Heidegger/Sur un passage de Crétella

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Henri Crétella a commenté sévéremment une critique de Jacob Rogozinski elle-même sévère du livre d’Emmanuel Faye Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie. Je voudrais seulement ici interroger un passage de la critique de Crétella..Dans ce passage il sait gré à J. Rogonzinski de ne pas reconnaître à E. Faye le statut de philosophe… Celui-ci n’aurait fait qu’un « procès stalinien »..

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Lisons Crétella :.« On voudrait bien à cet égard lui accorder qu’elle débute par l’expression d’une vive critique de la plus récente de ces prises de position. Mais cette critique d’une apparente sévérité s’avère en réalité plus que mitigée : si elle s’attaque aux plus criants excès et défauts de l’ouvrage d’Emmanuel Faye, elle revient néanmoins, d’une manière embarrassée, à en accepter le principal. À savoir que : même si, selon Rogozinski, « à partir de la fin des années 30 », Heidegger « avait rompu avec le régime hitlérien », s’il « tentait de s’en démarquer radicalement en s’efforçant de “déconstruire” ses fondements métaphysiques », rien n’indique, mais tout au contraire fait plus que suggérer – notamment les deux verbes que je viens de souligner – qu’il n’y est finalement nullement parvenu effectivement. Le mode interrogatif adopté à ce sujet en ce début d’article ne saurait abuser le lecteur attentif. D’autant que pouvait déjà l’alerter « le mérite » reconnu à É. Faye « de montrer que l’ « engagement nazi » de Heidegger « a profondément imprégné sa pensée et son enseignement durant ces années-là ; et que le philosophe n’a pas hésité à professer publiquement certaines thèses racistes. » Ce dernier membre de phrase étant particulièrement infamant, j’en souligne les termes pour une double raison : la première étant l’énormité de ce qui est accordé à quelqu’un dont, pourtant, le degré d’« incompétence et de mauvaise foi » conduisent notre recenseur à « la conclusion » qui , selon lui « s’impose : les procédés qu’il emploie nous interdisent de considérer Faye comme un philosophe. Malgré ses quelques “révélations” factuelles, son pamphlet n’est qu’un réquisitoire digne des procès staliniens. » Il n’empêche : parmi « les quelques “révélations” factuelles » du « pamphlet » d’É. Faye, il en est une à laquelle souscrit expressément Rogozinski, laquelle revient à charger Heidegger de ce qui – précisément et exclusivement – définit l’aberration nazie. Telle est donc la seconde, et bien plus importante raison, pour laquelle il fallait en souligner la formulation »..

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Les conclusions de Crétella ne se font pas attendre :« On aperçoit ainsi ce à quoi conduit la concession de Rogozinski. Accorder que Heidegger « n’a pas hésité à professer publiquement certaines thèses racistes », fût-ce pendant les trois années 1933-35. Seulement, c’est accorder à Emmanuel Faye l’essentiel de ce dont « son réquisitoire digne des procès staliniens » voudrait nous persuader. À savoir que Heidegger fut bien le professeur de nazisme dont – à bon droit par conséquent – il se serait fait le procureur. Ce serait souscrire à son réquisitoire très au-delà de ce qui en est expressément accepté ».

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Que s’est-il passé?.

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1. Crétella salue en Rogozinski celui qui a dit que Faye faisait un procès stalinien à Heidegger. La honte totale!

2. Puis il regrette que Rogozinski admette que Heidegger ait pu enseigner du racisme et de l’antisémitisme.

Alors 

3. Ou bien Heidegger n’a jamais écrit des passages qui sont aujourd’hui pourtant lisibles dans la Gesamtausgabe;

4. Ou bien le pauvre Heidegger aurait été tout le temps contraint d’obéir aux nazis notamment en écrivant des phrases « plaisantes » à leurs oreilles.

5. Ou bien Heidegger a toujours été un super James Bond de la pensée, infiltré dans un système horrible pour en déconstruire les pseudo-fondements..

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Car, selon Crétella, si vous admettez que Heidegger a fait des déclarations volontaires pro-nazies, vous donnez raison à Faye et vous vous faites l’adjoint d’un procès stalinien!.Bref, si vous ne voulez pas vous faire complice d’une telle horreur il vous faut démontrer que Heidegger n’a pas écrit de telles phrases. Et alors qu’il a eu toute la période d’après-guerre pour faire des mises au point..

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Crétella dit : si vous n’êtes pas stalinien vous devez absolument faire en sorte que Heidegger n’a pas fait de telles déclarations! Débrouillez-vous comme vous voulez : coupez-les, racontez des histoires, mais il ne faut pas que Heidegger ait dit de pareilles choses!.

N’avons-nous pas envie de dire : à vos ordres Joseph!?.Où sommes-nous?.

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Pour notre modeste part nous avons le malheur, de surcroît, d’avoir la conviction que Heidegger n’a jamais été plus nazi qu’à partir de 1945! Que va-t-il nous arriver?..
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Remarques  

1) Henri Crétella a tiré profit de ce que Jacob Rogozinski est allé jusqu’à dire qu’ Emmanuel Faye avait fait un « procès stalinien » à Heidegger. Il ne rate pas l’occasion d’enfoncer Rogozinski en lui reprochant d’aller dans le même sens en reconnaissant les propos racistes et exterminatoires de Heidegger.

On pourra lire, dans la Quinzaine Littéraire (16-30 juin), une réponse de Jean-Pierre Faye à l’article de Jacob Rogozinski. Elle commence par une phrase qui prend acte du « véritable naufrage où se trouve entraîné aujourd’hui le corps de la philosophie ».

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2) L’article de Jacob Rogozinski s’intitule « Le procureur et les dévots ». Le procureur, c’est Emmanuel Faye – il fait un procès stalinien à Heidegger – et les dévots sont les auteurs de Heidegger à plus forte raison. (Fédier, Guest, Dastur, Conche etc.)

Mais, à propos des dévots, voici ce que notre JP Faye :

« Le chef-d’oeuvre du parti dévot, c’est une note. Elle vient à propos de ces pages de l’Edition intégrale heideggerienne qui en 1934 appellent à la totale « extermination », à la Vernichtung – du mot même qui va désigner en 1942-1944 les Vernichtungslager, les camps d’extermination, distincts des camps de concentration bâtis dès 1933.

Pour un pareil événement du langage, est consacrée une simple note de quatre lignes, dans un épais volume de 536 pages (Heidegger à plus forte raison) chargé d’invectives. Cette note, la voici : « Nous ne pouvons malheureusement pas ici nous attarder à lire effectivement ces quelques pages de Heidegger ».

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