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J’appelle politico-médiatique un genre de séquences en général audio-visuelles qui sont d’une autre nature que de l’événement politique filmé ou que de la réalité médiatisée selon un point de vue politique.
L’action politique s’est toujours entourée de « médiateurs » : chroniqueurs, poètes, peintres, sculpteurs… Très tôt elle a été amenée à tenir compte de cette dimension qu’elle veut le plus complice possible. La vie politique s’exprime à travers des rites et une étiquette qui relèvent déjà de celle-ci. Un buste de Louis XIV ne constitue cependant pas une séquence de politico-médiatique au sens où je l’entends. Ni, par exemple, l’histoire de Rocco et ses frères telle qu’elle a été mise en scène et filmée par le sympathisant communiste qu’était l’artistocrate Luccino Visconti.
Le politico-médiatique s’est développé à partir de la publicité consubstantielle à l’action et à l’événement politique. Mais il constitue davantage une action politique médiatique qu’une action politique médiatisée.
Peut-être que le château de Versailles, voulu par Louis XIV, reléverait de ce politico-médiatique. Davantage, par conséquent, qu’un tableau représentant Louis XIV dans une de ses actions de souverain.
Le château serait lui-même une action, et une action politique de type médiatique au sens où il a été conçu pour devenir comme une légende architecturale de magnificence. En ce sens les grands monuments sont peut-être les ancêtres de ce politico-médiatique.
Le véritable polico-médiatique se constitue cependant quand l’événement appelé à se médiatiser est intentionnellement prévu et conçu pour cela, son sens étant alors donné par le truchement de la réception de la séquence.
L’événement est en quelque sorte produit comme un scénario et n’acquiert toute sa réalité qu’à travers la diffusion des multiples copies qu’il est possible de faire de la séquence politico-médiatique correspondante.
Un bon exemple de politico-médiatique nous est donné par les destructions d’Hiroshima et de Nagasaki par l’arme nucléaire.
Si les actualités cinématographiques et le journalisme illustré par des photographies n’avaient pas existé on est en droit de douter que l’événement lui-même eût pu avoir lieu.
Cela même a permis au gouvernement américain de l’époque et au président Truman de défendre le franchissement de la barrière nucléaire en argumentant du fait que cela a évité le prolongement d’une guerre qui aurait fait des millions de morts.
Le génocide perpétré par les nazis a été commis dans la « nuit et le brouillard » puis nié par les auteurs, lesquels ont tout fait pour en détruire les traces. Il a fait des millions de morts. La bombe, quant à elle, s’est contentée de quelques centaines de milliers de morts et peut se justifier du mythe d’avoir contribué à abréger une guerre qui aurait été extrêmement meurtrière. C’était une bombe « politico-médiatique ».
De manière naturellement moins explicite la séquence était à la fois une menace à l’intention de l’Union soviétique et, par là, un acte qui plaçait les Etats-Unis, après la défaite du IIIe Reich, à la tête d’une coalition anticommuniste.
Un autre exemple de fait « politico-médiatique » nous est donné par le massacre d’Oradour. Et alors que les nazis, nous l’avons vu, semblent avoir tout fait pour effacer le plus grand nombre possible de traces du génocide ils ont, par le massacre d’Oradour et sa destruction, en quelque sorte offert à la mémoire nationale un objet significatif.
Dans une certaine mesure on peut dire que les nazis sont les auteurs de cet objet de mémoire qu’on visite aujourd’hui accompagné de son musée. Ils étaient, il est vrai, des maîtres en matière de scénarios. Les victimes d’Oradour auront été les victimes réelles d’un scénario destiné à produire l’objet « Oradour ».
Indécence! dira-t-on. Non car la solution est bien, dans le respect des mémoires spécifiques, d’unir les hommages à toutes les victimes du nazisme dans la même dénonciation de la « politique de la mort ».
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