Cette nouvelle conception de dieu totalement délirante, un dieu identifié à un « cercle de personnalités que leur élection assimile » n’est autre que la « Gleichschaltung » originelle sur laquelle reposera la totalité du nazisme. Ce qu’on appelle « la mise au pas » est d’abord un courant de pensée et une prise de décision entre égaux (gleich). Les non consentants seront ensuite intégrés de force dans cette « égalité » (Notons qu’il serait peut-être plus approprié pour désigner la chose, de créer le néologisme de « gleichité »). Ce sera l’ « Anschluss ».
Lorsque Céline disait dans les années noires « Dieu est en réparation », il savait ce qu’il disait. La conception du dieu germanique était effectivement en réparation. Mais le mécanicien Heidegger n’avait cependant pas son certificat d’aptitude professionnelle bien qu’il ait déclaré à Löwith au début des années trente qu’il était un « théologien ». Que pouvait bien signifier le terme de théologien dans la bouche d’Heidegger ? Une macédoine de conceptions arbitraires toutes plus délirantes les unes que les autres destinées à libérer leur auteur de la nasse dans laquelle l’avait placé la pratique disciplinaire des religieux, qu’il avait subie au petit séminaire de Constance dans l’internat du foyer Saint Conrad et qui restait fortement ancrée en tant que passé qui ne passe pas et qui ne veut pas passer. Sous l’effet conjugué de la discipline morale, des pénitences réparatrices, du travail intellectuel intense et de la réaction contenue à la répression subie, le jeune Heidegger est progressivement devenu un « forcené » analogue au « forcené » de Nietzsche. Un forcené d’un nouveau type qui fait maintenant comprendre dans ses cours sur Nietzsche que Dieu, le dieu chrétien, n’est pas encore totalement mort. Nous l’avons profondément atteint, certes, mais tant que ses racines seront vivantes il pourra renaître à tout instant. Nous devons donc achever de le tuer et pour cela nous devons anéantir le peuple qui l’a créé. Ceci cependant n’est que l’aspect négatif du travail, le creusement des tranchées pour la fondation de notre futur « habitat poétique ». L’aspect positif est la construction de notre monde, le monde du surhomme, le monde des demi-dieux, bâti à nouveau selon les principes initiaux grecs. Un monde schillérien qui sera destiné à surpasser en beauté le monde grec antique grâce au pouvoir de la technique des modernes elle-même issue des principes mathématiques et architecturaux grecs. L’espace Terre où se bâtit tout « monde » est analogue à un parchemin sur lequel un monde antérieur doit être effacé pour qu’un autre puisse naître et se développer, ou plutôt « renaître de l’oubli » dans lequel il est tombé, grâce au pouvoir du questionnement qui conduit à la réappropriation du savoir.
Le monde d’Heidegger n’est pas plus difficile à comprendre que ce que je viens d’exposer. Ce qui en revanche est plus difficile à admettre c’est qu’un homme puisse considérer ses semblables comme une réalité négligeable et de surcroît néfaste, au point de vouloir les tuer tous comme des parasites, en les éliminant en bloc, sans distinction, tels des lapins porteurs de la myxomatose. Cette dimension gigantesque de la psychopathie n’est pas banale. Elle éclate au grand jour chez Heidegger dans cinq domaines au moins :
1- l’incitation à l’extermination à partir de 1934 (cours sur le Rhin), et à la « corvée de bûches » (Approche de Hölderlin) culminant avec l’ordre d’embraser les bûchers en 1942 (Der Ister)
2- la glorification « du feu qui illumine » [mentalement] et qui n’en finit pas de consumer jusqu’au blanchissement de la cendre » (Trakl in Acheminement vers la parole,)
3- l’exhortation à la pensée fidèle et à la reprise du combat en 1951 et en 1953, respectivement six et huit ans à peine après la découverte par les Allemands des massacres nazis
4- la réitération de cette incitation en 1964 et en 1966 à l’école communale de Messkirch et lors du séminaire tenu conjointement avec Eugène Fink, réitération prolongée par la publication de la Gesamtausgabe afin de conditionner le plus grand nombre d’ « aryens » possible.
5- l’absence totale de compassion envers les victimes de l’holocauste et envers toutes les familles des victimes durement éprouvées par la guerre.
Il apparaît très nettement que la seule chose qui compte pour Heidegger c’est le triomphe de son idée et son accomplissement historique. Les recommandations faites à Constantin Dietze en 1945, la conférence sur Temps et être et la publication de la Gesamtausgabe le prouvent. Heidegger est un nouveau Moïse « anti-Moïse », un nouvel instaurateur de tables de la loi. Après la promulgation des lois raciales de Nuremberg il a déclaré dans l’origine de l’œuvre d’art : « L’œuvre libère la Terre afin qu’elle soit une terre ». Il est à la fois le Mahomet de Voltaire et le Moïse de Machiavel. Ces modèles religieux sont ses vrais modèles politiques. Son modèle institutionnel en revanche, est celui de l’Eglise catholique jouissant, au niveau de l’Etat, grâce à l’organisation hiérarchique, ce qui fut toujours un rêve pour l’Eglise, du droit canon absolu. Ce modèle est certes emprunté à l’Eglise catholique mais retourné contre elle. Et ce retournement fait de lui un modèle répressif d’une violence extrême, une violence qui a atteint un degré qu’aucun régime répressif et exterminateur avant lui, n’avait encore jamais atteint. Ceux qui osent encore appeler ce maelstrom une philosophie font honte à la dignité humaine et à tous les résistants (hommes, femmes et enfants) qui ont généreusement sacrifié leur vie pour préserver notre liberté.
b) Des bribes de jouets dans les « décombres ».
Reste-t-il encore quelque chose à sauver dans les écrits dits « philosophiques » de Heidegger ? Il est évident que lorsqu’on démonte l’édifice en oubliant la finalité de ce dernier et en la tenant scandaleusement pour négligeable, pour ne prendre en compte que la texture de tel ou tel matériau, on peut toujours trouver du grain à moudre. Car une doctrine gnostique qui prétend « sauver » le monde de son anéantissement et de sa déchéance n’est pas faite de rien. Elle emprunte ses matériaux à tout ce qui existe. Mais si on s’adonne à ce petit jeu il faut avoir pris bien soin au préalable de décontaminer les éléments parcellaires qu’on utilise et je ne suis pas sûr qu’on puisse parvenir à une purification satisfaisante car ce sont les phrases même qui encadrent, qui présentent et qui tissent le sujet qu’il faut changer. Pourquoi dans ces conditions ne pas préférer revenir à l’original et oublier la malveillance contaminatrice du gourou gnostique, qui s’improvisa guide de la «race des Allemands » (l’expression est dans Hölderlin, La Germanie) et moteur de la révolution conservatrice exterminatrice du reste de l’humanité ?
La lecture des auteurs effectuée par Heidegger est, en effet, irrecevable. Car elle est totalement dénaturée. La manière dont il traite Leibniz et Kant, par exemple, est véritablement immonde. Et que dire de ses présentations de Platon, d’Aristote, de Descartes, de Husserl, de Cassirer ?
Son étude des concepts est tout autant irrecevable. Tous ses concepts ou pseudo concepts sont contaminés par le projet de « salut » « national socialiste » qui les rend impropres à la consommation. Ainsi en va-t-il de l’art, de la liberté, de la justice, de la vérité, de l’homme, de la logique, de l’être, de la conscience morale, de la vie, de la phénoménologie, etc. Il serait trop long d’entrer ici dans une étude détaillée des déviations heideggériennes. Si l’on veut avoir une vue nette de ce dont il s’agit, il suffit, la plupart du temps, de s’attacher à un concept et de suivre son évolution du début jusqu’à la fin du cours où il a été analysé pour voir quel traitement sophistique Heidegger lui fait subir afin de dénaturer complètement son sens. Il faut voir encore comment il fait dire aux auteurs qu’il utilise le contraire de ce qu’ils ont dit pour bien montrer que lui, Heidegger, se situe dans le droit fil de leur pensée et que loin d’être leur détracteur il prolonge leur analyse en la dépassant. C’est ainsi que le « schématisme » chez Kant, par exemple, devient anticipation de projet temporel, que la « raison » devient « imagination transcendantale », que « l’essence de la vérité » devient « la vérité de l’essence » au sens de la « généalogie » et de la « souche » . C’est ainsi que, chez Husserl, la phénoménologie des essences perd toute valeur scientifique et que seule devient recevable la « visée généalogique ». C’est ainsi que dans des domaines différents encore, « la vie » devient exclusivement synonyme de « volonté de puissance », que « l’art » est défini essentiellement comme « l’intensification de la volonté de puissance », que la « vérité » n’est plus l’adéquation entre la parole et la chose dont on parle, mais uniquement la « déclosion » de l’être dans l’histoire grâce à la médiation de l’évènement de pensée qu’est Heidegger, événement qui, de ce fait devient avènement. On pourrait continuer encore longtemps à ce rythme. L’instrumentalisation de Trakl, d’Hölderlin, d’Anaximandre, de Leibniz ne sont pas de minces choses. Tout Heidegger est travestissement à fin de reconstruction en vue de l’établissement du règne du surhomme dont le pouvoir est intégralement fondé sur le principe de la nécessité de la pratique du mal pour réaliser le « bien » national socialiste .
La notion d’« être » elle-même est entièrement pervertie par la définition qu’il en donne : « la patrie, c’est l’être lui-même » écrit-il dans la Germanie. Quand à « l’oubli de l’être », il n’a existé que dans l’imaginaire d’Heidegger. Il n’y a jamais eu d’oubli de l’être dans la tradition philosophique occidentale mais au contraire une notion d’être qui depuis l’émergence du mot dans les structures grammaticales de la langue grecque a été éminemment travaillée jusqu’à prendre la valeur d’une force consciente d’elle-même renvoyant à l’idée d’un dieu créateur. Qu’Heidegger ne veuille pas de dieu, ou plutôt de ces modèles de Dieu, c’est une autre affaire, ou plus justement encore, qu’il ne veuille pas d’autre dieu que lui, n’enlève rien aux recherches qui ont été faites sur la notion d’être, même si elles ont le malheur de lui déplaire. Nous n’hésitons pas à dire que tout ce qu’il a raconté sur l’être et qui est chargé d’une connotation raciale ne nous plait pas non plus. Son illusion, éminemment narcissique, d’être le médiateur entre l’être et les hommes est d’une prétention insoutenable et relève d’une imposture qui n’a nullement sa place en philosophie. Quant à laisser entendre que le temps de la philosophie est fini et que maintenant commence une autre histoire, à l’heure d’un prétendu « achèvement de la métaphysique », c’est peut-être une construction plaisante pour amateurs de perles dans un sottisier mais cela ne relève en rien d’une approche sérieuse de la réalité.
c) Le « graal » heideggérien vilain petit canard du « Gral » catholique des « chrétiens sociaux ».
Je terminerai par la prétendue présentation de « l’essence de la technique » dont se sont gargarisés tant de philosophes français ; je dirai qu’elle n’a pas plus de réalité que le « temps » heideggérien. Tous ces pseudo concepts sont des mots vides de sens qui, habilement amalgamés, servent à véhiculer un message d’un tout autre ordre, celui du « graal » heideggérien (la « coupe en argent ») destiné à promouvoir la « souche » aryenne au détriment des autres membres de l’espèce humaine. Heidegger ne trouve rien de mieux à dire en 1953 que « l’essence de la technique n’a rien de technique » ou encore que, si l’art parvient à se débarrasser de « l’esthétisme », il nous reconduit « vers ce qui sauve. » Quand on sait quelle signification il a donnée au mot « art » et quelle perspective il a attribuée au salut de 1936 à 1945 on ne peut être qu’écoeuré de ces propos. D’autant plus écœuré que le passage sur « l’agriculture motorisée » identifiée a « la fabrication des cadavres dans les chambres à gaz » n’a pas été reproduit par l’éditeur et que la conférence fait partie d’un recueil dédié non pas à son unique frère mais « à l’unique frère », c’est-à-dire à Hitler (« dem einzige Bruder ». Voilà pourquoi les éditions Neske ont omis la dédicace dans une de leurs éditions. Cela fait beaucoup de censures pour un texte dont le cheminement est censé nous conduire au salut et qui valorise ouvertement la coupe en argent sacrificielle, choisie comme exemple privilégié de « l’essence de la technique ».
Quand on connaît le sens de cette symbolique mortifère on a tout simplement envie de vomir. Huit ans après la défaite Heidegger reprend le même discours que celui qu’il tenait durant la période génocidaire et persévère dans la même voie. Il fait même mieux, il nous accorde en prime l’ « arraisonnement ». Je ne m’attarderai pas sur ce texte odieux pas plus que sur celui du « dépassement de la métaphysique » dans lequel il invite ses compatriotes à créer une « escorte » pour montrer le chemin afin que le « changement » puisse arriver (Essais et conférences, NRF p.115). Je rappellerai simplement que dans Alethéia après avoir rappelé que « to pur » désigne le « feu sacrificiel » il identifie le « logos au feu » (to pur est o logos) (Essais et Conférences. p. 333), ce qui en dit long sur son état d’esprit. Mais comment peut-on encore aujourd’hui prendre plaisir à lire des livres semblables ? Rappelons encore que ce texte Alethéia faisait partie du cours de 1943 sur Héraclite, cours qui fut donné l’année même où les fours crématoires brûlaient à plein rendement, juste un an après qu’il eut lancé l’ordre, dans der Ister, d’allumer le feu des bûchers. Il est bon de se souvenir encore qu’au solstice de juin 1933 il avait demandé au feu et à la flamme de faire connaître la « révolution sans retour ». Quand on déclenche une guerre, censée être père de toute chose, et qu’on allume des « bûchers funèbres » pour « libérer la Terre afin qu’elle soit une terre » (cf. L’origine de l’œuvre d’art) l’absence de retour cela veut dire quelque chose de fort peu sympathique. C’est le moins qu’on puisse dire.
Le passage à l’acte s’explique , avons-nous dit, par une seule raison : la volonté de supprimer l’obstacle à la jouissance pour permettre à la libido de se réaliser sous ses deux formes fondamentales : la jouissance charnelle et la reconnaissance sociale. Il n’est peut-être pas inutile de préciser qu’on trouve exactement le même schéma mental chez Bismarck exprimé sous forme de compte rendu de rêve dans ses mémoires : Pensées et souvenirs. Freud avait judicieusement relevé ce passage, dit du franchissement des Alpes, dans l’Interprétation des rêves. Si Heidegger a toujours rejeté la psychanalyse ce n’est pas seulement parce qu’elle était d’origine « étrangère » c’est aussi et surtout parce qu’il craignait qu’elle ne révélât le fond de sa pensée et son origine compromettante qu’il tenait soigneusement à dissimuler. Mais on n’empêche pas la vérité de croître. Plus on s’obstine à cacher une réalité plus on la montre. Heidegger a tenu à garder le silence sur ses années d’adolescence et de jeunesse, c’est justement ce qui nous conduit à les étudier de près. Le repeint de pudeur qu’il a apposé sur elles pour les dissimuler est plus transparent que le voile d’Isis.
d) Le « fond » du « fond » heideggérien.
De quoi se compose finalement le « fond » de la pensée de Heidegger ? Disons pour faire court que c’est un « sans fond » dissimulé par un voile. Un palliatif à l’ignorance plus dangereux que l’ignorance car il présente la non vérité comme la vérité. Et lorsque la non vérité porte sur la question du salut, c’est grave, surtout lorsqu’on affirme que le salut de l’humanité consiste à se décontaminer du christianisme par la guerre et par l’extermination. Tout cela est écrit par Heidegger, je n’invente rien, à des endroits différents de son discours professoral, certes, mais ses cours sur Nietzsche repris à son propre compte, et renchéris en capacités néfastes sur le plan mental et politique par ses propres convictions, sont éloquents. L’écrit sur la Métaphysique de Nietzsche, rédigé en 1940, est un condensé de toutes ces joyeuses positions. Les contre vérités de Nietzsche et de Treitschke sont devenues le bréviaire de sa haine. A savoir : « le christianisme est le denier but de la sublime rancune juive », « le véritable instrument de sa vengeance » (Généalogie §8) – « Les Juifs sont notre malheur ». Pour faire bonne mesure, il faut ajouter : « Heidegger est notre libérateur » aidé de son auxiliaire Hitler devenu son laquais fidèle. Voilà ce qu’on appelle un conditionnement réussi pour une catastrophe programmée, conçue et réalisée avec le plus grand soin. Car un libérateur opère rarement seul, il agit généralement de conserve avec un collaborateur. C’est ce qu’on appelle une syzygie. Les exemples de syzygie sont nombreux dans l’histoire. Citons simplement : Moïse et Aaron, Saint Bernard et Hugues de Payns, César Borgia et Ramiro d’Orco, Lacenaire et Avril, et dans l’œuvre de Platon, le Dieu architecte et son démiurge (celui qui réalise l’œuvre publique dont l’architecte a tracé les plans. Chez Heidegger, l’architecte dirige, de plus, la réalisation de l’Œuvre en donnant des ordres successifs, étape après étape). Qu’il s’agisse de malfaiteurs, d’hommes politiques ou de fondateurs de religions, la syzygie apparaît indispensable à l’historialisation du projet d’abord apparu « dans la tête d’un seul » comme tient à le souligner Hitler. L’opérationnel ne va pas sans l’intellectuel et l’intellectuel ne peut rien faire sans l’opérationnel. Hitler n’a pas pensé le nazisme. Il l’a dit, il l’a écrit maintes fois. Heidegger n’a pas braqué le révolver sur Röhm, il n’a pas davantage allumé les bûchers de sa propre main. C’est la syzygie qui a tout fait. Le Dieu architecte a donné l’ordre et c’est l’Ordre des exécutants, en tant que nouvel ordre de chevalerie, obéissant aux ordres du « dieu en puissance », c’est-à-dire du « roi encore sans couronne », qui a agi. L’action est collective si le moteur est unique. Ce dernier est assimilable au levain dans la pâte..
Tous ceux qui ont participé à l’œuvre sont responsables et doivent rendre compte des actes criminels commis. La responsabilité la plus haute incombe à celui qui a conçu l’œuvre et donné les ordres pour la réaliser. Heidegger grâce à sa ruse et à sa malignité a sauvé sa tête, il n’échappera pas au jugement de l’histoire. Certes il faut du temps pour que les historiens deviennent conscients des sources cachées, mais ils finiront par le devenir. Heidegger a fait référence aux « sources cachées » et à leur révélation indirecte accessible simplement de manière symbolique. Il serait temps que l’on se penche sur les symboles utilisés par Heidegger et qu’on les analyse de très près. « Ce qui pénètre dans le fond de la vitalité, a-t-il écrit en 1927 en reprenant à son compte les paroles du comte Paul Yorck, échappe à une exposition exotérique, d’où il s’ensuit que toute terminologie n’est pas vulgarisable, qu’elle est symbolique et inévitable » (Être et temps, §77 NRF p.468).
Je n’insisterai pas davantage sur le « fond » de la pensée de Heidegger. Le discours sur la culture de 1936 fait référence au philosophe pauvre qui a tracé le programme et conçu la nouvelle vision du monde pour laquelle une escorte a été mise sur pied afin de la faire triompher. « Exactement comme je suis nature, je suis histoire », écrit encore Heidegger en citant toujours le comte Paul Yorck. Et d’ajouter : « une fois pénétrée l’historialité du Dasein, Yorck ne tarde pas à en tirer l’ultime conséquence ». (Ibid. p. 467). Faisons comme lui. Maintenant que nous avons pénétré « l’historialité » du Dasein heideggérien, tirons-en toutes les conséquence ». Ce n’est pas moi mais bien Heidegger qui a parlé, en 1930, de « l’œuvre que nous voulons porter à son efficace » (Cours sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel). Sauf à faire preuve à l’âge adulte de la même niaiserie que le petit chaperon rouge de Perrault, il me semble que les choses sont claires. Non ? J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire sur l’imposture heideggérienne. Le leurre philosophique et la mystagogie pseudo scientifique ont servi de couverture à la plus grande entreprise industrielle de nettoyage ethnique jamais réalisée par un peuple conditionné par des démagogues sadiques aussi ignorants que prétentieux de Gobineau à Rosenberg en passant par Eugen Fischer, Max Scheler, Eric Rothacker, Martin Heidegger, Kurt Hildebrandt, Hans Günther, etc., etc. La liste serait trop longue à énumérer et de toute façon elle serait incomplète. Ils étaient « légion ». La conviction qui tint lieu de culture fit d’abord son effet ; la haine, l’orgueil et le ressentiment firent le reste. Vinrent ensuite la terreur, la contrainte, la peur, la soumission, la promotion, l’illusion et l’accoutumance qui transformèrent l’horrible en normalité jusqu’à ce que la résistance humaniste armée mit un terme aux prétentions « ontocratiques » du gourou Heidegger et de son pit-bull sanguinaire Hitler.
Disons pour terminer que la « vision généalogique » heideggérienne inspirée de Gobineau, de Nietzsche et de Max Scheler sur le plan racial, de Max Scheler et de Nietzsche sur le plan moral a conduit Heidegger dès 1915 à rejeter la « vision eidétique » husserlienne et à lui substituer une visée phénoménologique d’inspiration hégélienne à la fois temporelle et historiale dans la plus pure tradition « conceptuelle » de la Logique de Hegel. Cette « phénoménologie » historique vise « la parousie de l’absolu » et elle la réalise par la médiation de la « mission » prétendument dévolue à la « race des Allemands » conçue comme la « race noble » par excellence. La souche grecque étant considérée comme le « prius » aryen par opposition à la race sémitique censée être « l’ennemie du genre humain » (Tacite). En choisissant Hitler Heidegger avait misé sur le bon cheval, prêt à « mourir sous le harnais ». Ce qu’il fit.
3°. Les appréciations des tiers
De Constantin Dietze au docteur Bollinger les jugements portés sur Heidegger ont varié du tout au tout, en Allemagne. Il y a ceux qui ont vu en Heidegger l’ennemi acharné des nazis, confondant ses prises de position contre les S.A. avec des prises de position contre Hitler et ses opérationnels, il y a ceux qui ont vu en lui « Hitler en chaire ». Il y a ceux qui ont dit « la vérité est entre les deux. Il s’est trompé mais il a rectifié le tir ». Les opinions ne m’intéressent pas. Je n’ai pas besoin de « l’opinion » pour me faire une idée, je lis l’œuvre. Et je ne la lis pas en falsifiant le texte comme Fédier qui traduit « Innigkeit » par « tendresse », je la lis en pesant chaque mot « à son poids plein » comme recommande de le faire Heidegger, c’est-à-dire en le replaçant dans la totalité de ses contextes – affectif, culturel, historique – et quand on se donne la peine de faire ce travail on voit que la « commentairite» laudative ou semi-laudative relève de la logorrhée. En se dissimulant sans cesse, Heidegger s’est montré beaucoup plus malin que ses lecteurs. Je suis malheureusement contraint de porter sur la plupart d’entre eux le même jugement que celui qu’Heidegger portait sur les esclaves de la caverne dans son cours du semestre d’hiver 1931-32 : « le philosophe ne s’attaquera pas à ce bavardage de la caverne par trop obligatoire, mais l’abandonnera à lui-même ». J’espère que vous aurez compris.
La vérité de Heidegger n’est pas accessible à tout le monde. Heidegger le savait parfaitement. Il a toujours privilégié la façade des apparences pour cacher la réalité du fond. Il espérait pouvoir se montrer tel qu’il croyait être – c’est-à-dire sous la figure du dernier dieu – à la fin du processus de libération. Il serait apparu alors comme quelqu’un de très grand et il se voyait déjà encensé par tous. La gloire que Machiavel promettait au libérateur, au « reddentore » était sans commune mesure avec les petites gloires ordinaires. Malheureusement pour lui, le « reddentore » Martin Heidegger a raté son coup. Mais il s’est trouvé en France des disciples de Phèdre pour glorifier ses ordres d’assassinat exprimés sous forme poétique ou dissimulés derrière des euphémismes et pour approuver son génocide au niveau du langage tout en le déniant sur le plan des faits. Je ne porterai pas de jugement sur ces malvoyants volontaires ou non. Il s’agit de ne pas se tromper de combat. Quand on a vu qui est Heidegger, quand on a vu la double structure mentale et politique qu’il a mise en place dont le « prius » est interchangeable comme le sont les donations de sens dans les structures formelles chères au structuralisme, qu’on remplisse les occurrences par la « souche germanique» ou par le « capital libéral» on prend conscience très vite du danger que véhicule sa doctrine de la volonté de puissance s’autorisant d’elle-même à se surpasser pour s’intensifier et se sécuriser afin d’éviter tout retour en arrière.. « Deutschland über alles » se transforme en un clin d’œil en « Das Kapital über alles ». Nous y sommes déjà. La globalisation des intérêts du capital et la lutte à mort engendrée par la concurrence effrénée qu’elle soutient nous y ont conduits irrévocablement à notre insu.
En voulant lutter contre le libéralisme identifié abusivement au comportement du peuple juif, dès 1917 (cf. lettres à Elfriede) Heidegger a renforcé la structure monopolistique libérale et ouvert la voie au capitalisme absolu dont bien malin pourrait être aujourd’hui celui qui se risquerait à dire le nom de son futur dirigeant suprême. Ce dirigeant-là, esprit individuel ou polycéphale, ne sera plus désormais une figure de l’Anti Christ nietzschéen tel que Heidegger l’a choyée, mais probablement un autre Anti Christ tout aussi avide de « volonté de volonté » peut-être celui que l’apocalypse de Jean nous a laissé pressentir. Cet Anti-Christ-là, Nietzsche nourri de l’Apocalypse avait voulu l’être en tant que philosophe-dieu, mais il l’a laissé ontologiquement sur le plan de l’écriture, ce qui faisait dire à Valéry qu’il n’y avait pas de volonté de puissance chez Nietzsche mais seulement une velléité de puissance. Heidegger a effectué le passage à l’acte (« Einsatz ») avec son armée d’opérationnels. Il a raté son coup. L’ « assaut du ciel » tel qu’il l’évoque dans son Trakl s’est soldé par un échec retentissant, une défaite militaire telle que la Terre n’en avait jamais connu. Mais Heidegger savait que défaite militaire n’est pas anéantissement. « Un déclin est autre chose qu’un périr. Toute ascension contient son propre déclin » écrivit-il en décembre 1944 sur le cahier de visite de son ami Georg Picht en visant la victoire des alliés sur son entreprise de domination planétaire. Qui sera le prochain psychopathe qui déclenchera la fournaise subatomique et nanotechnique de l’enfer sur terre ? Ce sera vraisemblablement un disciple d’Heidegger car chez lui – à la fois dans son enseignement et dans son œuvre historiale – la doctrine et l’action politique planétaire du Malin ont atteint leur plus haut degré de schématisme et de réalisation « déistique » en visant l’apogée de « l’Unique » et sa « propriété ». Depuis la création de la brèche heideggérienne dans le mur de la conscience morale chrétienne la voie est prête pour venir habiter la terre. Tout « grand homme » désireux de l’« habiter en poète » n’a qu’à s’avancer sur ce tapis rouge de sang, largement déployé. Les pages 234 et suivantes de « L’homme habite en poète » sont plus qu’inquiétantes à ce sujet. Elles sont angoissantes. Cette visée de Heidegger concernant la progression exponentielle de la volonté de puissance, vous vous en doutez, est aux antipodes de la phénoménologie eidétique de Husserl.
J’espère, monsieur Stephen, ne pas vous avoir trop ennuyé en vous invitant à suivre le chemin de campagne onto-militaro-génocidaire de Martin Heidegger, c’est-à-dire l’itinéraire de son « Alethéia » « thanato-phore » prétendument libératrice. Après avoir effectué la vision panoramique du Grand Œuvre heideggérien qui n’avait d’autre but que de mettre en évidence le « non-dit » de l’action historiale d’un adolescent du Heuberg persuadé d’avoir vu se lever son étoile dans le tableau de l’Adoration des mages du Maître de Messkirch., il serait bon maintenant de montrer dans le détail des textes , comment ce jeune adolescent catholique s’est impliqué dans la mise en place de l’impérialisme génocidaire nazi, soit, chronologiquement, dans
la création du NSDAP,
la nuit des longs couteaux
la restructuration continue de l’Armée
la conquête des colonies et de l’espace vital
l’ordre d’extermination par le feu
la mise à l’abri de l’idéologie
le mouvement de relance du régime après la défaite.
J’ai fait en grande partie ce travail ailleurs. J’attends que les éditeurs veuillent bien accepter de le publier.
Michel Bel Saint-Cyr-sur-Loire 12-30. 03. 2008
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