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Dans leur préface aux lettres de Heidegger à Elfride (Ma chère petite âme), Alain Badiou et Barbara Cassin déclare aux lecteurs : « Heidegger est certainement un grand philosophe, qui a été aussi, et en même temps, un nazi très ordinaire. C’est comme ça. Que la philosophie s’en débrouille! » (Page 12).
Mais que signifie se « débrouiller »?
Essayons alors de nous débrouiller quoique, selon leur rhétorique, personne n’est la philosophie.
Je formulerais le théorème suivant, dit des « caissons étanches ».
Etant donné que le grand philosophe Heidegger a été en même temps un nazi très ordinaire, et qu’un nazi très ordinaire est nécessairement un immonde crétin, alors Heideggernaze n’a jamais eu l’idée de demander à Heideggerzophe d’essayer d’introduire le nazisme dans la philosophie.
Martin, à la fois grand philosophe et nazi très ordinaire, n’y a tout simplement jamais pensé.
Nazi trop ordinaire, il aurait été suffisamment crétin pour ne pas songer à nazifier la pensée. Certainement – est-ce si sûr? – grand philosophe il aurait eu la grande intelligence et la lucidité de ne pas laisser le nazi très ordinaire s’exprimer dans le champ philosophique. (Il lui a en réalité confectionné une voix de philosophe).
Faut-il alors admirer chez Heidegger le génie qui laisse à la porte un type suffisamment crétin pour ne pas essayer d’introduire le nazisme dans la philosophie?
La philosophie n’a pas à se débrouiller avec cette théorie débile des caissons étanches.
Elle a sérieusement à se demander ce que le nazi Heidegger a essayé de faire de la philosophie.
C’est la moindre des choses, et c’est bien plus fort que l’application d’un principe de précaution, qu’elle travaille le texte heideggérien pour y repérer l’expression philosophique, en réalité « trans-philosophique », d’une justification et d’une « fondation » d’une politique fondée sur le « droit d’extermination ».
Heidegger a été un nazi très ordinaire au sens où il a cru en Hitler, a été antisémite, vivait dans la croyance d’une mission du peuple allemand (dominer et peupler le monde d’une race de « penseurs et de poètes ».)
Mais la figure même du « grand philosophe » pulvérise le schéma. Ne pouvant croire que Martin Hei-Hitler n’a jamais vraiment essayé d’instrumentaliser la philosophie à des fins idéologiques, je proposerais, pour essayer de me « débrouiller », la formule suivante :
Bien situé dans le champ philosophique, Heidegger a été aussi un nazi d’exception pour, dans ce champ, élaborer un projet de nazification de la pensée. Ce projet même ne permet pas de penser à Heidegger en tant que philosophe. En tous cas ce philosophe ne s’adresse pas à cette partie de l’humanité dont il a applaudi ou souhaité l’extermination (ou la mise en esclavage).
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Althusser et Lacan sont morts, l’âge des lectures symptomales est terminé. On retombe dans la platitude désolante des lectures immanentes qui conduisent à un aveuglement absolu. L’aveuglement des doctes est pire que l’ignorance. Et pourtant ces lettres même offertes en petit nombre sont une mine pour qui sait les lire.
michel bel
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Le problème ne serait-il pas plutôt l’immense paresse intellectuelle et l’absence de tout sens critique de nos premiers de la classe, qui balaient un problème énorme d’un revers de la main comme s’il n’engageait pas le sens de la philosophie même ? Nos intellectuels jouent dans les salons à faire disparaître des pièces sous des gobelets en plastique et la foule s’esbaudit, bien contente d’être là …
Il nous est au moins donné de sortir.
By, donc, nos penseurs ne font plus que m’ennuyer.
J.V.
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